La ZLECAf peut transformer l’Afrique en acteur clé du commerce mondial – CNUCED

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La ZLECAf peut transformer l'Afrique en acteur clé du commerce mondial – CNUCED
La ZLECAf peut transformer l'Afrique en acteur clé du commerce mondial – CNUCED

Propos recueillis par Moutiou Adjibi Nourou

Africa-Press – Djibouti. La ZLECAf, lancée en 2018, représente un marché de 1,3 milliard de consommateurs et un PIB combiné de 3400 milliards USD. Elle pourrait accroître le commerce intra-africain de 53%, sortir 50 millions d’Africains de la pauvreté et générer 14 millions d’emplois. Pour la CNUCED, c’est un levier clé pour transformer l’économie du continent.

L’Afrique a les atouts pour devenir un acteur clé du commerce mondial et un moteur de la croissance économique globale. C’est la conclusion du « Rapport 2024 sur le développement économique en Afrique », dévoilé par la Secrétaire générale de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), Rebeca Grynspan, et le ministre ivoirien du Commerce, Souleymane Diarrassouba, le lundi 10 février 2025 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Ce rapport met en avant les réformes et investissements nécessaires pour renforcer la résilience du continent face aux crises mondiales et exploiter son plein potentiel économique.

« L’Afrique est confrontée à des obstacles majeurs, notamment la volatilité des marchés mondiaux, les coûts élevés de la dette et des déficits criants en infrastructures », a déclaré Rebeca Grynspan. Cependant, ces défis pourraient devenir des opportunités grâce à la mise en œuvre intégrale de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et à des politiques audacieuses visant à renforcer la compétitivité. Adoptée le 21 mars 2018 à Kigali (Rwanda), cette zone vise à créer un marché continental unique regroupant 1,3 milliard de consommateurs pour un PIB cumulé de 3 400 milliards de dollars.

Dans un contexte où près de la moitié des pays africains dépendent du pétrole, du gaz ou des minéraux pour au moins 60 % de leurs recettes d’exportation, les rendant vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux, la ZLECAf ambitionne de stimuler le commerce intra-africain de 53 % et d’ajouter 1 000 milliards de dollars de valeur au secteur industriel. Pour ce faire, elle doit permettre de diversifier les exportations tout en facilitant la stabilisation des revenus et l’atténuation des risques. Par ailleurs, les infrastructures limitées dans les transports, l’énergie et les TIC augmentent les coûts commerciaux de 50 % par rapport à la moyenne mondiale. Un facteur expliquant entre autres le faible taux du commerce intra-africain qui ne représente que 16 % des exportations globales.

Pour la CNUCED, investir dans la logistique et la connectivité numérique devient donc essentiel pour améliorer la compétitivité, notamment pour les pays enclavés. Ces investissements pourraient permettre à la ZLECAf d’atteindre ses objectifs, notamment de sortir 50 millions d’Africains de la pauvreté et de générer 14 millions d’emplois.

Le rapport propose des solutions concrètes, comme des incitations fiscales, des prêts à taux réduit pour soutenir l’industrialisation, ou encore des fonds régionaux pour gérer les risques commerciaux. Avec des politiques adaptées, l’Afrique pourrait réduire sa dépendance aux marchés extérieurs, renforcer sa résilience économique et générer une croissance inclusive. Les réformes audacieuses, les collaborations régionales et les investissements stratégiques seront déterminants pour transformer les vulnérabilités actuelles en opportunités durables.

Notons que dans ce processus, le développement des petites et moyennes entreprises (PME) dans une perspective d’émergence de champions locaux sera crucial pour le potentiel commercial de l’Afrique. Les PME emploient 80 % de la main-d’œuvre africaine, mais restent confrontées à de nombreux défis, notamment un accès restreint au financement et la volatilité des devises. Pour la CNUCED, l’expansion des outils de gestion des risques et le renforcement des chaînes d’approvisionnement régionales pourraient être des leviers majeurs pour accroître leur résilience.

