Le super uppercut de la crevette livre ses secrets

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Le super uppercut de la crevette livre ses secrets
Le super uppercut de la crevette livre ses secrets

Africa-Press – Djibouti. Ses punchs seraient comparables à l’impact d’une balle de revolver. Des uppercuts suffisamment puissants pour briser la coquille des mollusques que l’animal met à son menu et pouvant même fissurer les vitres des aquariums où il se trouve emprisonné ! Ce crustacé boxeur est la squille, de l’ordre des Stomatopoda qui compte plus de 400 espèces.

Aussi nommé crevette-mante en référence à ses pattes repliées qui évoquent la mante religieuse, le crustacé à l’allure de langouste est un prédateur redoutable, notamment grâce à ses appendices surpuissants et ultra-rapides capables d’asséner des coups équivalents à mille fois son propre poids à la vitesse de 50 microsecondes. Chez la squille multicolore (Odontodactylus scyllarus), l’une des représentantes les plus grandes de l’ordre pouvant mesurer jusqu’à 18 cm de long, ses pattes prennent l’apparence de mini-massues calcaires dures et lourdes.

Deux lasers pour examiner la cuirasse du crustacé

Seulement, si les talents de pugiliste du crustacé étaient bien connus, un mystère demeurait: comment se fait-il que ces frappes titanesques ne nuisent pas en retour au crustacé ? En effet, non seulement les uppercuts de la crevette mante génèrent des ondes de choc sous-marines, mais l’animal est capable d’en décocher plusieurs à la suite sans que son propre exosquelette semble en souffrir.

Pour résoudre cette énigme, Horacio Espinosa de l’Université Northwestern (Evanston, Etats-Unis), Maroun Abi Ghanem, (institut Lumière Matière de Villeurbanne, Université Claude Bernard de Lyon, CNRS) et leur équipe ont scruté au plus près la structure fine des bras du crustacé et la manière dont le son s’y propage. Ils publient leurs résultats dans le dernier numéro de Science.

Pour leur analyse, les chercheurs ont utilisé deux lasers. « Le premier, explique Maroun Abi Ghanem, joue le rôle d’un marteau qui frappe la structure. Celle-ci va alors s’échauffer, se dilater, engendrant des ondes de stress, comme un mini-séisme qui parcourrait le matériau. Un second laser détecte ensuite et analyse, à la manière d’un séismographe, la dispersion de ces ondes émises à très haute fréquence. »

Une structure en forme d’hélice qui absorbe les chocs

Les chercheurs ont ainsi pu mettre en évidence, sur le bras-massue de la crevette, une zone de 600 micromètres capable de dissiper les ondes de choc. « Juste derrière le marteau, explique Maroun Abi Ghanem, se trouve en effet un arrangement Bouligand. On appelle ainsi une microstructure constituée de mini lamelles empilées et en rotation progressive les unes par rapport aux autres, lui conférant une forme hélicoïdale, un peu comme une molécule d’ADN. »

Cette configuration particulière agit à la manière d’un cristal phononique. Sa structure périodique modifie la propagation des ondes acoustiques et permet d’atténuer leur intensité. Comme si le son en se diffusant dans ces multicouches perdait graduellement en force au fur et à mesure de sa progression dans le matériau, en se cognant à répétition dans la structure en hélice.

Quantité de matériaux bio-inspirés

Un tel matériau capable de piéger les ondes qui l’atteignent et d’empêcher leur propagation se retrouve chez d’autres animaux. Dans les ailes de papillon, par exemple. Dans ce cas, et de manière analogue aux ondes sonores pour la crevette-mante, la structure de l’aile sert à absorber les ondes lumineuses et fait office de camouflage.

Parmi les applications possibles pour de nouveaux matériaux bio-inspirés, figure d’ailleurs celle d’un filtre acoustique qui permettrait de se camoufler des radars. « Mais beaucoup d’autres sont envisageables, esquisse Maroun Abi Ghanem. Le plus évident serait un revêtement pour se protéger des impacts comme chez le crustacé. Mais, on pourrait également imaginer un matériau capable de piéger l’énergie mécanique et de la convertir en une autre forme d’énergie. »

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