Commerce intra-africain : l’Afrique centrale peut progresser plus vite que les autres, si les réformes vont au bout

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Commerce intra-africain : l’Afrique centrale peut progresser plus vite que les autres, si les réformes vont au bout
Commerce intra-africain : l’Afrique centrale peut progresser plus vite que les autres, si les réformes vont au bout

Africa-Press – Djibouti. Lorsqu’il est question de commerce intra-africain, les regards se tournent souvent vers l’Afrique de l’Ouest ou du Nord, qui dominent les échanges régionaux en volume. Mais selon le dernier rapport d’Afreximbank sur les perspectives économiques et commerciales de l’Afrique, une autre région, longtemps en retrait, pourrait bientôt surprendre.

D’ici 2028, l’Afrique centrale pourrait afficher la croissance la plus rapide du continent en matière d’échanges commerciaux internes, avec un rythme annuel moyen estimé à 12 %. Ce potentiel dynamisme place la région au premier rang continental en termes de progression, malgré le fait qu’elle parte d’un niveau encore modeste. À titre de comparaison, l’Afrique de l’Ouest enregistrerait une croissance de 6,8 %. L’Afrique du Nord progresserait à un rythme de 5,7 % par an, l’Afrique australe de 3,9 % et l’Afrique de l’Est de 3,6%.

Selon la nouvelle édition de l’African Trade Report d’Afreximbank, les échanges intra-africains de la région devraient passer de 19,4 milliards de dollars en 2024 à près de 31,8 milliards en 2028. D’après le même document, l’Afrique centrale capterait alors 12,2 % de ces échanges intra-africains. Ce chiffre inclut ses échanges avec les autres régions africaines, mais aussi les échanges au sein même de la sous-région.

Le rapport rappelle que les perspectives du commerce africain sont globalement portées par la mise en œuvre de la ZLECAf, la transition énergétique, et la montée en puissance des mécanismes régionaux de paiement. En l’état, la dynamique attendue en Afrique centrale s’inscrit dans cette tendance continentale, sans que des moteurs spécifiques à la région soient explicitement cités.

Une dynamique soutenue par des réformes concrètes

D’autres sources permettent de cerner les conditions dans lesquelles l’Afrique centrale pourrait effectivement soutenir une telle progression. Dans l’édition 2024 de l’African Trade Report, les auteurs indiquaient que la région reste celle au plus faible potentiel d’exportation intra-africaine, du fait de son bas niveau de transformation industrielle. Toutefois, certains produits à forte valeur ajoutée pour les échanges intra-africains — tels que les machines, engrais, équipements ou produits alimentaires — coïncident avec les ambitions de diversification exprimées par plusieurs pays de la sous-région.

Depuis 2019, la CEMAC a recentré son Programme économique régional (PER) autour de onze projets dits intégrateurs.

A cela s’ajoutent plusieurs efforts plus concrets d’intégration physique. Depuis 2019, la CEMAC a recentré son Programme économique régional (PER) autour de onze projets dits intégrateurs, selon une note publiée en 2021 par la Direction générale du Trésor français. Ces projets visent à améliorer la connectivité régionale à travers la construction de routes transfrontalières (comme Libreville–Brazzaville ou le corridor Brazzaville–Bangui–Ndjamena), l’interconnexion des réseaux électriques, le déploiement de la fibre optique ou encore la création de ports secs. L’aménagement du barrage hydroélectrique de Chollet, entre le Cameroun et le Congo, figure également parmi les projets cités. D’un coût total estimé à 4,1 milliards d’euros, ces projets ont fait l’objet de promesses de financement à hauteur de 3,8 milliards d’euros lors d’une table ronde à Paris en 2020, avec le soutien d’institutions comme la BAD, Afreximbank, la BDEAC et la Banque mondiale.

Par ailleurs, il faut également citer les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la ZLECAf. Lors d’une réunion régionale organisée par la Commission économique pour l’Afrique (CEA) à Yaoundé en mars 2025, il a été établi que la majorité des pays d’Afrique centrale ont finalisé « les préalables techniques tels que la notification des offres tarifaires au secrétariat de la ZLECAf », et qu’un pays comme le Cameroun a même déjà inscrit ces offres tarifaires dans son corpus juridique national.

La majorité des pays d’Afrique centrale ont finalisé « les préalables techniques tels que la notification des offres tarifaires au secrétariat de la ZLECAf ». Le Cameroun a même déjà inscrit ces offres tarifaires dans son corpus juridique national.

Si cette rencontre a été l’occasion de rappeler qu’une stratégie régionale de mise en œuvre a déjà été adoptée en 2023, et que les comités nationaux de suivi sont progressivement mis en place dans la région, plusieurs acteurs du secteur privé ont évoqué des challenges communs à ces pays. On retrouve entre autres la nécessité d’accélérer le désenclavement des bassins de production, de stabiliser l’accès à l’énergie, de renforcer la certification des produits et de rendre accessible le système de paiement panafricain PAPSS. « Nous avons noué des partenariats commerciaux avec des entreprises africaines dans le cadre de la ZLECAf. Toutefois, l’Afrique centrale n’a toujours pas adopté le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS) », a commenté Ntap Ekoue, DG de Sweet Choco.

Les différentes initiatives et avancées susmentionnées montrent que l’Afrique centrale n’est pas absente du chantier de l’intégration continentale. Reste à savoir si cette combinaison de réformes institutionnelles, d’investissements logistiques et de coordination régionale suffira à transformer une trajectoire prometteuse en dynamique commerciale réelle.

Pour que cette dynamique se concrétise pleinement, un paramètre supplémentaire devra aussi être pris en compte, en l’occurrence l’amélioration effective de la circulation des personnes et des biens.

Pour que cette dynamique se concrétise pleinement, un paramètre supplémentaire devra aussi être pris en compte, en l’occurrence l’amélioration effective de la circulation des personnes et des biens.

Selon le dernier Classement Intra-Africain des Passeports publié par l’Observatoire africain de la mobilité, l’Afrique centrale demeure l’une des régions les moins avancées du continent en matière de libre circulation. Contrairement à la CEDEAO ou à l’EAC, qui sont citées comme références positives, la CEMAC n’apparaît pas parmi les exemples régionaux les plus ouverts. Aucun pays de la sous-région ne figure parmi les États les plus accessibles aux ressortissants africains, et certains maintiennent encore des politiques migratoires particulièrement restrictives. La région devra non seulement fluidifier la mobilité entre ses États membres, dans la lignée du principe de libre circulation adopté en 2017, mais aussi s’ouvrir davantage aux pays des autres régions pour tirer pleinement parti du marché continental.

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