Afrique : le mobile money joue sa diversification

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Afrique : le mobile money joue sa diversification
Afrique : le mobile money joue sa diversification

Africa-Press – Djibouti. À Barcelone, le Mobile World Congress (MWC) s’est déployé sur 8 halls d’exposition et a enregistré au cours des 4 jours d’exposition, du 27 février au 2 mars, près de 80 000 visiteurs. Des professionnels des télécommunications venus de 176 pays pour découvrir les dernières nouveautés. Bienvenue dans le monde de demain : Intelligence artificielle (IA), Métaverse, Internet des Objets (IoT), 5G et 6G… Des expériences sont proposées, assister à une session en live dans une discothèque en chaussant un casque de réalité virtuelle tout en dansant avec des robots. Plus loin, c’est un autre robot qui vous délivre un diagnostic santé. À l’heure où tous les médecins se font rares, en Europe comme en Afrique, les robots seront-ils une solution ?

Dans ce foisonnement de nouvelles technologies numériques, les Africains se font plutôt discrets. Sauf dans un secteur où ils ont été les pionniers : le mobile money. « Si nous regardons aujourd’hui ce Congrès, la 5G, l’IoT, il y a tellement de tech ! Mais comment cela va nous aider à faire circuler l’argent en Afrique ? » lance Sitoyo Lopokoiyit, directeur général de M-Pesa, intervenant lors d’une conférence « The rise of Fintech disruption ». Eh oui, M-Pesa, lancé en 2007 par l’opérateur de télécommunication Safaricom au Kenya, a bien été le premier service de mobile money qui a permis d’envoyer de l’argent d’un téléphone mobile à un autre. Une révolution née en Afrique. D’abord grâce à la boîte à outils SIM, puis, deux ans après, en s’appuyant sur le protocole USSD (Unstructured Supplementary Service Data) qui permet de déclencher un service par envoi d’un message.

L’USDD reste largement utilisé, dans le monde et notamment en Afrique, là où il n’y a pas de réseau Internet. Et il est aussi devenu un bon moyen d’inclusion financière, pour les populations non bancarisées. En plus du simple transfert d’argent, l’USDD a permis d’autres opérations bancaires via un simple téléphone mobile.

Dans le sillage de Safaricom avec M-Pesa, les opérateurs de télécoms comme MTN avec Momo, Orange avec Orange Money ou Moov avec Moov money ont lancé leur propre portefeuille mobile. Au fil des ans, les usages se sont étendus : paiement auprès d’un distributeur de boissons, transfert d’argent internationaux, consultation de ses comptes bancaires, paiement de factures, de salaires, recharges de cartes téléphoniques, achats. « Nous avons commencé par l’inclusion financière et nous avons grandi sur le continent. Puis nous avons proposé des services financiers et des services dans le domaine de la santé, notamment pendant le Covid, mais aussi dans le domaine de l’agriculture et d’autres secteurs », commente Sitoyo Lopokoiyit.

Dans le monde, « on compte aujourd’hui 1,35 milliard de comptes enregistrés qui traitent 1 000 milliards de dollars par an d’opérations. Cela représente près de 2 millions de dollars par minute de transactions », calcule le rapport annuel 2022 de la GSMA (l’Association mondiale des opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile).

« Le mobile money n’est pas seulement une activité économiquement rentable. C’est également un moyen clé pour faire progresser l’inclusion financière et pour contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies. Des millions de familles auparavant non bancarisées ont désormais accès à des services financiers sûrs et sécurisés qui transforment leur vie », affirme Mats Granryd, directeur général de la GSMA, en ouverture du rapport. Il vante aussi les mérites du Fonds d’innovation de la GSMA, qui a permis de déployer des initiatives innovantes et utiles. « L’un de mes exemples favoris est le développement rapide des systèmes solaires domestiques prépayés (pay-as-you-go) dans les régions non connectées au réseau électrique. Ces systèmes permettent à des millions de personnes d’accéder pour la première fois à une énergie propre et abordable », se réjouit-il.

La pandémie de Covid-19 a accéléré l’adoption du mobile money. Les paiements groupés sont en nette augmentation avec de plus en plus d’entreprises qui versent directement les salaires sur le compte de leurs employés. Des gouvernements, comme le Togo, ont versé des aides via le mobile money pour atteindre les plus affectés par la pandémie, et les transferts de fonds internationaux ont bondi de 48 % en 2021. L’Afrique subsaharienne se taille la part du lion : 605 millions de comptes enregistrés (en croissance de 17 %), dont 183 millions actifs, 36,6 milliards de transactions en hausse de 23 % et un montant des transactions de 697 milliards de dollars, en hausse de 40 % (sur les 1 000 milliards dans le monde).

La progression continue du mobile money s’est faite grâce à l’élargissement de sa base. Les flux d’opérations entre banques et plateformes de mobile money affichent une forte croissance. En augmentation de 46 %, ils ont plus que doublé depuis 2019. L’accélération continue de ces opérations s’appuie sur les relations de complémentarité qui se sont tissées ces dernières années entre les systèmes bancaires et le secteur du mobile money et conforte le rôle clé du mobile money au sein de l’écosystème financier.

« En fait, M-Pesa n’est pas un produit, c’est une plateforme pour la communauté des fintech. Nous ne sommes pas en compétition avec elles, mais nous leur offrons la possibilité d’utiliser nos rails pour fournir de meilleurs produits et services », explique Sitoyo Lopokoiyit.

Une autre technologie est en passe de révolutionner le mobile money sur le continent. En 2018, M-Pesa s’est rendu en Chine pour observer Alipay et Tencent et leurs super app. Alipay, avec ses 40 000 applications intégrées, a créé un nouveau marché du commerce électronique. « Nous avons pensé faire la même chose avec M-Pesa, explique Sitoyo Lopokoiyit. Nous avons créé notre nouvelle super application à partir de zéro et nous la voyons comme l’avenir de la plateforme M-Pesa. » Au Kenya, une grande partie des smartphones utilisés qui coûtent dans les 30 dollars dispose d’une capacité limitée. Une fois chargée WhatsApp, TikTok et YouTube, il ne reste plus de place. L’idée est donc de concevoir des mini-applications extrêmement légères en mémoire et détaxées pour les données hébergées sur la super app. Lancée en 2021, la super app de M-Pesa propose environ 30 mini-applications (billetterie, assurance, etc.) et a rencontré un beau succès, avec 8 millions de téléchargements et 3 millions de clients actifs.

« Nous avons une opportunité unique, dans la communauté des fintech, de créer de nouvelles économies. Il y a des choses à faire dans l’assurance, le paiement, dans une finance plus inclusive. Nous sommes en train de faire un bond en avant. Avec ces nouvelles économies, nous créons de nouvelles opportunités d’emplois, sur le continent, mais aussi dans le monde », anticipe Sitoyo Lopokoiyit. « Le continent africain est un continent de diversités, d’opportunités : aujourd’hui, plus de 60 % de la population a moins de 21 ans. En Europe, c’est moins de 20 %. Les fintech fournissent de belles opportunités pour innover, pour franchir les obstacles, notamment à travers des plateformes comme M-Pesa […] Dans la prochaine décennie, 16 % des consommateurs seront sur le continent. […] Je vous encourage tous à investir en Afrique. Ce continent est en train de s’élever », s’enthousiasme-t-il.

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