Jusqu’où ira l’influence de WAGNER en Afrique sachant que la Russie vise désormais la Côte d’Ivoire ?

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Jusqu’où ira l’influence de WAGNER en Afrique sachant que la Russie vise désormais la Côte d’Ivoire ?
Jusqu’où ira l’influence de WAGNER en Afrique sachant que la Russie vise désormais la Côte d’Ivoire ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Djibouti. Le groupe paramilitaire privé russe « Wagner », accusé d’avoir à sa solde une armada de mercenaires prêts à se jeter au feu pour mettre en exécution tous les plans tracés au bénéfice de la Russie, partout dans le monde et plus particulièrement en Afrique, est une entreprise très proche du pouvoir qui travaille conjointement avec la Fédération de Russie dans de nombreux pays.

Ce groupe est ainsi impliqué dans plusieurs pays sur le Continent africain :

• D’abord en Libye, où il a été accusé de soutenir le général Khalifa Haftar, qui a lancé une offensive contre le gouvernement d’union nationale reconnu par l’ONU. Wagner aurait fourni des mercenaires et des équipements militaires à Haftar, ce qui a contribué à prolonger la guerre civile dans le pays.

• Et désormais aujourd’hui, c’est vers le Niger, et ses réserves d’uranium, ainsi que la Côte d’Ivoire, pays le plus riche de la sous-région, auxquels s’intéresse sérieusement la Russie.

Et comme à chaque fois, on retrouve avant l’arrivée des militaires sur terrain une campagne médiatique bien orchestrée.

Les « Russes » : Maîtres de la propagande en Afrique

Si au niveau des médias traditionnels, la France avait une influence très importante, expliquant les coupures de ses médias institutionnels, France 24 et RFI, au niveau des réseaux sociaux, particulièrement lus par les populations les plus jeunes, la propagande pro-russe est quant à elle largement mieux organisée que celle de la France et des États-Unis.

Wagner en Afrique, est diaboliquement représenté dans un dessin animé de propagande sur les réseaux sociaux ouest-africains, où l’on distingue nettement le « mercenaire russe » tel le géant « Goliath », monumentalement musclé, puissamment cuirassé et héroïquement armé.

D’ailleurs, dans une des vidéos, on voit ce mercenaire descendre sans peur d’un hélicoptère en vol, courant au secours des soldats assiégés du Mali et du Burkina Faso, tirant avec sa mitrailleuse sur des zombies français démoniaques et un serpent maléfique aux couleurs nationales françaises, comme « Rocky » dans les films de Sylvester Stallone.

A la fin de la séquence vidéo, on s’aperçoit que des Africains disent au Russe que la Côte d’Ivoire a besoin de lui. Le mercenaire les rejoint alors qu’ils se précipitent dans une jeep militaire, suivant un panneau routier vers leur voisin du sud, et la vidéo se termine avec un soldat ivoirien lançant des grenades sur les troupes françaises en criant : « A bas l’impérialisme, à bas la France ».

C’est donc ainsi que le groupe Wagner a désormais réussi à remplacer la France en tant que principale force de sécurité étrangère dans les anciennes colonies françaises du Mali et de la République centrafricaine. Il serait à la recherche également d’accords possibles pour faire de même au Burkina Faso, au Tchad et en Guinée. Mais comme le laisse entendre le dessin de propagande, le vrai prix pour Moscou serait un autre client militaire français de longue date, en l’occurrence « la Côte d’Ivoire », un centre économique et commercial à croissance rapide avec de nombreux sièges sociaux et plusieurs ports maritimes sur le golfe de Guinée.

Sergueï Lavrov et le soutien militaire russe en Afrique

Lors d’une visite rendue au Mali au cours du mois de février 2023, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a offert le soutien militaire du Kremlin à une longue liste de pays d’Afrique de l’Ouest confrontés à des menaces à la sécurité intérieure.

Néanmoins, ce n’est pas un hasard s’il a nommé une série d’alliés français traditionnels comme bénéficiaires potentiels de l’aide militaire russe – y compris des États sahéliens comme la Côte d’Ivoire.

« Cela concerne la Guinée, le Burkina Faso et le Tchad et la région du Sahel en général, et même les États côtiers du golfe de Guinée », a déclaré M. Lavrov lors d’une conférence de presse.

