Africa-Press – Djibouti. Une partie de l’extrême droite française s’est attaquée à l’Agence française de développement (AFD), l’accusant de « gaspiller » l’argent public. Fact-checking en infographies.
L’annonce par Donald Trump à peine investi de sa décision de suspendre les financements de l’USAid a fait des émules sur le Vieux Continent. En France, la charge a été lancée par Sarah Knafo, l’eurodéputée du parti d’extrême droite Reconquête d’Éric Zemmour. Mi-février, au micro de CNews, elle fustigeait l’Agence française de développement (AFD) qu’elle accusait de prendre « l’argent dans la poche des Français » et de le « gaspiller » pour « l’envoyer au monde entier ». Dans les jours qui ont suivi, c’est un député Rassemblement national (RN), le parti de Marine Le Pen – qui doit se rendre à la mi-mars au Tchad – qui réclamait à son tour un « moratoire » sur le financement de l’aide au développement français.
Les projets et la gestion de l’AFD peuvent prêter le flanc à la critique – y compris sur le plan philosophique et idéologique, l’aide au développement pouvant être vue comme un outil de néocolonialisme qui ne dit pas son nom. Mais la réalité est évidemment beaucoup plus complexe que le laissent supposer ces imprécations populistes. Les faits et les chiffres dessinent une réalité très éloignée de ce cliché d’une corne d’abondance arrosant la planète avec l’argent du contribuable français.
40 % de l’activité de l’AFD concerne directement l’Afrique
Né en 1941 sous l’impulsion du général de Gaulle, le groupe AFD est une banque de développement au sein de laquelle trois entités distinctes coexistent, avec des missions et des modes opératoires sensiblement différents. L’Agence française de développement, d’abord, qui est en charge du financement du secteur public et des ONG, ainsi que des projets portant sur la recherche et la formation sur le développement durable.
Créée en 1977, la filiale Proparco est tout entière tournée vers le secteur privé. Elle soutient les entrepreneurs, français ou non, qui investissent dans les pays en développement, et notamment sur le continent africain. Enfin, Expertise France, créée en 2022, est une agence de coopération technique.
Chaque année, entre 12 et 13 milliards d’euros sont mobilisés par le groupe AFD, selon une clé de répartition entre les différentes entités détaillées dans l’infographie ci-dessous. Si, sans surprise, la majorité des décaissements se font dans le cadre de projets hors de France, ils ne représentent « que » 7,9 milliards d’euros du budget global.
Environ 40 % de l’activité de l’AFD concerne directement l’Afrique, où le groupe est implanté dans 44 pays. Malgré une légère baisse entre 2022 et 2023, la région mobilise en moyenne près de 5 milliards d’euros de financements, dont près de 820 millions portés par Proparco. Des chiffres qui devraient toutefois décliner à cause du retrait forcé de l’AFD des trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), et de la dégradation des capacités d’endettement de plusieurs pays du continent. Surtout, les mesures de rigueur budgétaire du gouvernement français devraient orienter ces choix.
En novembre 2024, Rémy Rioux, directeur général de l’AFD, avait déjà alerté sur les conséquences de la « très forte baisse des ressources » de l’aide publique française au développement envisagée. De fait, le budget 2025 prévoit une coupe de près de 2 milliards d’euros, soit environ 35 % de baisse par rapport au budget 2024, sur l’enveloppe globale des aides publiques au développement, dont une partie sert à financer l’agence.
Maroc, Côte d’Ivoire et Nigeria: les principaux bénéficiaires
Parmi les critiques adressées à l’AFD, un supposé surfinancement de l’Algérie. En analysant les dépenses cumulées de ces dix dernières années pays par pays, que détaille la carte ci-dessous, on observe en réalité une nette prédominance du Maroc, où 111 projets ont été financés depuis 2014, pour 2,7 milliards d’euros de financements cumulés. En seconde position, la Côte d’Ivoire, où 139 projets ont été financés par l’AFD à hauteur de 1,6 milliard d’euros par le biais de prêts obligataires et de subventions. Viennent ensuite le Nigeria (1,3 milliard d’euros) et la Tunisie (1,1 milliard d’euros). Sur la même période, l’AFD a financé 23 projets en Algérie, pour une enveloppe globale de 16,5 millions d’euros.
Qu’en est-il des critiques sur une supposée « gabegie » d’argent public ? Seuls 15 % des fonds du groupe AFD proviennent des caisses de l’État français, qui y investit environ 2 milliards d’euros par an, avant de récupérer une partie des dividendes générés par les prêts accordés par l’AFD. L’Union européenne est également un important contributeur. Par ailleurs, l’AFD se finance à 85 % grâce à des emprunts obligataires.
Source: JeuneAfrique
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