Africa-Press – Djibouti. Tout au long de son mandat, David Malpass a concentré ses efforts sur la recherche de politiques plus vigoureuses, destinées à dynamiser la croissance économique, à réduire la pauvreté, à améliorer le niveau de vie des populations et à réduire le fardeau de la dette publique », a salué la Banque mondiale (BM) dans un communiqué publié le 16 février.
Même si les motifs de la démission de David Malpass n’ont pas été précisés, il est certain que son départ de la BM intervient dans un contexte très particulier : la dette des pays en développement explose, le taux de pauvreté s’est dégradé, et le monde fait face à une stagflation inédite, avec, en toile de fond, les retombées de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine.
L’inaction de l’institution et son manque d’implication sur le terrain ont été dénoncés par de nombreux responsables, à commencer par Janet Yellen, la secrétaire au Trésor des États-Unis. S’exprimant à Washington à l’occasion de l’événement qu’organisait le Centre d’études stratégiques et internationales, l’économiste new-yorkaise a indiqué que la BM, qui a pour actionnaire majoritaire les États-Unis, devrait « élargir sa vision pour y inclure la résolution des défis mondiaux, et mobiliser davantage de financements pour faire face aux nouveaux défis [auxquels le monde est confronté] ».
« Prudence excessive »
Un récent rapport d’un groupe d’experts du G20 démontre lui aussi que la BM est « trop prudente dans ses prêts compte tenu de son statut AAA ». Autrement dit, la banque éviterait les financements risqués pour maintenir cette notation favorable.
Dans sa dernière communication officielle, David Malpass a lui-même déclaré que « le groupe Banque mondiale [était] fondamentalement solide, financièrement viable, et largement en mesure d’accroître son action en faveur du développement pour régler les crises mondiales urgentes ». Des propos confortés par un rapport d’audit interne – publié malgré des réticences au sein même de la banque –, dans lequel l’institution multilatérale suggère qu’elle pourrait prêter 10 milliards de dollars de plus par an. Mais, pour Janet Yellen, ces 10 milliards supplémentaires ne seraient « toujours pas à la hauteur des capacités réelles de la Banque ».
Ainsi, un débat plus large sur les réformes à mener au sein de la BM afin de mieux répondre aux besoins de financement des pays en développement est prévu en avril prochain.
Gestion de crises
Ce débat tombe à pic. Il intervient en effet dans une période pleine d’incertitudes économiques. Car, même si la BM a déployé tout un arsenal pour pallier les nombreuses conséquences de la pandémie de Covid-19, celui-ci reste insuffisant au vu de la conjoncture mondiale, qui reste défavorable.
Dans le détail, l’institution de Bretton Woods a approuvé des aides de 12 milliards de dollars au 31 décembre 2021, puis de 4,68 milliards au 31 décembre 2022 (prêts, dons et garanties) pour soutenir les systèmes de santé, les filets de sécurité sociale et les ménages les plus vulnérables, ainsi que pour renforcer la résistance économique des pays vulnérables.
Plus de trente pays africains ont fait partie de ce programme. Parmi eux, le Bénin (prêt de 150 millions de dollars en 2021), la Côte d’Ivoire (don de 100 millions en 2020 de la part de l’Association internationale de développement (IDA), une filiale de la BM), la Guinée (prêt de 23,5 millions en 2020), le Mali (subvention de 125 millions en 2021) , le Ghana (prêt de 315 millions) et le Togo (dons de l’IDA de 70 millions en 2020).
Parallèlement, la Banque a lancé un programme de soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) africaines, doté d’une enveloppe de 5 milliards de dollars. Les fonds sont notamment partagés auprès des PME du Burkina Faso (60 millions de dollars en 2020), Ghana (100 millions en 2019), en Mauritanie (22 millions en 2019), au Rwanda ( 50 millions en 2019), et, plus récemment, en Tunisie (prêt de 120 millions en 2023).
Selon les dernières informations à jour, l’institution multilatérale consacrera, pour la période 2022-2025, plus des deux tiers de son enveloppe de financements de 65 milliards aux pays du continent.
Coopération multilatérale
Sur les 54 États africains, et selon une déclaration de David Malpass faite le 18 mai 2022, 29 pays sont confrontés à une « grave crise alimentaire », et 17 États connaissent un taux d’inflation à deux chiffres. Ces conséquences de la distorsion des chaînes de valeurs, de la guerre en Ukraine, des pénuries, mais aussi de l’envolée du dollar, ont conduit la BM et le FMI a intensifier leur collaboration.
En 2021, ces deux entités ont mis sur pied un groupe consultatif de haut niveau chargé de proposer des plans d’action destinés à promouvoir la croissance. Déjà en 2020, le FMI et la BM avaient œuvré ensemble, en incitant les pays créanciers (Club de Paris) à suspendre le remboursement de la dette des nations les plus pauvres (ISSD), afin que ces dernières puissent conserver des liquidités et mieux résister aux conséquences des crises. Environ 77 pays étaient éligibles à cette aide, dont 41 en Afrique.
Doing Business
Sous le mandat de l’ancien sous-secrétaire au Trésor des États-Unis, la Banque mondiale a procédé à quelques changements structurels. Elle a, par exemple, renforcé ses capacités numériques en créant une division spécialisée dans ce domaine, affiché la volonté de doubler ses financements en faveur du climat pour les porter à 200 milliards de dollars sur une période de cinq ans, et, en 2021, annulé le fameux rapport Doing Business. Cette étude réalisée par l’institution servait de référence à l’analyse économique et entrepreneuriale dans 190 pays. Il s’agissait d’un outil-clé pour les investisseurs soucieux de mieux connaître le climat des affaires en Afrique. Officiellement, ce rapport a été suspendu en raison d’irrégularités constatées dans les données des éditions 2018 et 2020.
Outre ces modifications structurelles, le vrai chantier institutionnel est prévu pour avril 2023. Au menu des réformes : une meilleure allocation des fonds. D’après Martin Kessler, directeur exécutif du laboratoire d’idées Finance for Development Lab, à Paris, ce débat « constituera une part importante du processus de recrutement du nouveau président de la BM ».
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Djibouti, suivez Africa-Press