Africa-Press – Côte d’Ivoire. oilà un exemple réussi de conservation ! Dans une étude parue dans la revue International Journal of Primatology en décembre 2024, des chercheurs de l’Institut Max Planck du comportement animal (Allemagne) confirment l’efficacité des gardes forestiers dans la préservation d’un grand singe: le bonobo (pan paniscus). Le résultat d’une recherche menée par 48 scientifiques sur vingt ans dans le parc national de la Salonga en République Démocratique du Congo (RDC).
Le bonobo, espèce en danger
Grand singe endémique de la forêt tropicale de plaine au sud du fleuve Congo en RDC, le bonobo est considéré comme une espèce en danger et est inscrit sur liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Ces animaux sont rarement observés directement dans la nature et les relevés se concentrent traditionnellement sur le comptage des signes indirects (les nids par exemple) de la présence des grands singes. Avant cette étude, seulement 27% de l’aire de répartition géographique historique du parc avait été étudiée.
Le parc national de la Salonga, 33.000 km2 de forêt vierge
Le parc national de la Salonga fait la taille de la Suisse en superficie, mais au-delà de cette analogie, il s’agit aussi de la plus grande forêt vierge protégée d’Afrique. Ce parc couvre une superficie de 33.346 km2, divisée en deux blocs (nord-sud) séparés par un corridor de 9000 km2 habité par l’humain. Il est composé à plus de 90% de forêt tropicale mixte (dans laquelle au moins deux espèces d’arbres poussent ensemble et partagent les mêmes ressources) primaire de plaine (située à basse altitude). Les 10% restants comprennent des plans d’eau et des marais.
Difficile alors de connaître le nombre exact de bonobos vivant dans cette zone en raison de l’absence d’études approfondies sur la vaste aire de répartition du parc. « La particularité de la Salonga est que c’est le seul endroit où les études ont été répétées dans les mêmes zones », explique dans un communiqué de presse, Barbara Fruth, chef de groupe de l’Institut Max Planck du comportement animal. « Dans ce vaste pays, seul le parc de la Salonga offre la possibilité de modéliser les tendances et d’évaluer si les bonobos sont en déclin au Congo », précise Mattia Bessone, auteur principal de l’étude.
« La plus grande comparaison temporelle d’une population de bonobos à ce jour »
Avec son équipe, ce scientifique a combiné toutes les enquêtes menées dans le parc de Salonga entre 2000 et 2018, soit au total 13 enquêtes. Le parcours a été semé d’embûches en raison des différentes méthodes utilisées pour compter les bonobos, allant du comptage traditionnel des nids aux caméras modernes déclenchées par le mouvement.
Les chercheurs ont utilisé des techniques statistiques pour concilier ces différences et fournir des estimations des populations de bonobos sur toute l’aire de répartition du parc, y compris des zones jusque-là non étudiées. « Ce travail représente la plus grande comparaison temporelle d’une population de bonobos à ce jour, soulignant son importante portée géographique », avance Mattia Bessone.
« Nous ne pouvons pas expliquer précisément ce que font les gardes forestiers pour provoquer cet effet »
Ce travail a permis d’identifier des facteurs spécifiques qui ont un effet négatif sur le nombre de bonobos comme la proximité avec les villages humains. Les chercheurs ont constaté un nombre de nids plus élevé dans les zones avec des sous-bois de Marantaceae (plantes) dont les bonobos raffolent, et celles plus éloignées des rivières. Enfin la relève de pièges photo a montré une population plus élevée dans les zones où la présence humaine est la plus faible. Quelle que soit la méthode utilisée par les chercheurs, les bonobos se font rares près des zones habitées par l’humain.
Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, ces grands singes sont plus souvent présents à proximité des postes de gardes forestiers, ce qui souligne l’effet protecteur de ces derniers. « Nous ne pouvons pas expliquer précisément ce que font les gardes forestiers pour provoquer cet effet. Il se pourrait que ces derniers soient perçus par les animaux comme un moyen de dissuasion contre les braconniers. Quelle que soit la raison, il est clair que la simple présence des « forces de l’ordre » a un effet positif sur les bonobos », résume Mattia Bessone.
A l’issue de ses recherches, entre 2012 et 2018, la population de bonobos résidant dans le parc de la Salonga était estimée entre 8000 et 18.000 adultes. Bien que ces effectifs soient restés plutôt stables depuis les années 2000, des signes de déclins potentiels apparaissent. « Les bonobos ne semblent pas en danger immédiat, mais nous devons rester vigilants et continuer à investir dans les efforts de conservation si nous voulons assurer leur survie « , prévient le chercheur.
Si ces résultats indiquent un déclin de la population de bonobos à Salonga, ils ne fournissent pas assez de preuves pour le confirmer statistiquement. Par conséquent, la surveillance continue de la population est cruciale afin de préserver ce havre de paix pour cette espèce en danger selon les écologues. « Nous espérons que cela motivera les autorités nationales et internationales de conservation à investir davantage dans ce parc et dans d’autres zones protégées pour garantir que les bonobos continuent de faire partie de notre monde à long terme », conclut Mattia Bessone.
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