A propos des ambitions russes à travers « Wagner group »

Dans ce contexte, la plupart des analystes estiment que les pays sahéliens d’Afrique de l’Ouest sont peu intéressés par les offres d’aide militaire de la Russie. Contrairement au Mali et à la République centrafricaine, la plupart des pays du Sahel sont relativement stables et ne sont pas confrontés aux mêmes menaces d’insurgés qui ont conduit d’autres à accepter les mercenaires du groupe Wagner. Mais le simple fait que la Côte d’Ivoire soit visée par la propagande pro-russe est un signe indéniable des intentions et des ambitions de Moscou.

Ces ambitions ont été plus ou moins confirmées par un haut responsable du gouvernement ivoirien, que des médias n’ont pas souhaité dévoiler son identité, probablement parce qu’il ne semble pas autorisé à parler aux médias, lequel a déclaré que son pays était ciblé par la Russie en raison de ses liens commerciaux et économiques étendus dans toute la région de l’Afrique de l’Ouest.

Avoir une présence en Côte d’Ivoire serait donc très avantageux pour la Russie, lui donnant ainsi accès aux trois quarts du marché ouest-africain, selon ces médias.

Commentant l’offre d’aide militaire de M. Lavrov aux États sahéliens, William Assanvo, chercheur principal en Côte d’Ivoire pour l’Institut d’études de sécurité, ce dernier a claire déclaré : « Cette offre a constitué un développement important, et cela montre qu’ils(les Russes) essaient vraiment d’étendre leur influence dans la région. Leur intention est d’étendre leur influence au-delà du Mali et du Burkina Faso, et i y a définitivement une lutte d’influence en cours ».

Toutefois, il importe de rappeler que la plupart des pays où les « wagnériens » arrivent à s’implanter sont des pays instables, ce qui ne semble point être le cas de la Côte d’Ivoire. Il y a un gouvernement fort et des institutions stables, donc il n’y a pas de point d’entrée pour ces mercenaires russes, malgré qu’ils essaient, probablement, d’y arriver par le biais de campagnes de propagande, sauf que la probabilité apparaît assez faible.

Des opérations d’influence russe en Côte d’Ivoire sont déjà en cours, certes, mais ce n’est pas comme au Mali et dans d’autres pays africains où le groupe Wagner Group est actif, surtout que l’un des premiers signes de l’influence croissante de Moscou a été l’apparition de drapeaux russes lors de manifestations politiques.

Pour ce qui de la Côte d’Ivoire, des analystes ont noté que quatre militants lors d’un rassemblement de l’opposition en février dernier s’étaient enveloppés dans des drapeaux russes lors d’un rassemblement organisé par le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo.

La probabilité demeure effectivement très faible, sachant que « Code for Africa », un consortium d’enquête qui surveille les opérations de désinformation, a découvert que les photos des drapeaux russes lors du rassemblement de l’opposition avaient été amplifiées fin février par un réseau coordonné de 64 comptes de médias sociaux pro-russes, opérant principalement depuis la Côte d’Ivoire.

Toutefois, la police ivoirienne n’a pas hésité à arrêter les militants qui brandissaient le drapeau russe, tout juste après le rassemblement.

Dans quelle mesure l’influence de Wagner a-t-elle atteint l’Afrique et qu’y a-t-il derrière son extension ?

Les mercenaires du groupe privé russe « Wagner » ont attiré l’attention des médias du monde entier au cours des derniers mois, notamment après leur entrée en force dans la guerre russo-ukrainienne qui a éclaté le 24 février 2022.

Malgré son rôle dans la guerre actuelle sur le sol ukrainien, le groupe russe s’est développé ces dernières années et ses tâches se sont élargies, selon les observateurs, pour inclure des meurtres, gagner de l’argent et exploiter l’influence, comme l’a décrit le journal américain The New York Times : « un outil peu coûteux entre les mains de Poutine qui peut être facilement dissociable ».

Et sur le nombre de pays dans lesquels ils sont répandus sur le continent africain, les médias et les instituts de recherche et d’études diffèrent sur un nombre exact, comme le Center for Strategic and International Studies (CSIS), basé à Washington, qui parle depuis 2016 de preuves prouvant la présence d’engagés militaires russes contractuels dans plus de 10 pays du continent.

