« Ce coup d’État doit être le dernier au Niger et en Afrique »

6
« Ce coup d'État doit être le dernier au Niger et en Afrique »
« Ce coup d'État doit être le dernier au Niger et en Afrique »

Viviane Forson et Malick Diawara

Africa-Press – Djibouti. Membre du bureau politique, Amadou Ange Chékaraou Barou illustre que pour le PNDS, la seule option, c’est le rétablissement de l’ordre constitutionnel.

La diplomatie plutôt que l’intervention militaire ? Tandis que les chefs d’état-major des armées ouest-africaines étaient réunis jeudi et vendredi au Ghana pour dessiner les contours d’une éventuelle intervention armée, évoquée depuis plusieurs jours par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) sans rééllement trancher, les proches du pouvoir et du président Bazoum continuent d’appeler avec force à un retour à l’ordre constitutionnel, quel qu’en soit le prix. Membre de premier plan du bureau politique du PNDS, le parti au pouvoir, Amadou Ange Chékaraou Barou s’est confié au Point Afrique.

Comment se porte le président Bazoum ?

Amadou Ange Chékaraou Barou : aux dernières nouvelles le président Bazoum résiste, il a finalement pu échanger avec son médecin personnel. Cependant, les conditions dans lesquelles il est séquestré, avec sa femme et son fils, sont très difficiles, et nous sommes tous préoccupés par la santé de ce dernier, âgé seulement d’une vingtaine d’années.

Et moralement, comment tient-il ?

Le président Bazoum est fort psychologiquement. Il tient cette force mentale de ses longues années de militantisme. Il a consacré plus de trente ans de sa vie et de sa carrière à combattre les régimes militaires et pour la démocratie au Niger. Il n’est donc pas près de céder face aux pressions des putschistes. Il tiendra jusqu’au bout pour que le pays ne retourne pas en arrière. Sa démission n’est donc pas du tout à l’ordre du jour.

La Cedeao en fait-elle assez pour rétablir l’ordre constitutionnel ?

La Cedeao avec le soutien des autres pays d’Afrique et de la communauté internationale doit intervenir pour faire échouer ce coup de force qui n’a aucune justification et qui est très dangereux pour l’avenir de la démocratie dans le monde.

Le risque d’un effet domino est réel en Afrique de l’Ouest, car il y a beaucoup d’apprentis putschistes dans la sous-région, et aucun pays ne sera épargné, je pense, notamment, au Bénin, au Ghana, au Togo ou encore la Côte d’Ivoire. Ce coup d’État doit être le dernier au Niger et en Afrique. La crédibilité de la Cedeao auprès des populations est en jeu.

Nous sommes confiants quant à la volonté de la Cedeao de mettre un terme aux prises de pouvoir par les armes. La seule voie qui doit prévaloir est celle des urnes malgré les insuffisances de ce système. Il va s’améliorer et les futures générations perfectionneront ce système qui est le seul capable d’assurer l’égal accès aux droits et libertés à tous.

Quelle position doit tenir la communauté internationale ?

De son côté, la communauté internationale doit comprendre qu’il faut mettre fin à ces coups d’État parce qu’ils offrent aux putschistes qui prennent le pouvoir des occasions de mettre à mal les valeurs de la démocratie. Ces putschs permettent, également, à des groupes criminels comme Wagner de s’installer et de semer la mort en Afrique. Il faut donc agir maintenant, en rétablissant le président Bazoum, qui a été démocratiquement élu dans ses fonctions, car dans dix ou quinze ans les dégâts seront faits, et il sera trop tard pour des générations entières d’Afrique et d’Occident, d’agir, parce que les actions de Wagner auront des impacts majeurs pour la sécurité internationale.

La France et les États-Unis sont les principaux partenaires historiques du Niger, qu’en attendez-vous ?

Le soutien de tous les partenaires du Niger est stratégique. Je pense que pour sauver nos démocraties nous avons besoin des pays et des armées qui sont aussi des démocraties, même si ce système a ses failles. Concrètement, c’est un combat que nous menons dans l’intérêt de tous, que ce soit la France ou les États-Unis.

Les militaires qui ont pris le pouvoir le 26 juillet pointent la situation sécuritaire du pays, qui se serait dégradée, quel est votre constat ?

Le Niger était un îlot de stabilité et de paix au sein du Sahel. Nous accueillons des centaines de milliers de réfugiés du Mali, du Burkina et du Nigeria, qui ont fui parce qu’ils savent que la situation ici est meilleure que chez eux.

Ce qui fait la singularité du Niger, c’est que nous avons une approche holistique qui consiste à apporter une réponse militaire sur le terrain mais aussi économique et sociale, à travers un dialogue permanent avec les communautés dont sont issus certains groupes djihadiste. Des progrès ont été enregistrés ces dernières années. Nous avons aussi mené une politique d’intégration de certains djihadistes repentis au sein des forces nationales du Niger, ça se passait très bien.

