Naissance de L’Éducation à Obock en 1884

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Naissance de L'Éducation à Obock en 1884
Naissance de L'Éducation à Obock en 1884

Africa-Press – Djibouti. Au milieu du XIXe siècle, la France cherche à étendre son influence en Afrique de l’Est, notamment pour sécuriser des routes commerciales vers l’Asie et contrer l’expansion britannique. Obock devient le premier comptoir français dans la région. Juste après leur arrivée en 1862, les colons français y établissent leurs premières infrastructures, dont une école primaire en 1884. Cet établissement, modeste mais symbolique, marque le début de l’éducation occidentale dans la région.
Circonstances de l’Arrivée Française à Obock

L’intérêt français pour Obock naît dans un contexte géopolitique tendu. En 1859, Ferdinand de Lesseps obtient la concession pour creuser le canal de Suez, reliant la Méditerranée à la mer Rouge. Pour protéger cette voie stratégique, la France cherche un point d’appui en Afrique de l’Est. Obock, avec son port naturel abrité et son accès à l’arrière-pays somali, est choisi en 1862 par le négociant Henri Lambert, qui y fonde un comptoir commercial sous protection française.

Les motivations sont doubles: D’une part, Obock sert de base pour surveiller les activités britanniques à Aden et assurer la sécurité du canal (ouvert en 1869). D’autre part, le commerce de l’ivoire, des peaux et du café avec l’Éthiopie voisine est prometteur. En 1884, Obock devient officiellement un protectorat français, marquant le début de la Côte française des Somalis (ancêtre de Djibouti).

La création de la toute première école à Obock

L’école primaire française d’Obock, ouverte officiellement en 1884, s’inscrit dans la politique coloniale d’assimilation culturelle. Il s’agit « d’éduquer » les enfants locaux en introduire la langue française, les valeurs républicaines et l’éducation occidentale pour former une élite loyale à la France. En même temps, il faut fournir une éducation aux familles européennes et métisses, souvent isolées dans ce poste avancé. Mais surtout la mission de l’école est de « promouvoir la civilisation »: Comme dans d’autres colonies, l’école est vue comme un outil de “mission civilisatrice”, visant à alphabétiser et moderniser la population.

Cette initiative reflète la doctrine de Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, qui rend l’école gratuite et obligatoire en France métropolitaine en 1882, et l’étend aux colonies pour diffuser la culture française. L’école se veut ouverte à tous dans un contexte marqué par l’abolition définitive de l’esclavage dans toutes les colonies et possessions françaises (l’esclavage a été définitivement aboli en France en 1848).

Léonce Lagarde, premier commandant d’Obock, voyait également l’éducation comme un outil pour intégrer la population locale et renforcer l’influence française. Le jeune administrateur a alors négocié avec les autorités locales et obtenu des fonds limités du gouvernement français pour construire un bâtiment scolaire rudimentaire et recruter des enseignants. Il a également encouragé la participation des habitants d’Obock, en promouvant l’éducation comme moyen d’amélioration sociale. Lagarde voyait l’école comme un pilier de la colonisation pacifique, contrastant avec les approches plus militaires ailleurs. Il misait beaucoup sur l’importance de l’éducation pour prévenir les conflits et favoriser l’assimilation.

Caractéristiques de l’école

Des frères missionnaires de l’Ordre des Frères Capucins rejoints ensuite par les Sœurs Franciscaines de Calais (1888) se sont beaucoup investis à mettre en place les premières structures scolaires à Obock (et plus tard à Djibouti ville). L’école est rudimentaire, installée dans un bâtiment colonial simple, avec des ressources limitées. Au départ, environ 10 à 15 enfants, mélange d’enfants français (colons et fonctionnaires) et locaux (issus de familles somalies ou afar). Ce chiffre reste modeste en raison de la petite population d’Obock (quelques centaines d’habitants à l’époque). L’instituteur est français, souvent un fonctionnaire colonial ou un(e) missionnaire catholique. Le premier enseignant connu est un certain M. Dubois, un éducateur envoyé par l’administration coloniale pour dispenser un enseignement primaire en français, incluant la lecture, l’écriture et des notions de géographie.

