Africa-Press – Djibouti. Ces déclarations décrivent les observations préliminaires des services du FMI au terme d’une visite (ou « mission ») officielle, le plus souvent dans un pays membre. Les missions sont effectuées dans le cadre des consultations périodiques (généralement annuelles) au titre de l’article IV des Statuts du FMI, d’une demande d’utilisation (emprunt) des ressources du FMI, des entretiens sur les programmes de référence ou d’une autre forme de suivi de l’évolution économique des pays membres.
Les autorités ont consenti à la publication de la présente déclaration. Les avis exprimés dans ces conclusions sont celles des services du FMI et ne représentent pas nécessairement celles du conseil d’administration. Sur la base des observations préliminaires de cette mission, les services du FMI établiront un rapport qui, sous réserve de l’approbation de la direction, sera soumis au conseil d’administration pour examen et décision.
Washington. Djibouti a bien surmonté les tensions régionales, avec une croissance robuste, une inflation modérée et des réserves en voie de récupération. Face aux incertitudes mondiales et aux défis de dette intérieure, les autorités entendent procéder à un important assainissement budgétaire, y compris en mobilisant les dividendes des entreprises publiques (EPs) de manière significative et en faisant avancer le dialogue avec les créanciers. Les autorités restent déterminées à investir dans le capital humain et à créer des conditions d’investissement favorables à la création d’emplois.
La résilience économique de Djibouti et sa contribution à la stabilité régionale
Djibouti aide à maintenir la stabilité régionale en soutenant la sécurité maritime et en facilitant les réponses humanitaires pendant les crises. En dix ans, le PIB par habitant de Djibouti a doublé grâce à des investissements considérables qui ont contribué a la modernisation de l’économie. Cependant, la baisse des recettes publiques et l’augmentation du service de la dette ont mis les finances publiques à rude épreuve, entraînant un endettement élevé et une diminution des réserves. La croissance n’as pas créé suffisamment d’emplois dans le secteur formel, alors que la marge de manoeuvre budgétaire pour financer les besoins en matière de développement est limitée.
Les autorités mettent à profit la résilience de Djibouti pour faire avancer l’assainissement budgétaire et reconstituer les réserves. La croissance devrait dépasser 6.5 % en 2024, portée par l’augmentation des transbordements du fait des tensions en mer Rouge, tandis que l’inflation reste maîtrisée grâce à la modération des prix internationaux des denrées alimentaires et de l’énergie. Djibouti a ramené son déficit public à 2,6 % du PIB en 2024, contre 3.5 % en 2023, après une brève période de dépassements budgétaires et de monétisation des déficits, et les réserves ont commencé à se reconstituer en partie pour compenser la baisse observée depuis fin 2023, même si elles restent inférieures à la base monétaire.
Les perspectives sont positives mais sujettes a des risques dans un contexte global incertain. La croissance devrait rester dynamique autour de 6 % cette année et se poursuivre à moyen terme, bien que à un rythme plus lent. L’économie robuste de l’Éthiopie devrait stimuler les activités portuaires de Djibouti; cependant, la consolidation budgétaire et la fin des investissements à grande échelle pourraient ralentir la croissance.
Les principaux risques comprennent les conflits régionaux susceptibles d’augmenter la migration et d’affecter la stabilité sociale dans un espace budgétaire contraint, ainsi que les changements de politique commerciale qui pourraient déprécier le dollar et le franc djiboutien, augmentant les exportations de services mais aussi l’inflation. Néanmoins, il convient de noter que Djibouti a réussi à naviguer plusieurs chocs au cours des dernières années, notamment le COVID-19, la crise du Tigré en 2022, la guerre en Ukraine et les perturbations maritimes de la mer Rouge en 2024.
S’appuyer sur la résilience pour assurer la viabilité des finances publiques et reconstituer les réserves
Face aux incertitudes régionales et mondiales élevées, pour assurer sa résilience future, Djibouti doit rapidement renforcer sa résilience économique en rétablissant la viabilité de sa dette, sauvegardant le régime de caisse d’émission et soutenant une croissance inclusive. À cet effet, les autorités entendent consolider l’assainissement budgétaire et améliorer la transparence financière ainsi que la gouvernance des EPs afin de libérer des contributions en dividendes significatives et viables au budget national, redresser les réserves, et encourager la croissance du secteur privé tout en protégeant les populations vulnérables.
Des efforts considérables et soutenus d’assainissement des finances publiques sont indispensables pour rétablir la viabilité de la dette. L’important assainissement concentré en début de période dans le budget 2025, et l’objectif d’un budget équilibré à partir de 2026, sont des mesures bienvenues. Pour maintenir ces progrès, il est essentiel que toutes les entités gouvernementales approuvent des objectifs budgétaires annuels alignés sur une stratégie de consolidation budgétaire à moyen terme.
Le succès dépend d’une gestion rigoureuse des dépenses dans le cadre d’une mise en oeuvre diligente de la stratégie de réforme de la gestion des finances publiques et du plan d’action 2024-27 récemment approuvés. Par ailleurs, la feuille de route budgétaire exhaustive doit continuer à élargir l’assiette fiscale en renforçant la TVA et l’imposition des revenus du capital, en rationalisant les exonérations fiscales prévues par le code des investissements et le régime des zones franches, et en finalisant la digitalisation des régies fiscales.
