Thon en boîte et risques de mercure un an après alerte

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Thon en boîte et risques de mercure un an après alerte
Thon en boîte et risques de mercure un an après alerte

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Souvenez-vous, il y a un an, la panique face au thon en boîte. Elle avait été provoquée à l’automne 2024 avec la publication d’un rapport de deux organisations non gouvernementales (ONG), Bloom et Foodwatch qui démontrait que dans plus de la moitié des boîtes testées, vendues en supermarché, la teneur en mercure dépassait la limite maximale fixée pour d’autres poissons comme le cabillaud ou les anchois, à 0,3 mg/kg.

« L’affolement dans la population générale ne paraît pas justifié »

Un pavé dans l’océan puisque le thon est considéré comme le poisson préféré des Français qui en consomment en moyenne 4,9 kilos par personne et par an, dont la plus grande partie en conserve. Dans la foulée, les deux ONG avaient immédiatement appelé à interdire la commercialisation des produits à base de thon dépassant 0,3 mg/kg de mercure et bannir ce poisson des crèches, hôpitaux, maternités, maisons de retraite et cantines scolaires, certaines mairies ayant opté immédiatement pour cette décision radicale et retiré le thon des menus.

« Si ce rapport a attiré l’attention sur un risque environnemental possible, notamment chez la femme enceinte et le nouveau-né, l’affolement dans la population générale ne paraît pas justifié », commentait mi-novembre 2025 le Pr Bruno Mégarbane, chef du service de réanimation à l’hôpital Lariboisière (Paris) lors de sa présentation sur ce thème au dernier congrès de la Société de toxicologie clinique qui se tenait à Bordeaux.

Pour rappel, le mercure est un métal présent naturellement à l’état de traces dans l’environnement dont les effets neurotoxiques sont connus de longue date. Essentiellement rejeté dans l’air par la croûte terrestre, il se disperse ensuite dans les sols, les eaux et les sédiments mais peut aussi provenir d’activités humaines, comme par exemple après trente ans de pollution industrielle dans le cas de la baie de Minamata (1957) ou encore l’absorption de céréales intoxiquées en Irak (1971).

En fait, le mercure naturel, très volatil sous sa forme élémentaire, possède la particularité de se transformer en méthylmercure quand il rejoint le compartiment aquatique. C’est là qu’il se concentre, sa teneur ayant tendance à s’élever au fil de la chaîne alimentaire, à chaque fois qu’une espèce aquatique en mange une autre plus petite selon le principe bien connu dit de bioaccumulation. Et ce fait est connu de longue date car ce sont les poissons prédateurs comme le thon (mais aussi l’espadon et le thon obèse Thunnus obesus, l’une des plus grandes espèces de thonidés) qui sont concernés par l’accumulation de mercure. D’où les recommandations qui existent depuis plus de 10 ans sur la limitation de leur consommation.

De son côté, dès 2012, l’autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a conduit une étude évaluant que le corps humain pouvait tolérer 1,3 microgrammes de méthylmercure par kilogramme de poids corporel par semaine, c’est ce que l’on appelle la dose hebdomadaire tolérable ou DHT, celle qui peut être consommée pendant toute une vie sans risque d’effet nocif sur la santé. Ce qui signifie pour une personne de 70 kilos (un homme ou une femme, non enceinte ni allaitante) et selon le calcul suivant (1,3 μg/kg × 70 kg = 90 μg) qu’elle peut absorber par semaine et sans risque au maximum 90 μg de méthylmercure.

Du côté des seuils de contamination du thon, le rapport des ONG a lui montré que les seuils de risque étaient différents selon les types de poisson. S’il est de 0,3 mg/kg de méthylmercure pour les poissons les plus petits, le seuil passe à 1mg/kg pour les plus gros (thon, requin, espadon, brochet, marlin, esturgeon). « Cette différence de normes entre poissons aurait été, selon le rapport, justifiée par des nécessités commerciales, alors que la toxicité est pourtant similaire”, note le Pr Megarbane.

Les ventes de boîtes de thon ont chuté de 10 à 20% entre novembre 2024 et février 2025

En effet, quand on plonge dans le rapport des ONG, force est de constater le nombre impressionnant d’intervenants dans l’établissement de ces normes de contamination, le tout s’effectuant, analyse les associations, sous l’influence d’un lobbying intense mené par les thonniers. Alors au final, que retenir un an après cette tempête quand on apprécie le thon mais moins le méthylmercure?

Car pour mémoire, le thon c’est aussi un aliment santé, dont les bénéfices nutritionnels (oméga-3, protéines, vitamines…) sont à prendre en considération. En bref, que le thon en boîte c’est peut-être bon, mais pas trop. Et que par conséquent le sandwich au thon quotidien ou la salade de thon plusieurs fois par semaine à la pause déjeuner, non, ce n’est pas une bonne idée.

En effet, si on prend l’hypothèse haute de contamination (1 mg de méthylmercure par kilo de poisson contaminé), la limite des 90 microgrammes hebdomadaires de méthylmercure est atteinte avec une seule boîte de 90 grammes. D’où l’importance du suivi des recommandations de l’Anses, la consommation de poisson 2 fois par semaine en associant un poisson gras à forte teneur en acides gras oméga-3 (saumon, sardine, maquereau, hareng) et un autre poisson (colin, merlu, cabillaud, sole…) , sans oublier de varier les espèces et les lieux d’approvisionnement et de ne consommer l’anguille qu’à titre exceptionnel.

Pour le groupe des femmes enceintes, allaitantes et les enfants de moins de trois ans, toujours conformément aux recommandations de l’Anses, il est même conseillé de limiter sa consommation et plutôt choisir un poisson gras, des données connues avant la publication du rapport.

Enfin n’oublions pas que d’autres groupes de population sont eux vraiment à risque, “comme les femmes enceintes en Guyane, en raison de fortes contaminations des eaux par le mercure déversé par les orpailleurs”, pointe le spécialiste. En tout cas, les ventes de boîtes de thon en France ont elles chuté de 10 à 20% entre novembre 2024 et février 2025 mais déjà, et pour relancer leurs ventes, les industriels ont lancé… le thon en sachet !

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