Africa-Press – Djibouti. Le développement des énergies renouvelables s’accélère sur le continent, porté par des objectifs de transition énergétique, d’accès universel à l’électricité et de diversification des sources. Cette dynamique s’inscrit dans un contexte mondial marqué par la baisse des coûts technologiques et l’évolution des politiques climatiques.
L’Afrique mise de plus en plus sur les énergies renouvelables pour répondre à ses besoins énergétiques. En 2024, le continent a franchi le cap des 70 GW de capacité installée, selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA). Mais cette montée en puissance repose sur des équipements qu’elle ne fabrique pas localement. Elle dépend entièrement de fournisseurs étrangers pour ses panneaux solaires, onduleurs, batteries de stockage, turbines, mâts, pales, transformateurs et systèmes de pilotage numérique.
D’où viennent ces technologies et qui les fournit à l’Afrique? L’Agence Ecofin tente de répondre à cette question en se concentrant sur quatre technologies clés qui structurent les projets renouvelables déployés sur le continent: le solaire photovoltaïque, l’éolien, le stockage par batteries et les onduleurs. Selon un rapport publié en 2024 par GreenCape, une organisation sud-africaine à but non lucratif qui agit comme catalyseur du développement de l’économie verte en Afrique, ces équipements représentent de loin les principales catégories de composants importés pour les grands projets d’énergies renouvelables en Afrique, qu’ils soient raccordés au réseau ou conçus pour des systèmes autonomes.
La Chine conserve l’essentiel du marché du solaire photovoltaïque
Le solaire est aujourd’hui la première source d’énergie renouvelable déployée en Afrique. Mais cette croissance repose sur une technologie entièrement importée. En 2023, entre 85 et 90 % des modules photovoltaïques installés en Afrique provenaient de Chine, selon le rapport « Renewable Power Generation Costs in 2024 » de l’IRENA.
Les fabricants LONGi, JA Solar, Trina Solar et Jinko Solar dominent le marché, portés par des capacités industrielles massives et des prix très compétitifs. La société Canadian Solar, bien qu’implantée au Canada, produit en grande majorité en Chine et figure régulièrement parmi les cinq plus gros exportateurs mondiaux.
La majorité des modules livrés au continent sont de type N-type TOPCon, une technologie plus performante en conditions chaudes, largement produite par ces cinq industriels chinois. L’Afrique ne fabrique ni wafers, ni cellules, ni modules complets. Seules quelques unités d’assemblage existent, notamment en Afrique du Sud.
Par ailleurs, l’Inde gagne du terrain dans des pays comme le Kenya ou l’Ouganda, en fournissant des équipements solaires pour des usages domestiques ou ruraux. Quant à l’Union européenne, sa présence commerciale s’est fortement réduite. Elle est passée à moins de 5 % au niveau mondial, selon le rapport « Solar PV Global Supply Chains » de l’Agence internationale de l’énergie (IEA) publié en 2023. Une tendance qui se reflète aussi sur le marché africain où sa diffusion est désormais marginale.
Le marché de l’éolien entre dominations européennes et percée chinoise
Contrairement au solaire photovoltaïque, le marché éolien africain est dominé par les fabricants européens. En 2024, selon Wood Mackenzie et le Global Wind Energy Council, les fabricants européens restaient majoritaires hors Chine dans les installations éoliennes. Des compagnies comme Vestas ayant installé plus de 10 GW sur les marchés internationaux, suivi par Siemens Gamesa et Nordex.
En Afrique, où les données sont moins détaillées, ces trois acteurs se positionnent néanmoins comme les fournisseurs dominants des principaux parcs d’Afrique du Nord (Maroc, Égypte) et d’Afrique du Sud, d’après plusieurs bilans de projets récents publiés entre 2022 et 2024.
Mais la Chine gagne du terrain. Selon l’IRENA, des fabricants comme Goldwind et Mingyang ont livré plusieurs projets récents au Kenya et en Égypte, soutenus par des financements chinois.
En dehors de quelques opérations d’assemblage de mâts ou de fondations en Afrique du Sud, les composants majeurs — pales, nacelles, générateurs et convertisseurs — restent intégralement importés.
Stockage d’énergie: un marché verrouillé par la Chine et la Corée
En 2024, les entreprises asiatiques ont fourni plus de 95 % des systèmes de stockage déployés sur le continent. Contemporary Amperex Technology Co. Limited (CATL) domine le marché avec environ 45 % de part de marché, suivi par LG Energy Solution (25 %), BYD (15 %), Samsung SDI et Panasonic se partageant la quasi-totalité du reste.
Ces batteries sont intégrées par des acteurs comme Bboxx, d.light ou PowerGen, dans des projets allant des mini-réseaux aux installations domestiques.
La forte baisse des coûts estimés à 192 USD/kWh en 2024 selon l’IRENA stimule leur adoption, mais n’a pas encore permis l’émergence d’un tissu industriel local. Si le stockage par batteries est devenu un maillon stratégique pour stabiliser les systèmes solaires, hybrides et hors réseau, en Afrique, aucune batterie lithium-ion n’est produite localement. Les composants critiques sont intégralement importés.
Onduleurs: un marché techniquement dominé par la Chine
L’onduleur, qui convertit le courant continu des panneaux solaires en courant alternatif, est un composant indispensable. En Afrique, ce marché est intégralement dépendant des importations, avec une nette domination des fournisseurs asiatiques.
Huawei et Sungrow, deux fabricants chinois, représentent ensemble environ 55 % du marché mondial — Huawei détenant 29 %, Sungrow 26 % — selon Wood Mackenzie. Bien que ces chiffres soient globaux, ils reflètent leur avance dans les marchés émergents, notamment en Afrique, où leurs onduleurs sont massivement déployés dans les grands projets solaires.
Growatt, également chinois, progresse dans les segments résidentiels et hors réseau, en particulier pour les kits solaires domestiques.
Les fabricants européens, notamment SMA (Allemagne) et Fronius (Autriche), ont vu leur part de marché chuter à 5 à 7 % au niveau mondial, et leur présence africaine est désormais marginale, cantonnée à des projets cofinancés ou à forte exigence technique.
À ce jour, aucune unité d’assemblage d’onduleurs n’est opérationnelle à l’échelle industrielle en Afrique. Les composants critiques — électroniques de puissance, logiciels de commande, convertisseurs — sont systématiquement importés. Ce verrou technologique freine le développement de capacités locales et prolonge la dépendance du continent.
L’enjeu d’une base technologique locale en Afrique
Alors que le continent cherche à sécuriser son accès à l’énergie dans un contexte où 600 millions de personnes n’y ont pas encore accès, la maîtrise des technologies devient un enjeu clé. Sans efforts pour développer une base industrielle locale, l’Afrique restera dépendante pour les équipements comme elle l’a été historiquement pour les hydrocarbures raffinés.
L’IRENA alerte depuis plus d’une décennie sur la nécessité d’un tissu industriel africain en matière de renouvelable. Dès 2011, elle recommandait de miser sur la fabrication locale de composants solaires et éoliens pour réduire les coûts, créer des emplois et améliorer la balance commerciale. Dans ses travaux récents, notamment avec RES4Africa (Renewable Energy Solutions for Africa), elle plaide pour des politiques de contenu local afin de tirer des bénéfices durables de la transition énergétique.
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