Le mobile sécuritaire n’est pas justifié, d’autant plus que ce sont bien des généraux de l’armée nigérienne qui ont défini et mis en place toute notre stratégie militaire dans la lutte contre le djihadisme. Ils étaient aux commandes ou en tout cas au cœur des décisions, notamment avec nos partenaires, dont la France et les États-Unis.

Comment expliquez-vous le fait que personne n’ait vu arriver ce putsch ?

Personne n’a vu ce coup d’État venir, parce qu’il n’a pas de fondement politique, il n’a pas été préparé, tous les experts ou spécialistes vous le diront, c’est un coup d’État qui a été fait sur un coup de tête, pour des raisons personnelles et il ne peut qu’échouer. Nous sommes certains que ce coup de force n’a pas d’avenir.

Les putschistes n’ont pas imaginé que la Cedeao pourrait prendre des sanctions aussi fortes, aussi rapidement, et surtout qu’elle mettrait à exécution sa menace d’une intervention militaire qui est sur le point de devenir une réalité.

Comment comprendre le soutien de toute une armée à quelques généraux…

Attention, ce n’est pas l’armée qui a renversé le président Bazoum, seulement, certains généraux n’ont pas assumé ou pris leurs responsabilités au moment des faits et nous les laissons maîtres de leurs choix.

Je tiens tout de même à souligner le fait que le chef des putschistes [Abdourahamane Tiani] n’a jamais été sur le front terroriste, il a toujours été au palais, où il a déjoué des coups d’État durant ces régimes. Mais il ne connait pas la guerre contre le terrorisme, je ne crois pas que le militaire qui est actuellement au front à Tillaberi se reconnaisse en ce général.

Le ministre Rhissa Ag-Boula a lancé le 8 août le Conseil de la résistance pour la République, d’autres moyens sont-ils à l’ordre du jour ?

Le ministre Ag Boula est un membre du gouvernement du président Bazoum, qui est reconnu par la communauté internationale et qui travaille pour que soit rétabli l’ordre, la légalité et le droit au travers d’un mouvement de résistance.

Au-delà de cette résistance du cercle proche du chef de l’État, que vous disent les Nigériens, quelles sont leurs attentes ? Jusqu’à présent, la mobilisation semble faibles du côté des soutiens du président ?

Les images qui circulent le plus sont celles de manifestants pro-putschistes, avec pour certains des drapeaux russes en main, mais ils sont en réalité peu nombreux et pour la plupart ils ont été payés par quelques soutiens de la junte pour de la propagande. C’est le système Wagner à plein régime.

Cela n’est pas représentatif de la majorité des Nigériens. Les Nigériens veulent le retour à l’ordre et ne veulent pas d’un retour en arrière pour leur pays. Ils ne veulent pas de ce coup d’État, c’est ce qu’ils nous disent et ils vont tout faire pour résister.

Entendez-vous les voix qui s’élèvent contre la mal-gouvernance, la corruption, ou encore l’injustice qui perdurent au Niger, avec des dossiers qui n’aboutissent pas ?

Ce n’est pas vrai, je peux vous affirmer que, depuis l’arrivée au pouvoir du président Bazoum, plusieurs dossiers ont été amenés devant la justice. Plusieurs personnalités, agents des impôts, des ministres, sont actuellement en prison.

Je crois que c’est parce que le président Bazoum a commencé à mettre de l’ordre que certains groupes se sont coalisés contre lui, parce qu’ils ont vu qu’il n’allait pas reculer.

Malgré nos maigres moyens internes nous avons fait baisser la corruption dans le pays, nous respectons nos obligations auprès des institutions internationales, notamment financières. Le Niger est un très bon élève du FMI et de la Banque mondiale, les comptes du Niger sont sains.

Par rapport au mécontentement général, Niamey et Zinder cristallisent les tensions, car, ce sont deux villes qui ont toujours été clivantes par rapport au régime en place, car acquises à l’opposition. Mais c’est vite oublier que le Niger est très vaste, avec une superficie de 1,2 million de km et 25 millions d’habitants. Or, le président Bazoum a recueilli jusqu’à 2 millions de voix sur les 3,5 millions d’électeurs, ce n’est pas rien. Il a été bien élu, par contre il y a de très grandes villes dont la capitale qui nous ont échappé, nous sommes conscients de cela, et avons joué le jeu de la démocratie.

Les tensions qu’il y avait avant, pendant et après les élections se sont calmées, parce que le président a mené un très long travail de dialogue avec l’ensemble des forces politiques qui ont participé. L’étau s’est largement desserré sur la liberté d’expression, le président Bazoum est un démocrate, et les Nigériens ont commencé par mieux le connaître et surtout les opposants ont commencé à travailler avec lui car ils ont compris que c’est un humaniste, un démocrate épris de justice, malheureusement, cela n’a pas plu à certains groupes de gens qui veulent en réalité gagner toujours plus au mépris des Nigériens.

Source: Le Point

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Djibouti, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here