Africa-Press – Djibouti. Quelques jours avant l’ouverture du sommet Union européenne-Union africaine à Bruxelles les 17 et 18 février derniers, une voix s’est élevée, depuis des territoires des Premières nations, à Ottawa, au sein du Sénat, en pleine 44e législature du Parlement du Canada, pour appeler à mettre l’Afrique dans les priorités économiques et politiques internationales du pays au drapeau à la feuille d’érable. Cette voix, c’est celle d’Amina Gerba, nommée par la gouverneure générale Mary Simon sur avis du Premier ministre Justin Trudeau, sénatrice indépendante de Rigaud, territoire approximativement à l’ouest de l’île de Montréal et sur le Haut-Saint-Laurent.
À y voir de plus près, il n’est pas surprenant que ce soit cette voix-là qui ait abordé avec force ce sujet. Comme l’Honorable Amina Gerba l’a dit pendant son intervention le 10 février dernier, le rapprochement de l’Afrique et du Canada, c’est l’ADN de ses engagements personnels et professionnels. Le Premier ministre Justin Trudeau ne s’y est d’ailleurs pas trompé qui, dans son communiqué d’annonce des nominations des nouveaux sénateurs, l’a qualifiée d’« ambassadrice de l’afro-optimisme qui agit en tant que trait d’union économique entre le Canada et l’Afrique depuis de nombreuses années ». Plusieurs éléments de son parcours corroborent cette assertion en effet.
De sa collaboration avec plusieurs entreprises canadiennes, pour lesquelles elle s’est concentrée sur le développement de marchés en Afrique, à la présidence du conseil d’administration d’Entreprendre ici, organisme mis en place dans le cadre du Plan d’action gouvernemental en entrepreneuriat du Québec pour la période 2017-2022 en vue de soutenir les entrepreneurs des communautés culturelles, Amina Gerba a multiplié les initiatives : création de son propre groupe conseil, Afrique Expansion Inc. « afin d’établir des ponts et promouvoir des opportunités d’affaires », poursuite de son chemin entrepreneurial avec Flash Beauté Inc., les Laboratoires Kariliss Inc. couplés à la société Kariderm, deux structures spécialisées dans la fabrication de produits de soins naturels à base de beurre de karité et d’autres ingrédients à valeur ajoutée issus du continent africain, sans compter la mise en place du Forum Afrique Expansion, plus importante plateforme de rencontres d’affaires et de partenariats entre le Canada et l’Afrique.
Loin de fonctionner de manière solitaire, Amina Gerba a fait de la volonté de participation à des entités universitaires ou d’affaires canadiennes son deuxième moteur. Elle a ainsi été membre du conseil d’administration de l’Université du Québec à Montréal et de son comité exécutif, du conseil d’administration de l’organisme « Ensemble » pour le respect de la diversité, du Conseil canadien pour l’Afrique et de l’African Business Roundtable. La nouvelle sénatrice a aussi été membre et présidente du Club Rotary du Vieux-Montréal et mentor pour le Réseau des entrepreneurs et professionnels africains. Cette succession de responsabilités, dont la liste n’est pas exhaustive, a ouvert la porte à de nombreuses distinctions qu’il serait long d’énumérer ici. Retenons, entre autres, qu’Amina Gerba a été chevalière de l’Ordre national du Québec en 2014, personnalité du monde des affaires au Gala Dynastie, entrepreneure de l’année du Réseau des entrepreneurs et professionnels africains et classée parmi les 25 femmes d’influence au Québec par le journal Les Affaires.
Dès lors, on comprend que dans son discours du 10 février, au cœur du Sénat du Canada, elle se soit inscrite dans l’univers du rêve pour un idéal comme l’avait fait à Washington D.C., durant la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté, le révérend et militant pour les droits civiques Martin Luther King le 28 août 1963, devant le Lincoln Memorial. « Je fais le rêve que le Canada signe un accord de libre-échange avec la Zlecaf (zone de libre-échange africaine) et pose sa signature sur l’inclusion de l’Afrique dans l’économie moderne au même titre que les autres grandes régions économiques du monde », a-t-elle dit. De quoi inciter le seul membre des pays du G7 à ne pas avoir son sommet avec l’Afrique à se reprendre et à « développer une politique d’accueil de la production africaine de biens et de services ».
