Les stratèges de Giorgia Meloni pour son « new deal » avec l’Afrique

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Les stratèges de Giorgia Meloni pour son « new deal » avec l’Afrique
Les stratèges de Giorgia Meloni pour son « new deal » avec l’Afrique

Frida Dahmani

Africa-Press – Djibouti. Pour mettre en place et promouvoir son Plan Mattei, qu’elle présente comme un partenariat d’égal à égal avec l’Afrique, la présidente du Conseil italien s’est entourée de diplomates de carrière… Sans liens particuliers avec le continent.

Giorgia Meloni, la présidente du Conseil italien, compte sur la mise en œuvre du Plan Mattei pour se mettre en valeur au moment où son pays assure la présidence du G7 et alors que son camp se prépare pour les élections européennes de juin.

L’objectif de la dirigeante d’extrême droite est de faire adopter, à Bruxelles, cette stratégie de développement, dont elle a présenté les grandes lignes à Rome, à la fin de janvier, lors du Sommet Italie-Afrique, devant une assistance qui comptait davantage de représentants de l’Union européenne (UE) et d’institutions internationales que de leaders africains.

Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’Union africaine (UA), a d’ailleurs déploré que les États du continent n’aient été ni consultés ni associés à la réflexion alors que ce plan est présenté comme un partenariat.

Kaïs Saïed et le test tunisien

Le Plan Mattei repose sur l’idée suivante: les Européens pourront s’approvisionner auprès des pays africains dans le cadre d’une relation d’égal à égal. Rome se fournira en énergie sur le continent, puis fournira les autres pays européens. En échange, des aides (financières, formation, etc.) seront déployées dans ces pays exportateurs, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de l’eau et de l’agriculture. S’y ajoutent des mesures incitatives pour que les États, notamment ceux du sud du Sahara et ceux qui sont situés sur la rive sud de la Méditerranée, réadmettent, en contrepartie, leurs citoyens refoulés d’Europe.

Giorgia Meloni espère ainsi déployer l’une des stratégies qu’elle promeut depuis son accession au pouvoir, en octobre 2022: créer un modèle et le reproduire, sans tenir compte des spécificités locales.

Son premier test grandeur nature s’est fait avec la Tunisie. En juillet 2023, Meloni a poussé Kaïs Saïed, le président tunisien, à adhérer à un mémorandum d’entente sur un partenariat stratégique et global avec l’UE. Celui-ci comporte un important volet économique: des aides financières en échange d’une politique de fermeté en matière contrôle des frontières. Cet accord bénéficierait en premier lieu à l’Italie, confrontée à des flux migratoires incontrôlables, tandis qu’il reviendrait au dispositif sécuritaire européen d’intervenir en mer.

Perte d’influence de la France

Ni vraiment aboutie ni finalisée, l’expérience tunisienne n’en nourrit pas moins les ambitions continentales de Giorgia Meloni. Après plusieurs mois de préparation dans la plus grande confidentialité, son Plan Mattei, qui a reçu l’aval du Parlement italien, n’est, en réalité, qu’un vaste programme de coopération, sous couvert de bonnes intentions et de principes d’équité.

Bien que pressée et tenue par l’échéance des élections européennes, Giorgia Meloni s’est assurée d’obtenir l’approbation tacite de l’UE. Elle entretient ainsi des relations très étroites avec Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, qui lui est d’un grand soutien. En contrepartie d’un appui de l’Italie alors que cette dernière est candidate à un second mandat ? Reste que l’objectif de la présidente du Conseil italien est de faire de l’Italie un chef de file en Afrique, en particulier là où la France a perdu de son influence.

La locataire du Palais Chigi compte sur l’entregent de son ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, 70 ans. Ancien président du Parlement européen, il fonda, avec Silvio Berlusconi, le parti Forza Italia. Grâce à lui, la diplomatie européenne n’a plus de secret pour Meloni, qui, pour concevoir sa politique africaine, comptait sur son conseiller diplomatique, l’ambassadeur Francesco Talò, 65 ans.

Cet homme dévoué, qui avait affiné le Plan Mattei, était le mieux placé pour diriger la cellule chargée du projet. Mais, en septembre 2023, un canular téléphonique a eu raison de sa carrière: Meloni a été piégée par Vovan et Lexus, des humoristes russes. En passant par le bureau de Talò, ils ont pu s’entretenir durant plusieurs minutes avec la dirigeante, qui, croyant parler avec Moussa Faki Mahamat, s’est livrée à des confidences sur la guerre en Ukraine.

