Africa-Press – Djibouti. Ce minuscule caméléon pourrait tenir sur votre phalange. Brookesia nofy mesure environ trois centimètres de long et a été découvert dans une forêt littorale située à l’est de Madagascar. La description de cette nouvelle espèce a été publiée le 10 septembre 2024 dans la revue Zootaxa.
Ce travail a vu le jour grâce à des photos de voyages publiées sur les réseaux sociaux et sur un blog. Miguel Vences, chercheur à l’institut zoologique de l’Université technique de Brunswick (Allemagne) et co-auteur de l’étude, explique le point de départ singulier de ses recherches: « La première mention de cette nouvelle espèce que nous avons trouvée provient d’un post sur Facebook. Puis, il y a eu un photoreportage datant de 2016 sur la forêt de Vohibola (situé dans l’est de Madagascar, ndlr), publié par une personne qui documente son voyage. Un caméléon sur les photos ne ressemblait pas à ce que nous connaissions. Ce n’est qu’après avoir vu cela que nous avons commencé à planifier sérieusement les recherches. »
Tout ce qui est (très) petit est (très) mignon
Brookesia nofy doit son nom au lieu de sa découverte: la forêt Akanin’ny Nofy. Cette nouvelle espèce appartient au genre Brookesia, endémique de Madagascar. Parfois surnommés « caméléons feuilles » ou « caméléons nains », les Brookesia sont des vertébrés particulièrement petits. L’exemple le plus emblématique reste Brookesia nana, le plus petit caméléon au monde. Ce dernier mesure 21,6 millimètres en comptant la queue. Brookesia nofy ne se place pas très loin dans le classement: les deux individus étudiés par Miguel Vences et ses collaborateurs mesurent 32,8 et 23,5 millimètres de long.
Antony Herrel est directeur de recherche au CNRS et au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) et n’a pas participé à l’étude. Il développe pour Sciences et Avenir la notion d’espèce miniature. « Il existe des espèces miniaturisées chez les caméléons, mais aussi les serpents, les grenouilles… Cela arrive dans de nombreux groupes d’animaux et de façon indépendante. Cette tendance à devenir de plus en plus petit est associée à certains avantages. Cela permet d’avoir des niches écologiques différentes et donc éviter la compétition avec d’autres espèces ».
Une nouvelle espèce à ajouter aux 31 Brookésia endémiques de Madagascar
Arrivés sur place, les herpétologues (spécialistes des reptiles) partent à la recherche des mystérieux caméléons du post Facebook. Ils se rendent sur le terrain de nuit et avec des lampes torches. Anthony Herrel a déjà participé à des opérations de terrain en herpétologie et confie qu’ « en journée, il est presque impossible de trouver les caméléons. Ils sont tellement bien camouflés qu’on ne les voit pas. Alors que de nuit, les écailles des caméléons reflètent la lumière de la lampe torche, ce qui les rend tout de suite plus repérables ».
Les herpétologues ont étudié en détail deux caméléons afin de déterminer s’ils appartenaient bien à une nouvelle espèce. Morphologiquement, les caméléons ressemblent énormément aux Brookesia ramanantsoai. Mais quelques détails trahissent des différences comme la forme des crêtes sur la tête des reptiles. De plus, B. ramanantsoai vit davantage dans les terres, et pas en zone littorale.
Finalement, l’analyse génétique a permis de trancher la question. Des échantillons d’ADN des deux caméléons trouvés dans la forêt d’Akanin’ny Nofy ont été comparés à plusieurs autres génomes connus de Brookesia. La grande différence entre les séquences génomiques permet aux chercheurs d’affirmer qu’ils ont bien affaire à une nouvelle espèce de caméléons feuilles miniatures.
A peine découvert, déjà menacé
Brookesia nofy a été aperçu dans deux forêts côtières de Madagascar: Akanin’ny Nofy et Vohibola. Cependant, ces deux territoires sont soumis à des feux de forêts et à la déforestation. A peine découvert, B. nofy remplit déjà les critères « en danger critique » de la liste rouge des espèces menacées établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Antony Herrel explique que « Madagascar est un pays très densément peuplé, surtout au niveau des côtes. Beaucoup de Malgaches, juste pour survivre, ont besoin de brûler du bois et du charbon. Le peu qui reste des forêts côtières est en danger, et bien sûr la biodiversité associée. Avec les forêts disparaissent les caméléons. »
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