Hibernation : pourquoi les animaux ne ressentent-ils pas la soif ?

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Hibernation : pourquoi les animaux ne ressentent-ils pas la soif ?
Hibernation : pourquoi les animaux ne ressentent-ils pas la soif ?

Africa-Press – Côte d’Ivoire. L’hibernation est une véritable prouesse biologique ! Pendant plusieurs mois, certains animaux sombrent dans un état léthargique pour passer l’hiver, sans boire, sans manger et sans uriner. Une condition qui relève d’une série d’adaptations millimétrées dans l’organisme. Rythme cardiaque et respiratoire, activité du système digestif, du rein ou encore réserves de graisse: l’animal passe progressivement en mode économie d’énergie.

Une équipe de l’université de Yale s’est intéressée à la sensation de soif des animaux hibernants, et en particulier d’un petit écureuil très étudié: le spermophile rayé, Ictidomys tridecemlineatus. Dans une précédente étude, les mêmes chercheurs avaient élucidé le processus qui permet à leur organisme de rester hydraté pendant toute la durée de l’hibernation. Mais ils étaient restés sur leur faim: comment se faisait-il que les hibernants n’aient pas soif ? L’équipe de Madeleine Junkins et Elena Gracheva dévoile un nouveau mécanisme qui inhibe cette sensation chez le spermophile rayé. Leurs résultats ont été publiés dans la prestigieuse revue Science.

Les clefs pour une hibernation réussie !

“Pour réussir son hibernation, il faut prendre son temps !”, sourit Fabrice Bertile, chercheur au CNRS, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. “Il n’existe pas de bouton “ON/OFF” qui permettrait à l’animal d’entrer dans un état léthargique.” Hiberner demande une préparation considérable, et une mise en condition anticipée de l’organisme. Certains processus s’amorcent plusieurs semaines avant le début de l’hibernation. La température corporelle diminue peu à peu, tout comme le rythme cardiaque et l’activité métabolique en général. “Ces adaptations physiologiques ont pour but d’économiser de l’énergie.” Chez l’ours par exemple, la température corporelle commence à baisser plusieurs jours avant l’entrée dans la tanière. Quant à son rythme cardiaque, il s’affaiblit lentement 3 voire 5 semaines en amont.

“L’autre prérequis bien sûr, c’est les réserves,” ajoute le scientifique. Même si l’organisme tourne au ralenti, il en a besoin pour assurer les fonctions vitales. Alors d’où vient cette énergie ? ça dépend des espèces. En effet, il n’existe pas un seul schéma d’hibernation, mais un continuum de situations spécifiques. Certains animaux ne se réveillent pas de toute la saison, et puisent donc dans leur graisse corporelle, soigneusement accumulée avant le long hiver. “L’ours peut ainsi accumuler jusqu’à 100 kilos de graisse sous-cutanée pendant l’hiver. » Autre profil d’hibernation: alterner entre des phases dites de “torpeur”, 6 à 15 jours, et des phases d’éveil, durant lesquelles ils se nourrissent. C’est le cas du spermophile rayé. La préparation consiste alors à stocker des vivres dans des caches, auxquelles ces espèces peuvent accéder facilement quand elles se réveillent. “Certaines d’entre elles en profitent aussi pour uriner, détoxifiant ainsi l’organisme,” précise Fabrice Bertile.

Non, les animaux ne dorment pas vraiment pendant l’hibernation.

Il ne s’agit pas d’un sommeil classique. Certaines hypothèses avancent même que les animaux accumulent une dette de sommeil pendant l’hibernation. Un postulat qui repose sur un constat: quand ils sortent d’hibernation, certains animaux se mettent à dormir. “Il pourrait s’agir d’un moyen de récupérer,” analyse le chercheur.

Même pas soif !

Les mécanismes sous-jacents de l’hibernation restent encore très mystérieux: comment les hibernants réussissent à perdre si peu de muscles ? Qu’est-ce qui leur permet de ne pas uriner pendant plusieurs mois sans être affecté par les toxines accumulées ?… Les scientifiques ne disposent aujourd’hui que de quelques éléments de réponse. Par exemple, dans une précédente étude, des chercheurs avaient révélé le rôle de bactéries dans la régénération des tissus musculaires chez le spermophile rayé.

L’hibernation soulève une autre question: celle de l’hydratation. “Même si les écureuils ne boivent pas d’eau, ils restent suffisamment hydratés pour maintenir la fonctionnalité de leurs organes,” s’émerveille Elena Gracheva, chercheuse à l’université de Yale, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. En 2011, avec son équipe, la scientifique identifie une région cérébrale responsable du contrôle de la rétention d’eau. « Elle s’assure que l’organisme ne se déshydrate pas », déclare Fabrice Bertile. Dans leur nouvelle étude, les chercheurs parviennent cette fois à déterminer pourquoi l’écureuil ne ressent pas le besoin d’étancher sa soif pendant l’hibernation. Mais d’ailleurs qu’est-ce qui fait qu’on a soif ?

Lorsqu’un animal est déshydraté, certaines hormones abondent dans les vaisseaux sanguins, notamment l’angiotensine II. “Le cerveau détecte ces changements de concentration et stimule la sensation de soif,” indique Elena Gracheva. Cette régulation a lieu dans une région du cerveau appelée “organes circumventriculaires”. Des structures qui relient le cerveau, à la circulation sanguine et au liquide céphalo-rachidien. Les travaux de l’équipe de Yale indiquent justement que l’activité des neurones de cette structure est quasi-nulle pendant l’hibernation. “La sensibilité aux signaux physiologiques de la soif est supprimée,” résume la chercheuse.

Ce mécanisme retient l’écureuil de boire, même pendant les phases d’éveil: essentiel ! En effet, l’organisme a mis en place des processus pour ne pas se déshydrater, ni accumuler trop de toxines. Mais qu’adviendrait-il si, une fois éveillé, l’écureuil se mettait à boire ? “L’homéostasie, équilibre de l’organisme, serait rompue,” révèle Fabrice Bertile. “L’existence d’un dispositif qui coupe la sensation de soif permet à l’animal qui va retourner en phase de torpeur quelques heures plus tard que les mécanismes de rétention d’eau restent efficaces”

L’hibernation, pleine de promesse pour l’humain

Le rouage bien huilé de l’organisme en hibernation fait rêver les chercheurs. Et pour cause, dans de telles conditions, l’Homme développerait, lui, de multiples pathologies. Fonte musculaire ou ostéoporose liée à l’inactivité, diabète, thromboembolisme, athérosclérose due à une accumulation élevée de lipides… Et pourtant, les hibernants résistent ! Avant de s’intéresser à l’hibernation, Fabrice Bertile travaille sur le diabète, l’obésité et le vieillissement. Pour les étudier, il a adopté une approche bien particulière: observer l’adaptation des animaux à l’hibernation. “Plutôt que d’essayer de comprendre la maladie pour pouvoir la traiter, j’étudie les mécanismes qui permettent aux animaux de ne pas développer ces pathologies, alors que les conditions d’hibernation les favorisent.”

Elena Gracheva va plus loin: “Si nous apprenons à survivre sans eau ni nourriture pendant plusieurs mois, nous pourrons effectuer des voyages spatiaux à long terme plus efficaces, car le vaisseau spatial n’aurait pas besoin de transporter autant de vivres.”

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