Afflux de Carburants Russes Toxiques en Afrique

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Afflux de Carburants Russes Toxiques en Afrique
Afflux de Carburants Russes Toxiques en Afrique

Olivier de Souza

 

Africa-Press – Djibouti. L’Afrique devient un débouché important pour les carburants russes frappés de sanctions internationales, attirant des volumes croissants de produits à bas prix, dont la qualité et les impacts environnementaux demeurent incertains, faute de normes et de contrôles suffisants.

Le mardi 22 juillet, à Abuja, lors de la « West African Refined Fuel Conference », l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote (photo) a dénoncé l’afflux massif de carburants russes à prix cassés. Selon lui, ces produits, souvent toxiques, ne respectent pas les standards en vigueur en Europe ou en Amérique du Nord. Ils représenteraient non seulement une menace pour une industrie de raffinage compétitive sur le continent, mais également pour la santé publique.

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 3,7 millions de personnes meurent chaque année de la pollution de l’air, notamment à cause des particules présentes dans les gaz d’échappement.

Le milliardaire nigérian cite, dans son propos, le port de Lomé, au Togo, comme un hub stratégique où seraient stockés plus de 2 millions de barils de ces produits pétroliers, avant leur redistribution vers différents marchés de la région.

Dans un contexte réglementaire très souple, où les normes d’émission et de qualité sont quasi inexistantes, de nombreux traders écoulent en Afrique des carburants jugés invendables ailleurs, sans risque de sanctions. Cela alors même que le continent produit environ 7 millions de barils de brut par jour, mais n’en raffine localement que moins de 40 %.

Selon les données de juin 2025, les exportations russes de diesel et de gasoil vers l’Afrique ont chuté de 30 % par rapport au mois précédent, totalisant environ 700 000 tonnes. Le Maroc, le Togo, la Tunisie et l’Égypte figurent parmi les principaux acheteurs. D’après Reuters, plusieurs navires partis de Russie indiquaient une destination « pour ordres », laissant penser à une distribution opportuniste, souvent en dehors des régulations maritimes officielles.

Pour Dangote, ce contexte peu encadré constitue un frein majeur au développement du raffinage africain. Sa propre raffinerie, la plus grande du continent, a commencé à exporter, mais se heurte à la concurrence des produits importés à bas prix, sans normes uniformes, qui saturent le marché.

Si le magnat de l’industrie défend aussi ses intérêts économiques, ses critiques pointent toutefois une réalité plus large: l’Afrique tend à devenir une zone de dumping pour des carburants rejetés ailleurs. Une dérive rendue possible par l’absence de normes harmonisées, la faiblesse des mécanismes de régulation et l’inaction des gouvernements, en l’absence de mesures de protection telles que les droits de douane, les contrôles qualité ou des plafonds d’émissions.

Un précédent: le scandale du « Dirty diesel »

Les déclarations d’Aliko Dangote rappellent un scandale documenté dès 2016 par l’ONG suisse Public Eye. L’enquête révélait que des négociants comme Vitol, Trafigura ou Addax & Oryx vendaient en Afrique de l’Ouest des carburants très polluants, contenant jusqu’à 378 fois plus de soufre que ce qu’autorisent les normes européennes.

Menée dans neuf pays, dont le Bénin, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Zambie, l’étude avait mis en lumière une filière parallèle de carburants dits « qualité africaine », exploitant les faiblesses réglementaires locales.

Malgré les engagements pris à l’époque, certaines de ces entreprises se sont limitées à ajuster leur communication. D’autres revendiquent le respect des normes locales, tout en se disant disposées à s’adapter.

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