Au Point Afrique, la Sénatrice Amina Gerba a confié l’armature de cette ambition qu’elle nourrit pour l’accroissement des échanges du Canada avec l’Afrique, « un continent incontournable » selon ses propos. Son explication : « Rien des affaires de l’Afrique n’échappera à l’attention du monde, rien des affaires du monde ne pourra s’accomplir sans le concours des Africains. Le Canada doit en prendre acte. » Entretien.
Le Point Afrique : Votre premier discours, très remarqué au Sénat du Canada, a mis l’accent sur la nécessité pour le Canada de construire à l’instar des grandes puissances économiques et politiques une relation privilégiée avec l’Afrique. Où en est le Canada aujourd’hui par rapport à l’Afrique ?
Sénatrice Amina Gerba : Je vous remercie de m’accorder cette opportunité d’interview avec votre magazine. Avant de répondre à votre question, permettez-moi d’abord de rappeler que j’ai été nommée sénatrice en juillet 2021 et, ce 10 février 2022, c’était, effectivement, ma première prise de parole au Sénat du Canada. Pendant plus de 25 années, j’ai concentré ma vie professionnelle à essayer de promouvoir le rapprochement économique, commercial et entrepreneurial entre le Canada et l’Afrique. J’ai parcouru beaucoup de pays africains, organisé et participé à plusieurs conférences avec un même message : l’Afrique a besoin du Canada, et le Canada a besoin de l’Afrique. Toutefois, il me fallait un espace qui me permette de mobiliser largement les autorités politiques canadiennes. Quand le Premier ministre, le très honorable Justin Trudeau, m’a proposé un siège comme sénatrice indépendante du Québec, j’ai tout de suite compris que le temps était venu de poursuivre le même combat dans un cadre idéal.
Si l’on se réfère aux dernières statistiques de l’Observatoire de la Francophonie économique publiées en 2020, le Canada réalise à peine 2 % de tous ses échanges commerciaux avec l’Afrique. En Afrique francophone, le Canada réalise environ 0,5 % de ses échanges. Ce résultat est surprenant étant donné que le Canada a une importante ouverture commerciale et partage des langues (comme le français et l’anglais) avec la majorité des pays africains. L’Observatoire de la Francophonie économique en conclut que le potentiel commercial inexploité de notre pays avec l’Afrique est d’environ 381 milliards USD à l’exportation et 137 milliards USD à l’importation par an.
Même si le Canada a en Afrique de multiples missions commerciales que j’ai eu l’occasion de visiter et que je salue, l’Observatoire de la Francophonie économique rend évidente une sous-exploitation du potentiel des échanges du Canada avec le continent. Comme vous le savez, des grandes puissances comme les États-Unis, le Japon, la Russie, la Chine, l’Inde, la France prennent position sur le continent, organisent des sommets avec les pays africains, signent ou travaillent à la signature des accords commerciaux. Mais le Canada y est presque absent ! Vous conviendrez donc avec moi que mon premier discours à la Chambre était un appel à l’éveil de la politique internationale et commerciale de notre pays pour un meilleur renforcement de nos rapports économiques et une meilleure présence en Afrique.
Votre parcours exceptionnel, professionnel et entrepreneurial d’abord, politique ensuite, fait de vous une ambassadrice et du Canada en Afrique et de l’Afrique au Canada. Pourquoi est-il crucial que le Canada soit plus présent en Afrique et vice-versa ?
J’ai la conviction que l’Afrique est un continent d’opportunités dans des secteurs où le Canada a un savoir-faire avéré, notamment en matière d’intelligence artificielle, d’industrie, d’énergies renouvelables, d’entrepreneuriat, d’échanges commerciaux, d’économie sociale. Le Canada a un fort potentiel technique qui peut être un grand avantage pour le continent africain et pour les Canadiens. Une meilleure relation entre le Canada et l’Afrique dans les domaines susmentionnés peut résulter en un partenariat gagnant-gagnant.
