Multiplication des fonds souverains en Afrique : cinq questions pour comprendre leur utilité

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Multiplication des fonds souverains en Afrique : cinq questions pour comprendre leur utilité
Multiplication des fonds souverains en Afrique : cinq questions pour comprendre leur utilité

Yara Rizk

Africa-Press – Djibouti. Bien que leur taille demeure modeste, le nombre de fonds souverains est en nette augmentation sur le continent. L’objectif consiste notamment à attirer les investissements vers les secteurs considérés comme stratégiques. Explications.

Début juillet, le Forum africain des investisseurs souverains (Asif) a tenu sa deuxième réunion, à Kigali, un peu plus d’an après sa création au Maroc. L’évènement a été marqué par l’adhésion du fonds éthiopien Ethiopian Investment Holdings et du fonds mauricien Mauritius Investment Corporation (MIC) Ltd à l’Asif. Alors que le continent compte désormais une vingtaine de fonds souverains, ces nouvelles adhésions témoignent d’un intérêt croissant de l’intérêt pour ces portefeuilles d’investissement en Afrique.

1. Quel rôle jouent les fonds souverains ?

Un fonds souverain est une structure d’investissement contrôlée par un État, qui utilise les surplus budgétaires, qu’ils soient issus de la vente de ressources naturelles (pétrole, gaz ou autre), des excédents commerciaux ou encore des réserves de devises, afin d’effectuer des investissements stratégiques sur les marchés internationaux.

Ces investissements peuvent prendre diverses formes, y compris – mais sans s’y limiter – l’achat d’actions, d’obligations, l’investissement dans l’immobilier, le financement d’infrastructures, l’acquisition de parts dans des entreprises privées, ainsi que les placements dans le domaine des nouvelles technologies.

Le but d’un fonds souverain varie en fonction des objectifs économiques à long terme fixés par le gouvernement. Certains fonds sont par exemple mis en place pour diversifier les sources de revenus de l’État, dans le but de réduire la dépendance à une ressource naturelle ou à un secteur économique particulier. D’autres fonds souverains ont une mission plus spécifique, comme celle de stabiliser l’économie face à la fluctuation des prix des matières premières. Ils peuvent également servir de « coussin financier » pour les futures générations, en accumulant des réserves de richesse qui peuvent être utilisées pour financer les dépenses publiques à long terme.

Fonds souverains emblématiques

À travers le monde, les fonds souverains jouent un rôle crucial dans la gestion des richesses nationales et la diversification des sources de revenus des États. Parmi les plus emblématiques, le Fonds de pension de l’État norvégien, alimenté par les revenus pétroliers du pays, est reconnu comme le plus grand fonds souverain au monde, gérant plus de 1 000 milliards de dollars d’actifs. De son côté, le Public Investment Fund (PIF) d’Arabie saoudite, bras d’investissement du royaume, figure parmi les plus importants à l’échelle mondiale, avec son objectif d’atteindre les 2 000 milliards de dollars à l’horizon 2030.

2. Comment les fonds souverains contribuent-ils à la gestion de la dette ?

Les fonds souverains jouent un rôle important dans la gestion de la dette souveraine du continent. En investissant dans l’économie locale et en soutenant les projets d’infrastructures, ils aident à stimuler la croissance économique, ce qui peut augmenter les recettes fiscales et, par effet domino, aider les pays à rembourser leurs dettes.

Par ailleurs, les fonds souverains peuvent également servir de « fonds de réserve » pouvant être directement utilisés pour rembourser la dette en cas de besoin. Ils peuvent également servir de garantie pour les emprunts, ce qui peut permettre d’obtenir des conditions de prêt plus favorables.

3. Quels sont les fonds souverains africains les plus actifs ?

L’activité des fonds souverains sur le continent africain ne constitue pas une tendance récente. Leur présence remonte à plusieurs décennies. Le Botswana, par exemple, a été précurseur dans cette démarche en créant son Pula Fund dès 1994. Suivant cette voie, l’Algérie a établi son Fonds de régulation des recettes en 2000. Par la suite, en 2006, la Libyan Investment Authority (LIA) est apparue sur la scène internationale.

Ces dix dernières années, d’autres pays comme la Mauritanie, le Gabon, la Guinée équatoriale et São Tomé-et-Principe, le Mozambique ont aussi mis en place leurs propres fonds souverains.

Plus globalement, parmi ceux qui se distinguent, l’Ethiopian Investment Holdings (EIH), car il est le plus grand fonds souverain d’Afrique, avec plus de 150 milliards de dollars d’actifs sous gestion et un flux supplémentaire de revenus provenant de dividendes. Le Fonds souverain de la République du Sénégal (FSRS) fait également la différence avec ses 50 millions de dollars mobilisables pour accélérer la mise en œuvre de projets prioritaires inscrits dans le Plan de développement national du gouvernement du Sénégal, dénommé “Plan Sénégal Émergent (PSE)”.

Enfin, le Nigeria Sovereign Investment Authority (NSIA) et le Fonds souverain d’Angola (FSDEA) sont eux aussi des acteurs de poids dans le développement des infrastructures dans leurs pays respectifs. Le Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS) est pour autant celui qui se démarque le plus. En devenant le premier fonds souverain africain à rejoindre la Net-Zero Asset Owner Alliance, et avec environ 2 milliards de dollars d’actifs sous gestion, la structure gérée par Akim Daouda a pour ambition de réaliser la transition de son portefeuille d’investissement vers une neutralité carbone d’ici à 2050.

4. Quel est l’impact des fonds souverains sur l’attractivité des investissements ?

Par leurs investissements stratégiques dans les infrastructures vitales et les projets économiques d’envergure, les fonds souverains ont le pouvoir d’accroître l’attractivité des pays africains pour les investisseurs étrangers, en améliorant les conditions d’investissement et en réduisant les risques associés.

Par exemple, en Éthiopie, le fonds souverain entend jouer un rôle déterminant dans le renforcement de l’attractivité du pays. En injectant des fonds dans les secteurs de la télécommunication, l’exploitation minière, la banque et la logistique. « EIH a vocation à amortir le risque et à être un partenaire commercial vers lequel les investisseurs désireux d’accéder à tout le potentiel du continent africain doivent pouvoir se tourner naturellement », avait justement expliqué Mamo Mihretu, directeur général du fonds, à Jeune Afrique.

5. Quelles sont les limites des fonds souverains en Afrique ?

Un déficit de transparence et de gouvernance caractérise certains fonds souverains en Afrique, illustré notamment par le cas du Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis) au Sénégal, où des préoccupations ont été soulevées quant à la clarté de ses objectifs et de ses rendements d’investissements, comme l’a indiqué l’Union européenne (UE) dans son document stratégique 2012-2023.

D’autres fonds comme le Nigeria Sovereign Investment Authority (NSIA), le fonds souverain angolais FSDEA ou le le Ghana Petroleum Fund, qui reposent largement sur les revenus pétroliers, ont parfois été critiqués pour leur manque de diversification. Cette approche unidimensionnelle peut augmenter leur vulnérabilité face aux variations des performances du secteur pétrolier.

Face à ces défis, il devient impératif pour les fonds souverains africains d’adopter des stratégies robustes, en donnant la priorité à la transparence, à la diversification et à la bonne gouvernance pour véritablement catalyser la croissance et le développement durable sur le continent.

Source: JeuneAfrique

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