Africa-Press – Djibouti. D’après la dernière étude de l’université du Delaware, des milliards de dollars échappent à l’économie mondiale à cause du changement climatique.
Et si le changement climatique affectait plus la santé économique mondiale plus qu’on ne le pense ? La question est au cœur du dernier rapport du Gerard J. Mangone, Climate change science and policy hub, de l’université du Delaware, aux États-Unis. La situation est d’autant plus préoccupante que l’auteur de l’étude, James Rising, professeur adjoint à l’université du Delaware, tire la sonnette d’alarme en ces termes : « Le monde s’est appauvri de milliers de milliards de dollars à cause du changement climatique, et la majeure partie de ce fardeau pèse sur les pays pauvres. »
Publié deux jours avant l’ouverture de la 28e Conférence des Nations unies sur le climat (COP28) qui se tient à Dubai, aux Émirats arabes unis, le rapport duGerard J. Mangone climate change science and policy hub s’intéresse particulièrement aux pertes économiques mondiales liées au changement climatique. L’étude suggère notamment « une forte corrélation entre pertes de PIB imputables au changement climatique et augmentation des températures ».
Un « contraste frappant » entre pays du Nord et pays du Sud
À partir d’une cartographie des pertes selon les régions et les zones économiques du monde, le document en arrive à la conclusion que le changement climatique a entraîné, à l’échelle mondiale, une perte de 6,3 % du PIB en 2022, pondéré en fonction de la population. Le pourcentage non pondéré du PIB mondial perdu est, lui, estimé à 1,8 %, soit environ 1 500 milliards de dollars. « La différence entre ces deux chiffres reflète la répartition inégale des impacts, qui se concentrent dans les pays à faible revenu et les régions tropicales, généralement plus peuplés et moins riches en PIB », souligne les experts. Autrement dit, « les impacts économiques du changement climatique présentent un contraste frappant entre pays développés et pays en développement ». En clair, les pays les moins avancés (PMA) sont exposés à plus de pertes de PIB. Le rapport souligne que contrairement à la moyenne mondiale, les pays du Sud et particulièrement les régions tropicales ont supporté la plus grosse des pertes liées au climat.
Parmi les continents les plus affectés ? L’Afrique figure en première ligne. En effet, le continent a enregistré une perte de PIB de 8,1 % en 2022. C’est toutefois moins que les pertes enregistrées par l’Asie du Sud-Est qui détient la palme de la région la plus gravement touchée avec une perte moyenne de 14,1 % de son PIB. « Ces chiffres stupéfiants soulignent la vulnérabilité de ces régions aux dérèglements climatiques et à leurs effets socio-économiques négatifs », explique le rapport.
Ces régions qui s’en sortent
La Chine, avec une perte de 1,8 % qui n’a pas eu d’impact sur son PIB, et les États-Unis sont les mieux lotis. L’impact du changement climatique sur le PIB américain est plutôt nul, avec une perte de 2 %, mais aussi un gain du même niveau. En fait, les États-Unis sont dans le sillage de ces régions qui « constatent des avantages économiques du changement climatique », comme l’indique le rapport. Par endroits, il faut dire que ces signaux sont même quasiment au vert, comme le laisse croire le document du Gerard J. Mangone climate change science and policy hub. C’est le cas de l’Europe et de l’Asie du Nord qui affichent un PIB supérieur de 4,7 % à celui d’origine qu’elles auraient obtenu sans le changement climatique. Le rapport explique que ces « avantages » découlent de facteurs tels que la réduction du froid hivernal, qui réduit à son tour la consommation d’énergie. Mais il ne s’agit pas de crier déjà victoire, d’autant plus que le rapport alerte que « ces avantages sont sur le point de s’éroder et finalement devenir négatifs ». Et cela, pour la simple raison que « la planète continue de se réchauffer ».
Au-delà des pertes immédiates, le document publié par l’université du Delaware s’attarde sur les répercussions du changement climatique sur les investissements en capital. Il souligne « une baisse dans le stock total de capital manufacturé » des pays, ce capital manufacturé qui fait référence à la production humaine et aux entités physiques qui contribuent à la production et l’activité économique. « D’une manière générale, les pays confrontés aux impacts climatiques ont réduit les fonds à investir dans des activités productives ce qui exacerbe l’érosion de leur capacité économique dans le temps. L’étendue de ces pertes en capital a des implications critiques à long terme sur la résilience économique et la capacité à soutenir la croissance », prévient le rapport.
Un impact sur la capacité à soutenir la croissance économique
Selon le rapport, de multiples secteurs et canaux contribuent à comprendre ces effets, ainsi que les différences de résultats observées dans différentes régions du monde. En effet, « les secteurs de l’agriculture et de l’industrie manufacturière sont plus sensibles aux risques climatiques que les industries de services », selon le document. Et d’ajouter que « les pays pauvres se révèlent plus vulnérables à ces éléments » alors que « les pertes sont plus importantes pour chaque degré supplémentaire de réchauffement ».
En termes de coûts, les chiffres ne sont pas moins saisissants. En effet, une combinaison du PIB et des pertes en capital, qui représente les « pertes totales », révèle que les pays à revenus faible ou intermédiaire ont subi une perte totale de 21 000 milliards de dollars depuis l’adoption de la convention de Rio en 1992. Ce montant représente environ la moitié du PIB total du monde en développement en 2023. Des estimations d’impact pour les principaux groupes de négociation de la COP et les parties prenantes concernées montrent que tous les groupes partis à la CCNUCC, à l’exception de l’Union européenne, ont subi des pertes totales, dont les plus importantes sont celles du G-77 qui s’élèvent à 29 000 milliards de dollars.
Pour l’auteur du rapport, ses conclusions « soulignent le besoin urgent d’une coopération mondiale et des efforts concertés pour faire face aux impacts économiques du changement climatique ». Il analyse que « les pertes exacerbent les inégalités mondiales existantes », avant de recommander « des stratégies globales visant à répondre au fardeau disproportionné auquel sont confrontés les pays en développement ». L’étude réalisée en prévision de la COP28 pourrait ainsi aider les décideurs à appréhender l’urgence de la situation en vue de l’effectivité du Fonds pour les pertes et dommages dont les bases ont été dessinées lors de la COP27. James Rising espère que les informations dans le rapport permettront de « clarifier les défis auxquels de nombreux pays sont déjà confrontés aujourd’hui et le soutien dont ils ont besoin de toute urgence pour les relever ».
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Djibouti, suivez Africa-Press