La seconde raison est la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). En effet, ce grand marché, en voie d’unification, établit un meilleur cadre pour les échanges de biens et services en Afrique et élimine les droits de douane de 90 %. Ceci peut s’avérer favorable pour les investisseurs et exportateurs canadiens. Ce marché a un potentiel de 1,2 milliard d’habitants (fort taux de consommation) et 3 000 milliards USD de PIB. La ZLECAF prépare le continent africain à de meilleurs échanges internationaux et sera la plus grande zone de libre-échange dans le monde. Le Canada doit donc y être présent pour avoir sa part. Un éventuel accord de libre-échange entre la ZLECAF et le Canada constituerait un énorme partenariat gagnant-gagnant et renforcerait la compétitivité des marchés africains et canadiens.
Bien plus, d’ici 30 ans, l’Afrique sera le continent le plus peuplé du monde avec 2,5 milliards d’habitants. Ainsi, en 2050, un être humain sur quatre au monde vivra sur ce continent et la moitié des habitants d’Afrique à ce moment-là sera d’un âge jeune. Ceci constitue un fort potentiel en termes de consommation et de pouvoir d’achat. Le Canada en faisant affaire avec l’Afrique, pourrait voir doubler ou tripler le volume des échanges actuels. Ce qui serait un avantage crucial à la fois pour le Canada et pour l’Afrique. Voilà pourquoi la présence du Canada en Afrique devrait s’accroître.
Que dites-vous désormais à ceux (ou celles) qui s’interrogent sur l’Afrique influencé(e)s qu’ils (ou qu’elles) sont par les informations de nombre de médias qui s’arrêtent à l’écume de troubles observés dans certaines parties du continent ?
C’est vrai que l’Afrique fait face à un certain nombre de défis. On peut citer entre autres le terrorisme, les trafics de drogue et d’armes, la pauvreté extrême, la faiblesse ou le manque de politique sociale, la faiblesse de l’État-providence, la mauvaise gouvernance et, surtout le recul de la démocratie marqué par le retour des coups d’État militaires. Ces défis ont certainement un impact sur les économies et les investissements dans certaines parties du continent.
Mais, il y a aussi cette Afrique d’opportunités, cette Afrique des start-up, cette Afrique des ressources naturelles, ce continent qui se lance dans les nouvelles technologies. Je voudrais leur parler de cette Afrique des économies croissantes et innovantes, de l’entrepreneuriat féminin et des jeunes. Oui, il est possible de faire de l’Afrique un partenaire sérieux malgré ses défis. D’ailleurs, partout dans le monde, on a des défis et la crise du Covid-19 a montré qu’aucun pays n’est à l’abri des difficultés. Si les uns et les autres essaient de se reconstruire dans cette adversité que nous impose la pandémie, alors nous pouvons nous rapprocher de l’Afrique malgré ses défis et réussir ensemble. Je crois à l’impact des investissements sur la réduction de la pauvreté. Je crois à l’impact des échanges de biens sur le renforcement des politiques sociales. J’ai foi en la création et l’abondance des richesses découlant d’un accord entre deux entités économiques. L’Afrique, par son potentiel de la ZLECAF, est une force économique ascendante. Le Canada est un pays du G7 dont l’économie est résiliente et soutenue par des mesures fortes. Ce qui pourrait être l’alliance parfaite.
Alors, je voudrais dire à ceux qui vont lire ceci et, particulièrement, à nos dirigeants politiques et économiques canadiens : rapprochez-vous de l’Afrique, visitez-la, impliquez-vous dans des projets, investissez comme je l’ai fait, organisez des sommets commerciaux, signez des accords économiques, et vous ne serez pas déçus. L’avenir, le futur économique et technologique, c’est en Afrique. Profitez-en maintenant, car les opportunités n’attendent pas.
Quelles sont, selon vous, les initiatives et chantiers à partir desquels la construction d’une relation étroite entre le Canada et l’Afrique pourrait se faire méthodiquement et efficacement ?
Il y a tellement de portes d’entrée par lesquelles le Canada peut bâtir une relation solide avec l’Afrique. Je l’ai dit dans mon premier discours au Sénat. Immédiatement, je pense que le Canada pourrait apporter toute son expertise et ses meilleures ressources institutionnelles en appui à la réussite de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Cela pourra lancer les bases solides d’une relation économique forte et durable avec les pays africains.
