Yara Rizk
Africa-Press – Djibouti. Le 15e sommet des Brics, qui ouvre ses portes ce 22 août jusqu’au 24 août à Johannesburg, sera particulièrement scruté. Notamment car ses pays membres vont aborder la possibilité d’ajouter de nouveaux entrants et de créer une monnaie pour contrer le dollar.
Du 22 au 24 août, Johannesburg accueille le quinzième sommet des Brics. Le groupe de pays composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, qui cumule 23 % du PIB mondial et près de 42 % de l’humanité, veut se positionner comme un bloc alternatif à l’hégémonie occidentale.
« Le système traditionnel de gouvernance mondiale est devenu dysfonctionnel, déficient et inopérant », a déclaré, le 18 août, l’ambassadeur de Chine à Pretoria, Chen Xiaodong. Avec pour thème choisi cette année « Les Brics et l’Afrique », le continent est au centre de ces ambitions nouvelles. Alors que d’ici à 2100, la population africaine pourrait tripler, les grandes puissances y intensifient leurs efforts pour renforcer leur influence, attisés par la concurrence pour les ressources naturelles et le marché potentiel qui s’y développe.
Dédollarisation
Au programme de ce sommet notamment, « la dédollarisation de l’économie mondiale ». Première pierre à cet édifice, le Brésil et la Chine ont signé, en mars, un accord pour réaliser leurs transactions dans leurs devises respectives, pour un montant d’environ 23 milliards d’euros par an, une démarche qui vise à réduire leur dépendance vis-à-vis du dollar américain. Alors que les cinq puissances qui englobent à elles seules 18 % des échanges mondiaux ont évoqué la possibilité de créer un monnaie commune, qui serait adossée à l’or.
L’émergence de ce nouveau moyen de paiement – qui ne reste cependant qu’hypothétique – est aussi une réaction aux sanctions occidentales imposées à la Russie. Cette remise en cause de l’hégémonie du billet vert est appuyé par la Nouvelle banque de développement (NDB), une institution fondée en 2014 par les Brics. Depuis sa création, la NDB, qui se présente comme un concurrent à la Banque mondiale et au FMI, a engagé 30 milliards de dollars dans des projets d’infrastructure et de développement durable, aussi bien au sein de ses États membres que dans d’autres économies émergentes. L’Égypte y a d’ailleurs été admise l’année dernière, et l’Algérie presse pour l’intégrer.
« Nous prévoyons d’accorder des prêts allant de huit à dix milliards de dollars cette année, a déclaré Dilma Rousseff, ancienne présidente du Brésil et actuelle dirigeante de la NDB, dans une interview au Financial Times. Notre objectif est que près de 30 % de nos prêts soient accordés en monnaie locale, et ce, sans conditionnalité. Nous ne fonctionnons pas de la même manière que la Banque mondiale et le FMI. Nous respectons les politiques propres à chaque pays. »
Le 15 août, le NDB, a annoncé avoir levé 1,5 milliard de rands (environ 79 millions de dollars) lors de sa première émission d’obligations sur le marché sud-africain. « La Nouvelle Banque de développement cherche à accroître sa présence sur les marchés financiers de ses pays membres, afin de financer son solide portefeuille de prêts en monnaies locales », a déclaré Leslie Maasdorp, directeur financier de la banque. Selon lui, les fonds levés grâce à l’émission obligataire serviront à financer des projets d’infrastructure et de développement durable en Afrique du Sud.
Pour rappel, l’année dernière, Fitch Ratings a dégradé la note de la dette de la NDB, la faisant passer de AA+ à AA avec une perspective négative en raison de l’exposition de la banque à la Russie. L’agence a ainsi indiqué que la banque « pourrait rencontrer des difficultés pour émettre une obligation à long terme sur les marchés de capitaux américains ».
En outre, en quête d’un plus grand soft power, les Brics ont récemment dévoilé leur ambition de lancer leur propre classement des universités à l’échelle mondiale. Une démarche que Moscou juge nécessaire, arguant que les établissements russes sont souvent omis des classements internationaux pour des raisons plus politiques qu’académiques.
Nouveaux joueurs
Même si les détails exacts du programme du sommet n’ont pas encore été précisés, Anil Sooklal, ambassadeur itinérant de l’Afrique du Sud pour l’Asie et les Brics, a indiqué que l’expansion du bloc est une priorité. Selon Naledi Pandor, ministre sud-africaine des Affaires étrangères, 23 nations ont officiellement demandé à rejoindre le bloc, parmi lesquelles quatre sont africaines : l’Algérie, le Sénégal, l’Égypte, le Nigeria, et le Maroc. Mais le royaume chérifien a démenti l’information via l’agence de presse officielle marocaine MAP, affirmant qu’« il n’a jamais été question de répondre positivement à l’invitation à la réunion Brics/Afrique prévue en Afrique du Sud ni de participer à cette réunion à quelque niveau que ce soit ».
Anthony Butler, expert en sciences politiques à l’université du Cap, estime que l’adhésion de certains pays menacerait la position de l’Afrique du Sud qui pourrait devenir la plus petite économie du groupe. Par exemple, le poids économique de l’Argentine, elle aussi candidate est 1,5 fois plus important que celui de l’Afrique du Sud, et celui de l’Arabie saoudite l’est deux fois plus. Ainsi, l’expert n’élimine pas la possibilité que Pretoria cherche à négocier des termes qui préservent son influence, établissant notamment une hiérarchie entre les membres fondateurs et les nouveaux arrivants. « L’Afrique du Sud essaye de négocier des avantages comme une distinction entre les membres du premier cercle et les nouveaux arrivants », a anticipé ce dernier dans les colonnes de Jeune Afrique.
Pour l’instant, aucun critère permettant de choisir les candidats n’a été dévoilé. Chaque nation du continent prise individuellement (mis à part l’Afrique du Sud), peine à faire le poids face aux géants chinois, indien, et brésilien.
L’Algérie, avec son programme de diversification économique de 2016 et son solide partenariat avec la Chine, se positionne comme un sérieux prétendant à une place au sein des Brics. Toutefois, ses chiffres commerciaux ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. D’après la direction générale du Trésor public algérien, ses échanges internationaux se sont élevés à un peu plus de 50 milliards de dollars en 2021. À titre de comparaison, l’Afrique du Sud affiche des flux commerciaux au moins deux fois supérieurs, selon la Banque mondiale. Si les critères qui seront mis en avant sont purement liés à la taille des économies, l’Égypte et le Nigeria sont les deux pays du continent les plus aptes à intégrer l’ensemble.
Source: JeuneAfrique
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