Fiacre E. Kakpo
|
Edité par M.F. Vahid Codjia
Africa-Press – Djibouti. Le nouveau président d’Afreximbank veut ouvrir la réflexion sur la création d’une monnaie numérique africaine, un projet susceptible de réduire la dépendance au dollar et de réinventer le commerce entre pays du continent.
Le nouveau président d’Afreximbank, George Elombi (photo), a appelé samedi 25 octobre 2025, lors de son discours d’investiture au Nouveau Caire, à « explorer la création d’une monnaie numérique africaine », afin de faciliter les paiements transfrontaliers et d’accélérer l’intégration économique du continent.
« Nous devons désormais envisager la création d’une monnaie digitale africaine », a-t-il déclaré en anglais, promettant d’en faire un chantier prioritaire aux côtés des infrastructures de paiement et de l’intelligence artificielle (IA).
Cette piste s’inscrit dans la stratégie de la banque panafricaine pour réduire les coûts et délais de transaction qui freinent encore le commerce intra-africain, et pour soutenir l’Accord de libre-échange continental (Zlecaf).
Afreximbank a déjà déployé le système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS) — qui, à ce jour, a permis de réduire de plus de 7 % les coûts des transactions transfrontalières intra-africaines et d’offrir jusqu’à 27 % d’économies aux utilisateurs finaux, tout en aidant les banques à multiplier par plus de dix (plus de 1000 %) les volumes traités via leurs plateformes digitales. Le réseau PAPSS connecte désormais 18 pays dans quatre régions africaines, plus de 150 banques commerciales et 14 commutateurs — et la banque entend « investir dans l’infrastructure numérique, les plateformes d’e-commerce et les solutions de paiement » pour créer un « écosystème digital intégré », a précisé M. Elombi.
Dans la continuité du PAPSS, Afreximbank pose déjà les jalons d’un écosystème monétaire intégré. Le Pan-African Currency Marketplace (PACM), lancé en 2024 avec le PAPSS et la fintech Interstellar (groupe Stellar), est une plateforme numérique de change intra-africain. Elle permet aux banques, entreprises et institutions financières d’acheter et de vendre des devises locales entre elles, sans passer par le dollar, l’euro ou la livre sterling…
Selon plusieurs connaisseurs du dossier, bien que le PACM ne soit pas une monnaie numérique à proprement parler, il pourrait en constituer l’infrastructure préparatoire. Car il permet de créer un espace de confiance et de taux de change dynamiques entre devises africaines, tout en numérisant les flux de change et la compensation régionale. « Il pourrait, à terme, servir de socle à une future monnaie digitale africaine ou à un actif de règlement commun », explique un expert présent au Nouveau Caire.
Le nouveau patron d’Afreximbank n’a pas détaillé l’architecture technique envisagée pour la nouvelle monnaie — instrument de règlement régional, jeton multi-devises ou projet adossé à des banques centrales — mais a souligné la nécessité d’associer les institutions continentales et régionales. L’objectif est de sécuriser et tracer les flux, d’inclure davantage les PME et de renforcer la souveraineté financière.
Mais si le projet paraît ambitieux, il s’inscrit dans une série d’initiatives panafricaines inachevées. Prévue dès le Traité d’Abuja de 1991, la monnaie unique africaine n’a jamais vu le jour. Les projets régionaux, comme l’ECO en Afrique de l’Ouest ou la monnaie commune de l’EAC désormais repoussée à 2031, peinent aussi à aboutir. Fragmentation réglementaire, régimes de change multiples et réticences souverainistes freinent une intégration monétaire encore largement déclarative.
Au-delà du numérique, M. Elombi a fixé trois autres priorités: la transformation locale des matières premières: « stopper l’exportation de ressources à l’état brut », l’approfondissement de l’intégration régionale (libre circulation des biens, des capitaux… et des personnes) et l’accélération des investissements dans les infrastructures (énergie, routes, ports, rails) connectant les marchés africains.
Le président a enfin évoqué l’ambition de porter le total de bilan d’Afreximbank à long terme à des niveaux nettement supérieurs, en mobilisant des capitaux publics et privés, y compris ceux de la diaspora, au service de « l’industrialisation et de la création de valeur » sur le continent.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Djibouti, suivez Africa-Press





