Africa-Press – Djibouti. Et de cinq. Après Bamako, Ouagadougou, Conakry et Niamey, une nouvelle capitale africaine, Libreville, considérée par la France comme l’un de ses bastions sur le continent, est tombée, mercredi 30 août, entre les mains de militaires putschistes. Que le renversement du président Ali Bongo ait été opéré en pleine nuit, au moment choisi par le régime pour proclamer, en catimini, la réélection contestée de l’héritier de la dynastie régnant depuis 1967 sur le Gabon, donne la mesure de la confiscation du pouvoir dans cette République. Sa figure-clé, Omar Bongo, père du président renversé, resté quarante et un ans au pouvoir et mort en 2009, avait été installée par décision directe de l’exécutif français.
Avec la chute d’Ali Bongo, mal élu en 2009, mal réélu en 2016 et en 2023, chef d’un régime corrompu et prédateur, sur les turpitudes duquel Paris a toujours fermé les yeux, c’est l’épicentre de la « Françafrique », longtemps marqué par les jeux politiques troubles et les affaires louches, qui est touché.
Si la succession des putschs en Afrique francophone suggère un phénomène de contagion, celui de Libreville intervient dans un contexte différent de ceux qui se sont succédé dans les pays du Sahel. Contrairement à ces derniers, le Gabon n’est nullement menacé par des djihadistes, et les militaires français qui y sont basés ne sont pas impliqués sur le terrain. Quant aux putschistes, ils n’avaient eu aucun mot, jeudi matin, sur la présence française.
Il existe cependant un dénominateur commun entre tous ces coups d’Etat : le mauvais fonctionnement de la démocratie. Si, de Bamako à Libreville, des jeunes manifestants ovationnent des militaires séditieux, c’est qu’ils contestent la légitimité du pouvoir issu d’élections douteuses et dénoncent la confiscation des richesses du pays par un parti ou un clan. Au Gabon, l’épuisement d’un régime dynastique et le fossé entre les richesses de ce petit pays pétrolier et une pauvreté endémique nourrissent la colère.
Emmanuel Macron peut tempêter devant les ambassadeurs, comme il l’a fait lundi 28 août, quelques heures avant le coup d’Etat au Gabon, contre cette « épidémie de putschs » et clamer sa « fidélité à des principes démocratiques », la position de la France est affaiblie par le contraste entre ses leçons de démocratie, sa défense des « valeurs », d’une part et, de l’autre, son lourd passé de présidents installés ou déboulonnés par ses soins, son soutien à des dictatures et sa condamnation à géométrie variable des coups d’Etat. Entre les promesses du président français de lancer « un nouveau logiciel » sur l’Afrique, de cesser de se poser en « sauveur », et ses injonctions et ses coups de sang – comme sa formule « on vit chez les fous » lancée lundi au sujet des élites africaines –, les messages contradictoires brouillent le message de Paris et alimentent son isolement au sein même du camp occidental.
Face au risque d’emballement, il est d’autant plus urgent de changer de posture, de clarifier le discours, probablement par un repli militaire et l’adoption d’une stricte position de neutralité, que d’autres dangers africains guettent la France. Au Cameroun, au Congo-Brazzaville et au Togo, des potentats indéboulonnables soutenus par Paris pourraient connaître le sort d’Ali Bongo. Alors que la Russie et surtout la Chine investissent l’Afrique, la France, qui reste centrale pour beaucoup d’Africains, a de nombreux atouts à faire valoir. A condition de substituer la compréhension fine de l’évolution des sociétés africaines à un regard franco-centré, et l’introspection aux rodomontades.
Source: Le Monde.fr
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