Les cours sont dispensés en français, avec une emphase sur l’histoire et la culture française, bien que l’arabe et les langues locales soient parfois utilisées pour faciliter l’apprentissage.D’après les archives historiques et les récits de l’époque (notamment les rapports des missionnaires et les documents coloniaux français), l’enseignement était élémentaire et axé sur les besoins de la société coloniale. Voici les matières principales dispensées, basées sur les programmes éducatifs français de l’époque adaptés aux colonies:Langue française, arithmétique et calcul (Notions de base en mathématiques, essentielles pour le commerce et les métiers locaux), catéchisme et religion chrétienne, histoire et géographie (rudiments d’histoire de France et de géographie mondiale, souvent centrés sur l’empire colonial français), éducation civique et morale (Principes de citoyenneté française, hygiène et bonnes manières, pour intégrer les populations locales).

L’école était gratuite, mais l’assiduité était faible en raison des conditions économiques et culturelles.

Difficultés rencontrées par les colons à Obock

Obock est un environnement hostile, ce qui complique la vie coloniale et l’établissement de l’école. La Chaleur est accablante (jusqu’à 50°C), sécheresse et vents violents rendent la vie quotidienne pénible. Les colons souffrent de déshydratation et de maladies tropicales comme la malaria et la dysenterie. Les populations afar et somalies, nomades et indépendantes, résistent aussi à l’occupation. Des conflits armés éclatent, comme les révoltes de 1885-1886, forçant les Français à renforcer leur présence militaire.

L’isolement géographique limite l’approvisionnement en eau, nourriture et matériel scolaire. Les enseignants doivent improviser avec des moyens rudimentaires, et le taux d’abandon scolaire est élevé en raison des migrations saisonnières des familles locales. Et surtout, le comptoir peine à être rentable, avec des pertes financières initiales, ce qui retarde les investissements éducatifs.

Ces défis contribuent à une mortalité élevée parmi les colons (environ 20-30% meurent des fièvres dans les premières années), rendant l’école un symbole fragile de la présence française.

Impact de l’école sur la population

Malgré ses modestes débuts, l’école d’Obock a un impact durable sur la région. Elle initie des générations à la langue française, facilitant l’administration coloniale et l’accès à des emplois dans l’appareil étatique. Aujourd’hui, le français reste une langue officielle à Djibouti.Elle promeut également l’éducation des filles (bien que limitée au départ) et introduit des concepts comme l’hygiène et la citoyenneté républicaine, influençant les normes sociales.Si elle diffuse la culture française, elle suscite aussi des tensions, avec une préservation des langues et traditions locales. Cette première école pave la voie à un réseau éducatif plus large, contribuant à l’augmentation du taux d’alphabétisation. Elle symbolise les ambivalences de la colonisation: progrès éducatif mêlé à l’exploitation. La première école d’Obock incarne donc les ambitions et les épreuves de la présence française à Djibouti. Bien que petite, elle a posé les bases d’une éducation moderne, laissant un legs complexe dans l’histoire de Djibouti.

Le déplacement des Français vers Djibouti et l’impact sur l’éducation à Obock

Les Français, pour des raisons stratégiques (accès à la mer Rouge et au canal de Suez), ont transféré leur capitale vers Djibouti en 1888. Ce choix s’explique par le port naturel plus profond et protégé de Djibouti, offrant de meilleures conditions pour le commerce, la navigation et la présence militaire, contrairement à Obock, jugé inadapté en raison de son climat aride et de ses eaux peu profondes.Ce transfert de la capitale française d’Obock à Djibouti en 1888 a eu un effet négatif direct sur la première école établie à Obock. Avec le départ des administrateurs, enseignants et ressources vers Djibouti, l’école a été progressivement abandonnée, faute de financement. Cela a entraîné une interruption des services éducatifs locaux, limitant l’accès à l’éducation pour les habitants restants, qui ont dû se tourner vers des alternatives informelles ou migrer vers Djibouti pour bénéficier des nouvelles infrastructures scolaires. Ce déclin a contribué à l’isolement éducatif et économique d’Obock, exacerbant son recul démographique et administratif.

Abdallah Hersi

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