
Aurélie M’Bida
Africa-Press – Djibouti. C’était un engagement pris de longue date: mener à bien la cession du « paquebot » Oragroup, holding bancaire du réseau Orabank, présent dans douze pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Mais, depuis l’échec du premier processus de cession du groupe bancaire panafricain, entamé en 2018 – dix ans après que le fonds Emerging Capital Partners (ECP) entre au capital et réorganise la banque de la cave au grenier –, les allers-retours de procédures réglementaires et autres recherches d’acquéreurs auront eu raison de l’optimisme du financier chevronné qui était jusque-là son président, Vincent Le Guennou.
D’autant qu’en 2021, le gestionnaire de fonds panafricain, cofondé par Le Guennou avec les Américains Hurley Doddy et Carolyn Campbell, devait cesser ses activités, après 30 ans de capital-investissement en Afrique. Son dernier véhicule, ECP Africa Fund IV, arrivant en fin de vie en 2025, et le précédent (ECP Africa Fund III) n’attendant que le bouclage définitif de la cession d’Oragroup pour solder les comptes.
Acheteurs retoqués
Seulement, le groupe bancaire, qui a enregistré une perte de plus de 18 milliards de F CFA en 2023, après des bénéfices de 19 milliards l’année précédente, s’est révélé difficile à vendre. Or, arrivé à maturité en 2019, l’investissement dans Oragroup d’ECP et des ses partenaires institutionnels, aurait dû aboutir à une cession depuis cinq ans.
En novembre 2019 d’abord, le gestionnaire de fonds panafricain annonçait officiellement avoir conclu un accord avec l’institution ivoirienne de retraite et de prévoyance IPS CGRAE pour la cession partielle de sa participation dans Oragroup, dont il détenait quelque 50 % du capital. Cette opération incluait également la cession partielle de leur participation par d’autres actionnaires institutionnels du groupe bancaire panafricain: Proparco, DEG, BIO, BOAD. Au total, la caisse ivoirienne de retraites mettait la main sur 61,45 % d’Oragroup. Toutefois, l’opération devait être retoquée un an plus tard, fin octobre 2020, quand le régulateur régional (la Commission bancaire de l’Union monétaire ouest-africaine) rendait un avis défavorable et renvoyait l’IPS CGRAE revoir sa copie.
Ainsi, en novembre 2020, le vendeur ECP s’est lancé à la recherche d’un nouvel acheteur potentiel. Un long processus qui a suscité l’intérêt de nombreux acquéreurs potentiels, parmi lesquels Sunu, Coris, SBNA, ou encore Vista, en raison du caractère stratégique de la banque. Installée depuis plus de trente-cinq ans dans le paysage bancaire panafricain, Oragroup n’a guère de concurrent en matière d’implantation dans la zone. De fait, seuls quelques groupes africains francophones avaient pris pied dans plus de dix pays du continent, tels Ecobank (le plus étendu, avec 33 pays en Afrique) ou encore BGFIBank du Gabonais Henri-Claude Oyima.
Avec Vista, une nouvelle vente impossible ?
Au terme d’une longue procédure de due diligence et de négociation commerciale, Vincent Le Guennou – qui a pris entre temps les rênes du conseil d’administration d’Oragroup, en tant que représentant du fonds ECP Africa Fund III – et Simon Tiemtoré, président-fondateur du groupe Vista, sont entrés en négociation exclusive en octobre 2022. Dix mois plus tard, l’accord pour la reprise d’Oragroup par le réseau du financier originaire du Burkina Faso est enfin signé, sous réserve de l’aval des autorités de régulation des pays et zones monétaires concernés.
Une nouvelle qui aurait eu de quoi réjouir le capital-investisseur, libéré ainsi de son engagement. Seulement, un an après l’annonce de la signature de l’accord de cession, le feu vert de la Commission bancaire de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) tarde à voir le jour. En coulisses, la santé financière de certaines filiales d’Orabank, mais aussi les difficultés de l’acquéreur à présenter un profil financier adéquat face au risque systémique que représente une telle opération en Afrique de l’Ouest et centrale, sont pointées du doigt par plusieurs de nos sources bien introduites dans le milieu.
Contacté par Jeune Afrique sur ce point, et notamment sur la question de savoir quand la cession devait être définitivement bouclée, Simon Tiemtoré n’était pas revenu vers nous au moment du bouclage de cet article.
Remplacé par Ibrahima Diouf
En attendant, pour Vincent Le Guennou, qui est par ailleurs CEO du Africa50 Infrastructure Acceleration Fund, l’issue est certaine. Ce dernier a « démissionné de son poste d’administrateur, ce qui a eu un impact sur sa fonction de président du conseil d’administration », nous précise Oragroup. Au sein de la banque qui siège à Lomé, il aura eu à son actif, depuis 2008 et la prise de contrôle par ECP, un profond remaniement de l’actionnariat d’Oragroup, avec l’entrée à son tour de table d’actionnaires de référence comme Proparco, BIO, DEG, BOAD ou le Fonds gabonais d’investissements stratégiques. La dimension et le positionnement de la banque en Afrique francophone a également beaucoup évolué, passant de six pays d’implantation à l’arrivée du gestionnaire de fonds à douze aujourd’hui. Lors de la première opération de cession d’Oragroup, son produit net bancaire atteignait près de 127 milliards de F CFA (près de 221 millions d’euros, au cours de l’époque, en 2018), soit une multiplication par douze par rapport à 2008, selon ECP.
L’actionnaire majoritaire sur le départ continue à être représenté « en tant que personne morale » par son représentant permanent, Brice Lodugnon, répond le groupe bancaire. Le financier ivoirien, est managing director chez ECP, spécialiste des infrastructures, de l’énergie et des services financiers.
De son côté, c’est le Sénégalais Ibrahima Diouf, conseiller spécial du président de la BOAD, qui succède à Vincent Le Guennou. Avec plus de trente ans d’expérience dans le secteur bancaire, il a occupé plusieurs postes de direction à la BICIS, CBAO, Citigroup et Barclays Bank Africa. Il était administrateur d’Oragroup depuis trois ans.
Source: JeuneAfrique
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