Africa-Press – Djibouti. Des centaines de becs de calmars fossilisés ont été dénichés dans d’anciennes roches du Japon. Ces rostrums chitineux, comparables à ceux des espèces actuelles, étaient totalement invisibles à l’œil nu. Il a fallu trancher numériquement la roche, couche par couche, pour les révéler. La technique, développée au Japon, a produit des résultats qui refondent la chronologie évolutive des calmars: ces céphalopodes régnaient déjà dans les mers il y a 100 millions d’années, bien avant l’extinction des dinosaures.
Une moisson numérique dans les roches du Crétacé
L’étude, menée par Shin Ikegami, repose sur des fouilles numériques: les chercheurs ont scanné des blocs de calcaire issus de la formation de Haboro (datée de 100 millions d’années environ) à l’aide d’une technique appelée tomographie par abrasion (lire l’encadré ci-dessous). Chaque roche a été sondée millimètre par millimètre pour en extraire les structures fossiles piégées à l’intérieur. Résultat: 263 becs identifiés, appartenant à 40 espèces réparties dans 23 genres et cinq familles. Parmi elles figurent les deux grands groupes actuels de calmars: les Oegopsida (espèces pélagiques) et les Myopsida, les formes côtières.
Le registre fossile ne conservait jusqu’ici que de rares statolithes (petits organes internes liés à l’équilibre) datés de 45 millions d’années. Grâce à ces nouveaux becs, l’origine des Oegopsida est désormais repoussée d’environ 15 millions d’années, celle des Myopsida de 55 millions. Les premiers montrent des formes archaïques disparues, tandis que les seconds ressemblent déjà aux espèces modernes. Les résultats sont publiés dans la revue Science.
De premiers prédateurs des fonds marins
La taille des becs fossilisés dépasse parfois celle des ammonites ou des poissons osseux de la même époque. Leur fréquence dans les échantillons indique une abondance notable. Ces calmars n’étaient donc pas de simples figurants dans les mers du Crétacé, ils occupaient une position centrale dans les chaînes alimentaires. Leur succès pourrait tenir à l’abandon de la coquille rigide, caractéristique de leurs ancêtres, qui leur a permis d’adopter une nage rapide et des comportements de prédation sophistiqués.
Fouiller une roche… couche par couche
La tomographie par abrasion (« grinding tomography ») repose sur l’abrasion contrôlée de blocs rocheux, accompagnée d’un enregistrement photographique à chaque étape. Concrètement, la surface de la roche est polie de quelques microns, puis photographiée. L’opération est répétée plusieurs centaines de fois, jusqu’à ce que la totalité du bloc soit usinée. Les images ainsi obtenues forment une série de coupes en tranches fines qui sont assemblées pour former un modèle tridimensionnel sur ordinateur. Fossiles invisibles à l’œil nu, fragments organiques fragiles, voire microstructures, peuvent ainsi émerger du substrat minéral. Bien que le fossile soit détruit, il persiste virtuellement en trois dimensions et peut donc être inventorié dans des collections.
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