Africa-Press – Djibouti. Bouger aide à mieux se souvenir, mais aussi à mieux oublier De nombreuses études ont montré par le passé les effets bénéfiques de l’activité physique sur la mémoire. Une nouvelle recherche réalisée sur des souris vient ajouter un élément essentiel: faire du sport permettrait aussi d’oublier certains souvenirs traumatiques, ouvrant la porte à de nouveaux traitements contre le trouble de stress post-traumatique (TSPT, ou PTSD en anglais).
Ce trouble psychiatrique survient après avoir été victime ou témoin d’un évènement traumatisant, et il devient chronique dans environ 20% des cas (selon l’Inserm), forçant ces personnes à revivre sans cesse le traumatisme. Cette découverte, réalisée par des chercheurs de l’Université Kyushu au Japon, a été publiée le 8 mai 2024 dans la revue Molecular Psychiatry.
La répétition de l’évènement traumatique renforce le stress post-traumatique
Pour induire un stress post-traumatique, les chercheurs ont placé les souris dans un dispositif divisé en deux compartiments: un premier lumineux et un deuxième sans lumière. Les souris qui entraient dans la partie obscure recevaient un choc électrique. Suite à ce premier évènement traumatique, les souris ayant subi cette punition hésitaient davantage avant de rentrer dans le compartiment sans lumière, l’associant sans doute au choc électrique.
Trois jours après le premier choc, certaines souris ont en reçu un deuxième en entrant dans la partie sombre du dispositif, avec des courants de différentes intensités. Le lendemain, toutes celles qui ont reçu le choc le plus fort hésitaient fortement avant de s’aventurer à nouveau dans la pièce noire, mais pas celles ayant reçu l’intensité la plus faible.
Il pourrait s’agir uniquement d’un souvenir traumatique lié à un endroit en particulier. Mais ces souris hésitaient aussi à entrer dans l’autre compartiment, même dans celui où elles n’ont pas été électrisées, montrant qu’elles généralisaient le souvenir stressant à d’autres contextes similaires à celui de l’évènement traumatique. De plus, elles présentaient des signes d’anxiété: elles exploraient moins les compartiments, même celui illuminé, et restaient davantage près des murs, par rapport à des souris qui n’ont pas subi ce deuxième choc électrique de haute intensité. Et ces conséquences (généralisation de l’évènement traumatique et anxiété) étaient encore visibles un mois après le deuxième choc électrique.
L’exercice atténue le stress post-traumatique
En revanche, les souris montraient moins de signes de stress post-traumatique lorsqu’elles faisaient de l’activité physique après les évènements traumatisants. Les chercheurs s’en sont rendu compte en plaçant quelques souris dans une cage avec une roue d’exercice pendant quatre semaines, et d’autres dans une cage sans cet appareil. Les souris ayant accès à la roue se portaient mieux que les autres et hésitaient moins avant d’entrer dans des compartiments sans lumière, particulièrement dans des dispositifs différents de celui où elles avaient été électrisées. Montrant qu’elles ne généralisaient plus la peur causée par l’évènement traumatique à d’autres contextes. Et elles se montraient moins anxieuses, explorant davantage les dispositifs.
L’activité physique est encore plus efficace lorsqu’elle est réalisée avant le deuxième évènement traumatique
Dans ces expériences, les chercheurs ont mis en évidence que c’est vraiment le deuxième évènement traumatisant qui ancre le souvenir traumatique et entraine le trouble de stress post-traumatique. Ils ont donc voulu analyser l’effet de l’exercice entre ces deux évènements, pour voir s’il parvenait à briser le lien entre les deux traumatismes. Les souris ont eu accès à la roue dès le lendemain du premier choc électrique, et ce pendant quatre semaines, avant de recevoir le deuxième choc. Et en effet, ces souris ne présentaient plus les signes du trouble de stress post-traumatique: elles n’avaient rapidement plus peur dans le compartiment sombre, elles ne généralisaient plus leur anxiété à d’autres contextes, et elles exploraient davantage que les souris n’ayant pas fait d’exercice entre les deux chocs électriques.
L’exercice génère de nouveaux neurones dans l’hippocampe
L’effet bénéfique de l’activité physique chez ces souris semble venir de l’hippocampe, structure du cerveau essentielle à la mémoire. Les chercheurs ont observé les cerveaux des souris, mettant en évidence une hausse significative de la génération de nouveaux neurones dans l’hippocampe des souris « sportives ». D’autres méthodes permettant d’induire la génération de nouveaux neurones dans cette structure avaient le même effet bénéfique sur le stress post-traumatique, montrant que c’est bien cette production neuronale qui permettait de lutter contre le stress post-traumatique.
« La neurogenèse est importante pour former de nouveaux souvenirs, mais aussi pour en effacer, rappelle dans un communiqué Risako Fujikawa, chercheur à l’Université Kyushu et auteur de l’étude. Nous pensons que les nouveaux neurones vont intégrer les circuits cérébraux déjà existants, en créant de nouvelles connexions et en en cassant d’autres. Ce remodelage des circuits dans l’hippocampe perturbe la mémoire liée à la peur, plus que celle liée à d’autres émotions. »
L’activité physique est déjà proposée pour traiter le trouble de stress post-traumatique chez les humains, notamment car, selon le dictionnaire pharmaceutique Vidal, elle « contribue à une amélioration de l’humeur et de l’estime de soi, une réduction du stress et favorise la reconstruction de l’image de soi. » Si ces résultats se confirment chez l’humain, elles ajouteraient un nouvel argument de poids, montrant que non seulement l’exercice physique améliore l’état mental du patient, mais agirait directement sur la cause du stress post-traumatique, en permettant à la personne d’oublier (ou du moins de ne plus être obsédée par) l’évènement traumatique.
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