Ensuite, je crois que le Canada pourrait réfléchir à ouvrir son économie aux pays africains. Quand vous observez la mise en place de l’AGOA en l’an 2000 par les États-Unis, le marché américain a été ouvert aux pays africains qualifiés selon les critères de l’AGOA. Ce qui a contribué à l’augmentation du volume des échanges et entrainé un partenariat gagnant-gagnant. Le Canada peut aussi s’inspirer de l’initiative « Prosper Africa » créé par les États-Unis en 2021, renforçant les échanges commerciaux et les investissements avec le continent africain. J’insiste sur ce type de partenariat, car il est porteur d’intérêts mutuels, de motivation d’actions communes, de confiance mutuelle et créatrice de richesses.
En outre, le Canada pourrait faire comme les autres puissances. Se rapprocher des pays africains, organiser un « Sommet Canada-Afrique » qui nous réunira tous pour qu’on discute et qu’on élabore tous ensemble les voies à prendre pour avancer, créer des richesses et renforcer nos liens.
Voici quelques idées que mon pays pourrait étudier pour la construction d’un futur lumineux et partagé avec l’Afrique.
Avant d’être sénatrice, votre leadership entrepreneurial et associatif vous a directement sensibilisée à la diversité dans la société canadienne. Où en est le Canada aujourd’hui par rapport à cette question cruciale ?
C’est vrai, pendant de nombreuses années, j’ai été directement et indirectement impliquée dans des projets à caractère social, dont l’objectif était de soutenir la diversité. D’ailleurs, avant d’être nommée sénatrice, j’étais présidente de « Entreprendre Ici », un organisme créé par le gouvernement du Québec, dans le but d’accompagner et soutenir financièrement les entrepreneurs issus de la diversité ethnoculturelle.
Généralement, on qualifie le Canada de nation de la diversité. Dans ce pays vaste et limité par deux océans, il est possible de trouver plusieurs communautés qui vivent en harmonie. C’est le pays des Métis, des Premières Nations, des Inuits, des Asiatiques, des Noirs, des Blancs. Nous provenons de toutes les parties du globe, venus pour différentes raisons mais vivant tous ensemble. Malheureusement, le racisme est aussi un réel problème dans notre société. Il touche toutes les couches sociales et est présent dans toutes les sphères de la société.
Malgré ce racisme, qui est qualifié de systémique et endémique, le Canada a fait un certain nombre d’efforts qui nous donnent de l’espoir pour le futur. En janvier 2021 par exemple, le gouvernement fédéral a annoncé une série de mesures visant à favoriser la diversité et l’inclusion dans la fonction publique. Il s’agit, notamment, de faire un sondage auprès des fonctionnaires fédéraux sur l’état de la discrimination, identifier les groupes démographiques, accroître la diversité dans les hautes positions de la fonction publique et s’attaquer aux barrières systémiques.
En été 2021, toujours au niveau fédéral, le gouvernement a lancé, en collaboration avec la Fédération africaine canadienne de l’économie (FACE), un programme de prêts pour soutenir les entrepreneurs noirs dans leurs diverses activités. C’est un programme qui donne un coup de pouce positif pour la diversité et l’inclusion, car la diversité participe à la prospérité de notre pays. C’est en ce sens que j’ai coorganisé un webinaire en collaboration avec deux collègues le 4 février dernier, invitant la PDG de FACE et deux de ses collaborateurs à venir présenter aux parlementaires l’état de l’avancement et l’impact du prêt du gouvernement auprès des entrepreneurs noirs
Il faut également noter la présence des minorités visibles dans toutes les institutions (Sénat, Chambre des communes, Police, Gendarmerie royale, banques, etc.). Sans oublier que nous avons même déjà eu une gouverneure générale (chef de l’État) noire.
Certes, beaucoup reste encore à faire pour éliminer le racisme systémique, mais il y a de l’espoir.
Vous l’avez dit dans votre premier discours en tant que sénatrice : « Les législateurs peuvent participer aux changements culturels, sociaux et économiques. » Appliquée à l’international et à la diversité, quel type de dispositions entrevoyez-vous dans ce sens qui vous paraissent pouvoir nourrir à la fois le rayonnement du Canada et un apport enrichissant de la diversité ?
