Maher Hajbi – envoyé spécial à Barcelone
Africa-Press – Djibouti. Il a plutôt pour habitude de parcourir l’Afrique afin de développer les services financiers sur mobiles de MTN. Mais cette fois, c’est depuis Barcelone que Serigne Dioum, directeur général de MTN Group Fintech, a porté haut et fort la voix du mobile money à l’international. En marge du Mobile World Congress (MWC), le grand raout mondial de la tech et des télécoms qui s’est tenu début mars, le Sénégalais a enchaîné conférences, rendez-vous et réunions à huis clos avec les professionnels du secteur.
« Incontournable », « inspirant »… Au centre de conférences barcelonais Fira Gran Via, les superlatifs pleuvent lorsqu’il s’agit d’évoquer le premier Africain francophone à avoir intégré le comité de direction du mastodonte sud-africain des télécommunications. « Serigne a fait de MTN MoMo un business à part entière et détient, avec ses équipes, la plus importante base clients sur le continent », souligne Erwan Gelebart, le responsable Open Innovation et fintech du concurrent Axian Telecom.
Un rêve éveillé
Figure centrale du groupe MTN et du mobile money en Afrique, Serigne Dioum doit son ascension fulgurante à « son immense ambition, son perfectionnisme et son attention portée aux détails », glisse un ancien collègue. Son credo ? « Travailler comme si on n’allait jamais mourir », explique à Jeune Afrique le directeur général de MTN Fintech, révélant son attachement à cette doctrine prônée par la confrérie mouride et aux valeurs – dont l’humilité et le dévouement au travail bien fait – inculquées par ses parents.
Diplômé de Télécom Bretagne, cet ingénieur fait ses premiers pas professionnels en France, au sein du cabinet de conseil Siticom (1999-2002). Il dirige ensuite le développement commercial de la filiale multimédia de Sonatel (2002-2004) au Sénégal, puis démarre sa grande aventure panafricaine au Mali (2004-2009) pour le compte du géant français Orange avant de rejoindre MTN en 2009 où, au fil des années, il conquiert sa place au sommet.
Travailler comme si on n’allait jamais mourir.
« Mon passage à Sonatel m’a rouvert la porte du continent, et mon expérience au Mali m’a accordé l’opportunité de travailler sur le mobile money », rembobine, reconnaissant, Serigne Dioum. À 51 ans, le patron de la branche fintech de MTN depuis le 1er janvier 2023, confie vivre un rêve éveillé, celui de « développer des produits et services financiers mobiles pour les Africains et de laisser une trace dans l’ensemble des pays où MTN est actif ».
Sous sa direction, MTN Fintech a diversifié son offre, allant des solutions de transfert d’argent, de paiement de facture à l’achat de biens et services dans des boutiques physiques ou en ligne. Avec plus de 61,5 millions de clients actifs (+5,7 %) dans 16 pays du continent – devant Orange et ses 40 millions de clients Orange Money – MTN Fintech a également musclé son application historique, MTN MoMo, avec des services de transferts d’argent internationaux, de microcrédits, d’épargne ou encore d’assurance en partenariat avec le poids lourd panafricain Sanlam.
Une valorisation à 5,2 milliards de dollars
Petit à petit, MTN Fintech, aujourd’hui valorisée à 5,2 milliards de dollars, se rapproche de son idéal: devenir une plateforme multiservices avec des outils financiers diversifiés et des transactions sécurisées. Au troisième trimestre 2024, l’entité des services financiers sur mobile a enregistré 14,9 milliards de transactions (+17,4 %), dont la valeur a atteint 229,2 milliards de dollars (+27,1 %). Elle génère par ailleurs des revenus supérieurs à 1 milliard de dollars.
Toutefois, malgré des résultats « solides » et de « fortes performances » au Ghana, en Ouganda, au Rwanda et au Cameroun, MTN Fintech reste loin des 100 millions d’utilisateurs actifs et des 750 milliards de dollars en valeur de transactions envisagés dans le plan « Ambition 2025 ». Pas de quoi décourager Serigne Dioum dans sa quête de faire de l’entreprise « la plus grande plateforme de paiements et de commerce électronique en Afrique » pour répondre à la nouvelle stratégie du groupe à venir.
MTN s’apprête ainsi à déployer une nouvelle version de son application avec des services plus adaptés aux clients africains. « La nouvelle version de MoMo a déjà été lancée en Côte d’Ivoire et au Ghana, et elle sera disponible dans tous nos pays d’ici la fin de l’année », précise Serigne Dioum. S’il nourrit l’ambition de conquérir de nouveaux marchés, le Sénégalais préfère, dans un premier temps, continuer de renforcer les marchés où est implanté MTN – particulièrement le Nigeria.
Ralph Mupita est un dirigeant hors pair. Son deuxième mandat à la direction générale confirme la confiance des actionnaires en ses capacités à transformer le groupe.
Pourra-t-il cependant bousculer la très développée scène fintech de Lagos ? Le patron de MTN Fintech – qui compte MasterCard parmi ses investisseurs – y croit pour plusieurs raisons: « Nous disposons d’un potentiel énorme, d’une marque forte et appréciée des Nigérians, et d’une base de clients très importante au niveau du groupe MTN », soutient Serigne Dioum, lequel tient à rappeler que les autres marchés sont tout aussi prioritaires tant ils regorgent d’opportunités encore inexploitées.
La confiance de Ralph Mupita
Gardien du temple des services financiers mobiles du groupe panafricain, l’ingénieur en télécommunications veut continuer dans « le bateau MTN », dirigé pour les cinq prochaines années par le capitaine Ralph Mupita. « Il est un dirigeant hors pair, qui a contribué à développer MTN lors des cinq dernières années. Et son deuxième mandat à la direction générale confirme la confiance des actionnaires en ses capacités à transformer le groupe », souligne Serigne Dioum.
En parallèle du partage du groupe en cinq grandes activités chapeautées par un holding, Ralph Mupita a fortement œuvré au renforcement de la gouvernance de MTN Fintech et de ses filiales avec la mise en place d’un comité d’administration et la nomination d’administrateurs indépendants. « Ces réformes ont permis d’améliorer l’agilité de l’entité fintech, d’accélérer l’implémentation de notre stratégie et de renforcer notre collaboration avec les banques centrales », précise Serigne Dioum.
Peu encline à solliciter des licences bancaires auprès des régulateurs, MTN Fintech aspire plutôt à se positionner comme la plateforme des services financiers ouverte aux partenaires pour se connecter et tirer bénéfice de ses clients. Un nouveau cap est par ailleurs fixé pour 2030: faire de MTN MoMo l’une des dix meilleures fintechs au niveau mondial.
Source: JeuneAfrique
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Djibouti, suivez Africa-Press