Africa-Press – Côte d’Ivoire. Selon des chercheurs de l’Université de Sheffield, les champignons mycorhiziens stockent dans le sol 36% des émissions de combustions fossiles annuelles mondiales. Leur contribution, qui jusqu’ici n’avait jamais été quantifiée, permet de mieux comprendre le rôle de cet important réseau sous-terrain, et souligne également l’urgente nécessité de préserver les sols, qui constituent le plus grand réservoir de carbone.
Les champignons mycorhiziens – qui forment une association symbiotique (mutuellement avantageuse) avec les racines des plantes – ont un rôle clé au sein des écosystèmes. Ces symbioses qui font partie des plus répandues au monde existent depuis des millions d’années et pourraient même être à l’origine de la colonisation de la terre par les plantes.
En s’associant ainsi, les champignons facilitent aux plantes l’accès aux nutriments, à l’eau et aux minéraux dont elles ont besoin et favorisent leurs déplacements dans le sol, tandis qu’en retour ils bénéficient des sucres et des composés de carbone synthétisés et captés par les plantes. En contribuant au transfert des nutriment dans les sols, les mycorhizes forment un véritable réseau écologique influençant les écosystèmes et garantissant leur bon fonctionnement. Elles sont ainsi extrêmement importantes d’un point de vue écologique, en plus de se situer à la base du réseau alimentaire terrestre. Jusqu’ici, il était connu que ces champignons, par leurs transferts avec les plantes, contribuaient à la captation du carbone atmosphérique et à sa séquestration dans le sol, mais cette contribution n’avait encore jamais été quantifiée. C’est précisément ce qu’ont proposé des chercheurs de l’Université de Sheffield (Angleterre) dont les travaux sont publiés dans la revue Current Biology.
Une piscine de carbone
Les sols contiennent entre 1500 et 2000 gigatonnes de carbone, soit plus que l’atmosphère et la biomasse combinées. Ils représentent la plus importante réserve de carbone au monde, en séquestrant 75% du carbone terrestre. Leur bon fonctionnement est essentiel pour qu’ils puissent continuer d’assurer cette fonction régulatrice, pourtant menacée par les activités humaines.
En effectuant une méta-analyse de 194 études scientifiques sur les relations plantes-sols, les chercheurs de l’université de Sheffield ont pu conclure que les mycorhizes stockent plus de 13 gigatonnes de CO2 par an et dans le monde, soit 36% des émissions issues des combustions fossiles annuelles. Ces combustions non renouvelables (charbon, gaz naturel, pétrole…) fournissent environ 80% de l’énergie mondiale.
« Nous avons toujours soupçonné que nous avions peut-être négligé un important réservoir de carbone, a déclaré Heidi Hawkins, de l’Université de Cape Town (Afrique du Sud) et autrice principale de l’étude, à ce sujet. Il est compréhensible que l’accent ait été mis sur la protection et la restauration des forêts comme moyen naturel d’atténuer le changement climatique, mais peu d’attention a été accordée au sort des grandes quantités de dioxyde de carbone qui sont extraites de l’atmosphère pendant la photosynthèse par ces plantes et envoyées sous terre dans les champignons mycorhiziens ». Ces transferts de CO2 transforment ainsi le sol en ce que les chercheurs appellent une véritable « piscine de carbone ».
Plus précisément, ces 13,12 gigatonnes de carbone correspondent à trois types d’associations symbiotiques. En effet, 9,07 gigatonnes proviennent des champignons ectomycorhiziens (les associations symbiotiques entre des champignons de plusieurs souches (basidiomycètes, ascomycètes, mucoromycota) et les racines de 2% des plantes terrestres) ; 3,93 gigatonnes sont dues aux champignons mycorhiziens à arbuscules (associations symbiotiques entre les champignons de l’embranchement des Glomeromycota et les racines de 70% des espèces de plantes terrestres) ; et 0,12 gigatonnes sont stockées grâce aux champignons mycorhiziens éricoïdes (associations symbiotiques entre les champignons de deux souches (Ascomycètes et Basidiomycètes) et les racines de moins de 1% des espèces de plantes, principalement des plantes à fleurs).
Mieux comprendre le cycle du carbone
Cependant, il reste encore des zones d’ombres, notamment lorsqu’il s’agit de savoir dans quelle mesure ce carbone stocké par les mycorhizes reste dans les sols. « La permanence du carbone dans les structures mycorhiziennes constitue une lacune importante dans nos connaissances. Nous savons qu’il s’agit d’un flux, une partie étant retenue dans les structures mycorhiziennes pendant la vie du champignon et même après sa mort. Une partie sera décomposée en petites molécules de carbone et, à partir de là, se liera aux particules du sol ou sera même réutilisée par les plantes. Enfin, une partie du carbone sera certainement perdue sous forme de dioxyde de carbone lors de la respiration par d’autres microbes ou par le champignon lui-même », explique Heidi Hawkins.
Toby Kiers, dernier auteur de l’étude affirme quant à lui que « les champignons mycorhiziens sont à la base des réseaux alimentaires qui soutiennent une grande partie de la vie sur Terre, mais nous commençons à peine à comprendre leur fonctionnement. Il reste encore beaucoup à apprendre. » D’autres projets sont aujourd’hui en cours au sein de l’Université de Sheffield pour mieux comprendre la place des champignons mycorhiziens de le cycle du carbone.
Mieux connaître les écosystèmes pour mieux les protéger
Méconnaître la place des mycorhizes dans le cycle du carbone ne remet pour autant pas en cause leur rôle crucial au sein des écosystèmes terrestres. De telles quantités de carbone stockées (plus que ce que la Chine émet chaque année) font que les mycorhizes ont un véritable effet régulateur sur le climat et pourraient avoir un rôle à jouer pour atteindre la neutralité carbone. Pour cela, les chercheurs soutiennent qu’il est essentiel de les préserver et de les inclure dans les politiques de préservation de l’environnement. En 2019, les Nations Unies ont averti que jusqu’à 90% des sols pourraient être dégradés d’ici à 2050, ce qui aurait un effet dévastateur sur le climat et les écosystèmes.
Ecosystème
Forêts
Carbone
Réchauffement climatique
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Côte d’Ivoire, suivez Africa-Press