La démission fracassante de Talò, à quelques semaines du Sommet Italie-Afrique, tombait au plus mauvais moment. L’ambassadeur a été remplacé au pied levé par Fabrizio Saggio, 53 ans. Ambassadeur d’Italie en Tunisie depuis octobre 2022, le voilà désormais chargé de coordonner la mise en œuvre du Plan Mattei. Ce diplomate consensuel a collaboré avec des cabinets ministériels de différentes tendances politiques, puis entamé sa carrière à Bruxelles, avant d’être affecté au Caire, à Tel-Aviv et à Washington.

Bien qu’il ne soit pas un fin connaisseur de l’Afrique, il a contribué à persuader Tunis de signer le mémorandum avec l’UE. Sherpa devenu chef de cordée, il hérite donc de l’équipe constituée par son prédécesseur, qui affiche un fort tropisme européen et n’a aucune expertise africaine.

Le bras droit de Fabrizio Saggio a rang de ministre plénipotentiaire. L’ex-député et ancien maire de Padoue, Alessandro Cattaneo, 44 ans, a été, jusqu’en 2023, chef du groupe parlementaire de Forza Italia, puis coordinateur adjoint du parti.

Fervent europhile qui soutient le pacte de stabilité européen, il n’a pas non plus d’entrées en Afrique. Mais il est un proche d’Antonio Tajani, et, surtout, un allié politique de plus pour Meloni dans les rangs du parti du défunt Silvio Berlusconi.

L’équipe imaginée par Francesco Talò pour promouvoir le Plan Mattei s’appuie sur deux pôles: celui des conseillers d’ambassade, et celui des conseillers de légation.

Lorenzo Ortona, 48 ans, fait partie du premier. Son parcours est proche de celui de Fabrizio Saggio, son nouveau patron. Passé par Bruxelles et Tel-Aviv, il fut consul d’Italie à San Francisco avant de rejoindre le Conseil italien.

À ses côtés, une proche de Meloni, dont Francesco Talò fut le mentor: Lucia Pasqualini, 47 ans. Conseillère d’ambassade et déléguée pour l’Afrique, c’est elle qui avait transféré à Giorgia Meloni le fameux appel téléphonique qui entraîna la disgrâce de Talò.

Elle avait rencontré ce dernier au consulat d’Italie à New York. Avant cela, Lucia Pasqualini est passée par l’UE et par l’ambassade d’Italie à Pékin, où elle a travaillé avec l’ambassadeur Luca Ferrari, actuel représentant de Meloni au G7. Elle a ensuite été nommée consule générale à Canton, en pleine pandémie de Covid-19.

Au ministère des Affaires étrangères, à la direction générale chargée de l’UE s’active Luca Laudiero, 45 ans, qui fut premier secrétaire d’ambassade et chargé d’affaires à l’ambassade d’Italie à Zagreb (Croatie).

Doté d’un profil similaire, Andrea Arnaldo, 49 ans, a été, quant à lui, été en poste à Belgrade (Serbie), puis conseiller au bureau des relations avec le Parlement, avant d’intégrer la task force du plan Mattei, où il gère notamment les contacts avec les médias étrangers.

L’équipe s’appuie également sur des conseillers de légation, comme Raffaella Di Carlo, 42 ans. Première secrétaire de l’ambassade d’Italie à Pékin, elle connaît bien Lucia Pasqualini. Après un passage à la chancellerie de Berlin, elle a travaillé pour différents services du ministère italien des Affaires étrangères avant d’être détachée auprès de la présidence du Conseil.

Elle y a rejoint Stefano La Tella, 44 ans, diplomate de carrière, qui a débuté au service de presse avant d’intégrer le département Affaires politiques et Sécurité, où il est plutôt spécialiste de la Russie, de l’Europe orientale, du Caucase et de l’Asie centrale. Il a ensuite été conseiller près de l’ambassade d’Italie à Bogota (Colombie), puis à Berlin (Allemagne).

A lire: Après le plan Mattei, Meloni dégaine le « plan Caivano »

Alice Marziali, 38 ans, diplômée en sciences politiques et internationales, complète l’équipe. Admise sur concours au ministère des Affaires étrangères, puis rattachée au département Affaires politiques et Sécurité, elle a ensuite été désignée première secrétaire, d’abord à l’ambassade d’Alger puis à la représentation permanente de l’Italie à l’Otan.

Source: JeuneAfrique

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