Ces pays seraient :
• le Soudan,
• le Soudan du Sud,
• la Libye,
• la République centrafricaine,
• le Madagascar
• le Mozambique
• le Botswana,
• le Burundi,
• le Tchad,
• les Comores,
• la République démocratique du Congo,
• le Congo Brazzaville,
• la Guinée,
• la Guinée-Bissau,
• le Nigeria
• et le Zimbabwe.

En Afrique de l’Ouest, le modèle de l’assistance militaire russe est le Mali, où environ 1.000 mercenaires du groupe Wagner sont arrivés au début de l’année dernière, dans le cadre de la lutte contre les groupes terroristes et extrémistes.

Rien ne peut affirmer que la Côte d’Ivoire sera une cible beaucoup plus difficile que le Mali ou le Burkina Faso, même s’il semble bien que ce ne sera pas facile pour la Russie de s’y implanter.

Abdelkader Muhammad Ali, chercheur intéressé par les questions de la Corne de l’Afrique, affirme que la propagation de Wagner est liée à des cas de rébellion et de conflits armés dans de nombreux pays africains, et c’est ce qui lui a ouvert la voie pour mettre en valeur ses « soi-disant solutions miraculeuses » dans le traitement de ce type de trouble.

Le recours à Wagner est l’une des options offertes, compte tenu de la multiplicité des points chauds sur le continent africain, après l’échec des autorités locales à s’en débarrasser, en plus de l’échec de leurs alliances avec les puissances occidentales pour y parvenir.

Les gains que récolte la Russie à travers Wagner

Wagner offre de nombreux avantages à l’État russe, comme l’avait déjà fait comprendre le président russe Vladimir Poutine, en qualifiant le groupe paramilitaire russe privé comme « un outil pour atteindre les intérêts nationaux, car l’État lui-même n’a pas à s’engager dans un conflit ».

Selon certains experts, il s’agirait d’un outil multiple aux mains du gouvernement russe, qui peut être utilisé pour soutenir certains alliés dans un quelconque pays, ou encore pour soutenir un régime dans un autre pays et pour fournir une protection et des programmes bien définis.

Wagner aurait également d’autres tâches, car il œuvre à protéger les investissements russes dans l’exploitation minière en Afrique, ce qui signifie que son activité a une dimension « géopolitique ».

Lesdits experts, dont à titre d’exemple l’experte des affaires wagnériennes au Centre d’études stratégiques et internationales de Washington, Katrina Dukes, soulignent que le groupe « a tendance à cibler les pays disposant de ressources naturelles pouvant être utilisées pour atteindre les objectifs de Moscou, comme les mines d’or au Soudan, où l’or extrait peut être vendu de manière à éviter les sanctions occidentales ».

Outre le Soudan, Wagner s’intéresse également à l’or et aux diamants en Centrafrique

Wagner protège les mines d’or et de diamants en République centrafricaine et au Burkina Faso et dans d’autres pays africains, en échange d’un pourcentage perçu sur les produits extraits, car la plupart de ces mines sont situées dans le nord-est du pays, y compris des mines près de la ville de Bambari, dans les zones d’influence de l’alliance rebelle « Seleka ».

Cela ne date pas d’aujourd’hui, il s’est concrétisé après qu’une société russe a obtenu, en été 2018, des licences d’exploration pour l’or et les diamants, des mois après que Moscou ait envoyé des cargaisons d’armes à Bangui comprenant des mitrailleuses, des lance-roquettes et des véhicules blindés lourds.

L’influence de Wagner en Afrique soulèvera toujours des questions

Si le modèle de domination français ne pouvait plus tenir aujourd’hui, les populations locales risquent de ne pas sortir gagnante d’une forte déstabilisation de la région. Dans tous les pays concernés, les activités de la milice Wagner ont été associées à des violations des droits de l’Homme, des tensions ethniques revigorées et des conflits prolongés. Et déjà l’on assiste à des premiers signes de recul de la démocratie, avec notamment une liberté de la presse restreinte et des oppositions muselées.

Appui médiatique
Vidéo 1 : https://www.youtube.com/watch?v=w48bpgRYzH4
Vidéo 2 : https://www.youtube.com/watch?v=aE_zNbP321k
Vidéo 3 : https://www.youtube.com/watch?v=nUT1nyk4i3c

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Djibouti, suivez Africa-Press

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