Entretien avec Paul Akinwumi, Directeur de la Division de l’Afrique de la CNUCED en marge de la cérémonie de lancement du rapport

Agence Ecofin: Le rapport met en évidence la vulnérabilité de l’Afrique face à de multiples chocs. Quelles stratégies concrètes recommandez-vous pour renforcer la résilience des pays africains face à ces crises systémiques ?

Paul Akinwumi: Eh bien, je pense que la chose la plus importante est qu’ils doivent avancer très rapidement dans la mise en œuvre de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine). Cela signifie qu’ils doivent avoir des stratégies nationales en place pour la mise en œuvre de la ZLECAf. Ils doivent également adopter des politiques nationales permettant de mettre en œuvre la ZLECAf. C’est crucial pour les aider à gérer ces chocs.

Les pays africains doivent adopter des politiques nationales permettant de mettre en œuvre la ZLECAf. C’est crucial pour les aider à gérer ces chocs.

AE: Comment les gouvernements africains peuvent-ils concilier le besoin de croissance économique avec les contraintes budgétaires croissantes dues à la dette et à la faiblesse de la mobilisation des ressources internes ?

PA: Eh bien, c’est toujours un défi. Mais il est important de reconnaître que, lorsqu’on établit des priorités, il faut s’assurer qu’une partie des fonds est investie dans le secteur productif du développement, plutôt que simplement dans la consommation. Et c’est un équilibre très délicat, surtout avec les dettes à rembourser, comme vous l’avez mentionné. Mais si vous ne produisez pas de biens et de services, comment pouvez-vous générer des revenus pour rembourser vos dettes ? Vous devez donc investir dans les capacités productives et le secteur productif de votre pays.

Si vous ne produisez pas de biens et de services, comment pouvez-vous générer des revenus pour rembourser vos dettes ? Vous devez donc investir dans les capacités productives de votre pays.

AE: Le rapport prévoit une augmentation de 53 % du commerce intra-africain grâce à la ZLECAf. À votre avis, quels sont les principaux obstacles politiques ou institutionnels qui pourraient freiner ce progrès ?

PA: Je ne pense pas que le processus puisse être ralenti. Je pense qu’il progresse rapidement. Il y a une volonté politique et les choses avancent. Je pense que beaucoup de gens ne sont peut-être pas informés de ce qui se passe. Le secteur privé doit bien comprendre, partout en Afrique, comment cela fonctionne pour pouvoir en tirer parti. C’est un point essentiel. Il faut donc communiquer efficacement avec le secteur privé pour qu’il puisse s’impliquer.

AE: Il existe une question sensible concernant le déficit en infrastructures en Afrique, identifié comme un obstacle majeur au commerce intra-africain. Quels mécanismes de financement innovants la CNUCED recommande-t-elle pour combler cet écart ?

PA: Comme l’a mentionné la Secrétaire générale, il faut des banques multilatérales de développement, le secteur privé et les gouvernements. Il faut des projets de partenariat public-privé (PPP). Parce que les infrastructures coûtent très cher, et il y a beaucoup de projets à réaliser. Mais les infrastructures doivent être liées aux activités économiques. Elles ne doivent pas être développées pour le simple fait d’avoir des infrastructures. C’est donc la clé de la solution.

Les infrastructures doivent être liées aux activités économiques. Elles ne doivent pas être développées pour le simple fait d’avoir des infrastructures

AE: Face aux défis croissants du changement climatique, comment intégrer l’impératif de durabilité environnementale dans les stratégies de développement économique proposées ?

PA: Eh bien, c’est une question très complexe. Je ne peux pas y répondre en quelques mots. Mais la durabilité est essentielle. Quels que soient les stratégies et les plans de développement, ils doivent intégrer un aspect de durabilité. En ce qui concerne l’énergie, l’Afrique a la chance que la majorité de son énergie soit renouvelable. Elle dispose d’énergie hydroélectrique, solaire… Oui, il y a un peu de charbon, mais l’essentiel est hydroélectrique, donc cela ne pollue pas autant. Mais la durabilité ne doit jamais être considérée comme un obstacle ou un ajout tardif. Elle doit faire partie intégrante du développement.

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