Le pouvoir principal qui nous est octroyé en tant que sénateurs est celui d’améliorer des projets de loi, de commander des études sur des enjeux précis, d’ouvrir les portes du Sénat aux citoyens pour des témoignages, de procéder à des enquêtes. C’est dans les limites de ce cadre que mon action s’exerce.
Il nous est aussi permis de faire des motions pour sensibiliser les autorités sur la nécessité des actions concrètes pouvant contribuer aux changements culturels, sociaux et économiques dans notre pays. Les sénateurs peuvent aussi faire des propositions de lois et j’ai bien l’intention d’utiliser ce pouvoir. Mais je me donne encore un peu de temps pour réfléchir sérieusement sur les projets et initiatives qui pourraient avoir un impact réel, non seulement pour la diversité, mais aussi pour un meilleur rayonnement du Canada dans le monde.
Comme le disait le président Léopold Sédar Senghor, « la culture est au début et à la fin du développement ». Quelle est la place de la culture africaine aujourd’hui dans la société ainsi que dans les entreprises du Canada en général, du Québec en particulier ?
La culture, c’est un élément vital dans chaque société. Le Canada étant un pays multiculturel, l’art s’y exprime de différentes façons. Il est certain que des Québécois/Canadiens d’origine africaine participent à l’animation culturelle du Canada. On n’a qu’à observer la multitude de festivals tels que Vues d’Afrique (films) et Nuits d’Afrique (musique) et le Festival des Films Black. Les Afrodescendants commencent à initier des projets de galeries et musées. Des mécènes offrent leurs objets de collection aux grands musées et nous assistons même maintenant à des expositions d’artistes afrodescendants dans de grands musées, comme le musée des Beaux-Arts de Montréal, chose qui était inimaginable il y a quelques années. Le multiculturalisme canadien est vraiment une richesse tangible et de plus en plus valorisée.
Quel regard posez-vous sur l’apport des Africains à la Francophonie au Québec ?
La langue française constitue aujourd’hui un précieux héritage commun qui fonde le socle de la Francophonie. Elle est aussi un moyen d’accès à la modernité, un outil de communication, de réflexion et de création qui favorise l’échange d’expériences entre peuples. Au Québec, la matérialisation de la francophonie se situe plus autour du partage de la langue française et de ses valeurs de diversité et de fraternité.
En immigrant dans cette province, il y a 35 ans, l’une des seules constances qui me reliaient au Québec était le partage de la langue française. J’ai continué à aimer cette langue durant tout mon séjour et, jusqu’aujourd’hui, elle reste un point majeur du sentiment d’appartenance au Québec qui m’anime.
Avec environ 7 620 000 locuteurs de français, le Québec abrite la plus grande concentration de francophones dans les Amériques. Près de la moitié des pays africains sont francophones et ces dernières années, les Africains constituent une grande part de l’immigration au Québec. Non seulement ils participent au renforcement de la population francophone mais aussi à l’enrichissement de la diversité et de la culture si chère à la francophonie. Cette contribution se fait à travers des structures ou événements comme Casa Africantilles du Québec, Maison d’Afrique, Miss Afrique Montréal, Festival Nuits d’Afrique, Safari Maison interculturelle et Solidarité Femmes Africaines.
Trente-cinq ans après avoir débarqué de votre Cameroun natal au Québec pour vos études, vous voilà membre de la Chambre haute du Parlement canadien comme sénatrice indépendante. Qu’est-ce que cela dit du Canada que vous avez envie de partager avec l’Afrique et le monde ?
Je crois tout simplement que le Canada est le pays où tout est possible. En arrivant dans ce pays, je n’avais jamais imaginé que je serais sénatrice un jour. Et même aujourd’hui, je me demande parfois si ma présence dans la Chambre haute du Parlement est réelle. Comme je le dis toujours, dans ce pays, quand on travaille fort, on peut réussir à se faire une place de choix dans la société.
J’ai été tour à tour étudiante, employée, entrepreneure et administratrice de sociétés et d’organismes. Maintenant, ma présence au Sénat témoigne aussi d’une certaine reconnaissance de mon parcours et de mes accomplissements. Tout ceci, je le dois à ce pays et à toutes les opportunités que j’y ai eues malgré les défis et les barrières qui existent toujours. C’est aussi cela la magie de notre pays. Tout y est possible quand on le veut vraiment.
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