Africa-Press – Djibouti. Les coucous sont des oiseaux bien connus pour leur stratégie de reproduction parasitaire. Au lieu de construire leur propre nid, les femelles pondent leurs œufs dans les nids d’autres espèces d’oiseaux, laissant à ces dernières la tâche d’incuber les œufs et de nourrir les oisillons une fois éclos. Au fil du temps, chacune des deux espèces s’est adaptée pour déjouer les avancées de l’autre.
Dans une nouvelle étude parue le 30 mai 2024 dans la revue Science, une équipe de chercheurs a étudié le cas de ces coucous. Ils se sont penchés sur la théorie selon laquelle la coévolution pourrait être à l’origine de la formation de millions de nouvelles espèces, apportant des indices concrets pour étayer cette hypothèse.
Afin d’obtenir leurs résultats, ils ont extrait et séquencé l’ADN des coucous à partir de coquilles d’œufs et se sont appuyés sur 20 ans d’études comportementales.
Différentes stratégies, différents degrés de virulence
La stratégie de parasitisme qu’utilisent les coucous intrigue depuis des années, ce qui lui vaut d’avoir été très étudiée. Il existe différents types de parasitisme chez les coucous. Une première stratégie, agressive, consiste à expulser du nid les jeunes oisillons de l’espèce hôte. Pour la seconde stratégie, moins radicale, les coucous laissent les petits de l’hôte dans leur nid et les deux espèces sont élevées par l’hôte en même temps.
Cette différence dans l’agressivité des stratégies influence la façon dont les oiseaux hôtes se défendent. Les oiseaux dont les oisillons sont tués par les coucous développent souvent des moyens de reconnaissance des œufs très efficaces et peuvent alors s’en débarrasser. En revanche, ceux qui sont parasités par les coucous moins agressifs adoptent des stratégies de tolérance, ne cherchant pas forcément à éliminer les œufs étrangers.
Imiter le mieux possible la progéniture de l’espèce parasitée
Afin de camoufler leur progéniture parmi les œufs de l’espèce parasitée, les coucous imitent dans un premier temps la couleur des coquilles de l’hôte à l’aide d’un gène spécifique que seule la femelle porte.
Mais une fois l’éclosion terminée, les petits doivent encore se fondre dans le décor. « Seuls les coucous qui ressemblent le plus aux oisillons de l’hôte ont une chance d’échapper à la détection, de sorte qu’au fil des générations, les oisillons du coucou ont évolué pour imiter les petits de l’hôte », a déclaré l’auteure principale de l’étude, le professeur Naomi Langmore de l’Australian National University dans un communiqué de presse. À la différence du gène colorant les œufs, les gènes permettant à un oisillon d’imiter la couleur de ceux de l’hôte ne dépendent pas du sexe. Ces traits, comme la couleur des plumes, la peau et les ailes, ainsi que les cris, sont donc hérités des deux parents et transmis à tous les descendants.
Ainsi, un accouplement entre mâles et femelles qui parasitent tous les deux la même espèce d’oiseau renforcerait leur adaptation à celui-ci, car ils seraient mieux à même de tromper ses défenses. Afin d’arriver à se retrouver, les coucous mâles et femelles parasitant la même espèce ont une technique que les chercheurs dévoilent dans l’étude. Les mâles imitent les chants des hôtes et les femelles utilisent ces chants pour choisir un partenaire et un nid d’hôte à parasiter, ce qui permet un isolement reproductif. Cet accouplement entre coucous « spécialisés » dans la tromperie d’une même espèce pourrait mener à l’émergence de nouvelles espèces.
La spéciation est plus forte chez les coucous virulents
La spéciation, phénomène qui désigne la création d’une nouvelle espèce, est plus importante chez les coucous qui perturbent le plus les hôtes. Comme l’expliquent les chercheurs, cela est cohérent avec des recherches antérieures montrant que ces coucous comportent le plus de sous-espèces connues. En effet, plus les espèces seront rivales et essayeront de devancer l’autre, plus elles devront développer de nouvelles techniques, pouvant entraîner la création de nouvelles espèces ou sinon, d’une plus grande diversité au sein de la même espèce.
Les chercheurs rapportent par exemple dans l’étude un cas de divergence morphologique d’une même espèce de coucou, uniquement influencée par le choix de l’espèce hôte. Les coucous menus élevés par des gérygones enchanteresses ont tous une peau pâle et une collerette jaune. En revanche, les coucous menus élevés par des gérygones à bec fort ont une peau sombre et une collerette blanche ressemblant à celles des oisillons de gérygone à bec fort. Les chercheurs ont adopté une approche génétique moléculaire de ces oisillons et ont démontré une divergence génétique au sein de la même espèce de coucou induite par le choix de l’hôte.
« Cette nouvelle découverte passionnante pourrait s’appliquer à toutes les espèces qui s’affrontent par paires », a déclaré le professeur Kilner, du département de zoologie de l’université de Cambridge (Grande-Bretagne), coauteur du rapport. « Comme nous l’avons vu avec le coucou, la course aux armements coévolutive pourrait entraîner l’émergence de nouvelles espèces et accroître la biodiversité sur notre planète. »
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