Africa-Press – Côte d’Ivoire. Depuis quelques années, le nombre de commerçants africains qui migrent vers le web monte en flèche. En 2020, IFC (Société financière internationale) estimait la taille du marché à 20 milliards de dollars, avec, depuis 2014, une croissance annuelle de 18 % du nombre de commerces en ligne. Malgré cet essor, de nombreux défis demeurent et, chez les commerçants, une question reste centrale : comment procéder à la collecte des paiements de la clientèle en toute sécurité ?
« Bien que le parcours client ait été digitalisé, il manquait cette dernière solution de paiement en ligne. Ainsi, pour les commerces, le paiement s’effectuait à la livraison, en espèces » explique Idriss Marcial Monthe, PDG de CinetPay. Fondée en 2016 à Abidjan, la start-up permet aux sites marchands ainsi qu’aux applications de collecter les paiements via des portefeuilles en ligne (wallet en anglais), le mobile money ou un compte bancaire classique. « Le paiement à la livraison causait il est vrai bien des problèmes », soupire l’entrepreneur.
Manque de fiabilité et de sécurité
Ingénieur de formation, diplômé de l’École nouvelle supérieure d’ingénieurs et de technologies (Ensit) d’Abidjan, il est confronté aux difficultés de collecte de paiement lors de sa première expérience en tant que responsable de la plateforme internet d’une start-up de services informatiques, CI Market. Ses dirigeants, qui rencontrent eux-mêmes ce problème au quotidien, développent leur propre solution, laquelle permet aux utilisateurs de régler leurs achats en ligne, le « centre de paiement électronique ». L’entreprise fera tout de même faillite deux ans plus tard.
Idriss Monthe enchaîne ensuite les expériences dans le secteur des solutions informatiques, alternant les postes d’ingénieur support, d’ingénieur avant-vente et de responsable technologique. Alors qu’il démarre dans l’entrepreneuriat en lançant CinetCore, un site de vente de noms de domaine et de développement des services informatiques, il connaît les mêmes problèmes que lors de sa première expérience
SI PAYPAL NE NOUS AVAIT PAS BLOQUÉS, NOUS N’AURIONS PEUT-ÊTRE JAMAIS LANCÉ CINETPAY
« D’abord, les livreurs n’étaient pas assez outillés pour repérer les faux billets », explique Idriss Monthe. Viennent ensuite les difficultés liées à la sécurisation de l’argent liquide quand on a réussi à l’obtenir. Comment s’assurer que mon livreur ne disparaisse pas avec le butin ? Et, une fois récupérées, comment sécuriser les espèces pour éviter les braquages ? Les lourdes pertes de revenus étaient aussi causées par toute une mobilisation de logistique inutile, quand le « client ne répond pas, ne se déplace pas ou abandonne tout simplement la commande ».
Un capital de départ de 1 million de F CFA…
« À l’époque, le moyen de paiement le plus populaire, c’était Paypal, mais les pays africains francophones, en particulier la Côte d’Ivoire, faisaient face au phénomène des brouteurs. En tant qu’entreprise ivoirienne, on n’avait pas le droit d’ouvrir un compte », détaille Idriss Monthe.
Après avoir tenté en vain de domicilier l’adresse de l’entreprise en France, en Suisse, et même au Canada, il abandonne et réfléchit à une alternative. « Si Paypal ne nous avait pas bloqués, nous n’aurions peut-être jamais lancé CinetPay. »
En 2015, les contours de l’idée germent, puis l’entreprise sera officiellement créée en 2016, avec Daniel Dindji, cofondateur. Grâce aux recettes de l’ancienne entreprise CinetCore, CinetPay est créé sur fonds propres avec 1 million de F CFA (1 525 euros). Au départ, la solution proposait une simple page de paiement avec plusieurs options de paiement wallet, mobile money et carte bancaire. Face à l’engouement, un back-office est développé pour que les commerçants aient accès à l’historique de leurs transactions en temps réel.
Concurrence féroce
Après avoir créé un compte, les commerçants téléchargent leur système KYC (Know-Your-Customer, procédure de vérification d’identité et de solvabilité des clients), intègrent les API de CinetPay, puis collectent les paiements. Chaque commerçant souscrit un abonnement annuel de 20 dollars, et CinetPay perçoit une commission de 1 à 1,5 % sur chaque transaction.
La plateforme est aujourd’hui présente dans 10 pays d’Afrique francophone, dont la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Cameroun, le Mali et le Congo. Mais, sur le continent, dans un secteur de la fintech qui ne cesse de battre des records, la concurrence fait rage.
Particulièrement bien implantées en Afrique subsaharienne, les deux plateformes de paiement londoniennes MSF Africa et PawaPay cumulent à elles deux près de 500 millions de comptes actifs. Cependant, Idriss Monthe assure que sa principale concurrence, « c’est le cash ». « Plus on va inverser cette tendance, plus le digital va prendre de l’ampleur et donc de même, les paiements en ligne », explique-t-il.
Flutterwave dans la boucle
La jeune pousse a de quoi être confiante. En décembre 2021, deux acteurs majeurs du secteur ont témoigné leur confiance à CinetPay. Le fonds de capital-risque panafricain 4DX Ventures et la licorne Flutterwave lui ont accordé un financement de 2,4 millions de dollars. La plateforme reçoit par mois en moyenne 3 millions de transactions équivalant à près de 12 millions de dollars.
« Nous sommes une entreprise rentable, si je puis dire », déclare le fondateur. « En six ans, nous sommes passés de la seule Côte d’Ivoire à une présence dans 10 pays. À l’horizon 2025, notre vision est de toucher les quinze pays d’Afrique francophone. »
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