La mise en place effective de l’unité chargée de la politique fiscale demeure une priorité afin de comprendre les assiettes fiscales et d’améliorer l’efficience de la réforme fiscale. La récente création de la direction des grandes entreprises contribuera également à renforcer le civisme fiscal et à optimiser le recouvrement des recettes.
Alors que Djibouti négocie de nouvelles conditions pour ses dettes avec ses créanciers, des entreprises publiques bien gérées et rentables peuvent apporter une contribution notable à l’assainissement des finances publiques et redresser les réserves à la banque centrale de Djibouti (BCD), notamment après la dissolution du fonds souverain.
En s’appuyant sur les efforts en cours pour améliorer la transparence et la gouvernance des EPs, il sera crucial que le Secrétariat Exécutif en charge de la Gestion du Portefeuille de l’Etat (SEPE) collecte tous les états financiers des EPs et suive leur performance. La prompte mise en oeuvre du Code de bonne gouvernance est également essentielle pour établir une politique de dividendes plus transparente liée à la performance des entreprises publiques, permettant ainsi de mobiliser les dividendes de manière plus cohérente et significative pour le budget, améliorer l’efficacité et les services fournis par les EPs, et les redimensionnant de manière appropriée.
En outre, la transparence budgétaire peut être renforcée en éliminant les règlements financiers, en apurant les arriérés de l’État auprès des EPs et en améliorant la coordination entre le ministère du Budget, les ministères de tutelle et le SEPE pour mieux gérer les risques au cours du processus budgétaire.
Parallèlement à l’assainissement budgétaire, il est crucial pour la viabilité de la dette de finaliser les négociations sur la dette en cours et s’attaquer aux arriérés vis-à-vis des partenaires extérieurs. Il est tout aussi important de mettre en place des plafonds contraignants pour les emprunts de l’administration centrale et des entreprises publiques, y compris leurs participations dans des partenariats public-privés, tandis que le Comité national d’endettement public veillera à leur application.
La mission trouve la récente évolution des réserves encourageante et exhorte à un progrès continu. Pour préserver la crédibilité de leur cadre d’action et renforcer la caisse d’émission, les autorités prévoient de modifier la loi sur la BCD afin de renforcer son autonomie, ce qui contribuera à stabiliser les réserves, le taux de change et l’inflation.
Elles entendent également introduire des réserves obligatoires en tant qu’outil prudentiel, avec une mise en oeuvre qui devrait suivre une approche graduelle. En outre, dans le cadre du suivi approfondi du GAFI Moyen-Orient, Djibouti progresse dans les réformes de son dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il améliore aussi le climat des affaires et renforce la surveillance du secteur bancaire, compte tenu de son importante composante extraterritoriale et de l’exposition croissante de l’État.
Pour faciliter l’élaboration de politiques fondées sur des données factuelles, les autorités s’appuient sur l’assistance technique du FMI afin d’améliorer la couverture et la qualité des statistiques pertinentes pour la surveillance, en mettant l’accent sur les comptes nationaux, le secteur budgétaire et le secteur extérieur.
Promouvoir l’inclusion par le développement du secteur privé et la création d’emplois
Le gouvernement vise à encourager la croissance économique et l’équité sociale. Les autorités envisagent d’ améliorer le ciblage de l’actuel dispositif de subventions aux carburants. Afin de créer un système de protection sociale plus efficace et plus équitable et de réduire l’exposition budgétaire aux prix internationaux de l’énergie, les autorités devrait progressivement remplacer l’actuel système de subventions par le renforcement des transferts monétaires ciblés aux ménages les plus vulnérables, en s’appuyant sur le registre social national. Pour attirer les investissements et créer des emplois, ils améliorent l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle dans le cadre du plan directeur de l’éducation 2021-2035. Ils visent à diversifier l’économie dans des secteurs tels que la logistique et la connectivité, le tourisme, l’agro-industrie et la pêche.
Afin de permettre la diversification économique, il est essentiel de développer une feuille de route exhaustive avec des actions spécifiques visant à améliorer l’accès au financement, à simplifier les procédures administratives, et à étendre les services Internet et d’électricité fiables et abordables, notamment par le biais de la collecte accrue des factures, de l’efficacité technique et de l’adoption des énergies renouvelables rentables. Ces initiatives amélioreront le climat des affaires de Djibouti, qui est déjà soutenu par un environnement macroéconomique stable, la caisse d’émission, les infrastructures portuaires, et la connectivité au grand marché éthiopien, qui sont tous en adéquation avec la Vision 2035.
« L’équipe de la mission tient à exprimer sa profonde gratitude aux autorités djiboutiennes et aux autres interlocuteurs pour leur chaleureuse hospitalité, leur excellent esprit de coopération et la franchise dont ils ont fait preuve dans les échanges, et se réjouit à la perspective de poursuivre cette étroite collaboration. »
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Djibouti, suivez Africa-Press