L’extraordinaire imagination des plantes des milieux arides

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L’extraordinaire imagination des plantes des milieux arides
L’extraordinaire imagination des plantes des milieux arides

Africa-Press – Djibouti. Les plantes des zones arides sont mal connues. Elles n’intéressent en réalité aujourd’hui que les éleveurs des pays du Sud qui y poussent leurs troupeaux, ce qui représente tout de même 2 milliards d’humains dont 800 millions n’ont que cette source de protéines à leur disposition. Ces végétaux modestes sont pourtant d’une richesse insoupçonnée.

Leurs feuilles, fleurs, tiges épousent des formes que l’on ne retrouve nulle part ailleurs et leurs cycles de vie et leur façon d’utiliser les composés minéraux empruntent des voies bien plus originales et diverses que celles qu’on rencontre dans les forêts tropicales ou les terres agricoles tempérées. C’est ce que démontre une étude internationale sur fonds européens qui a mobilisé pendant huit ans 120 scientifiques de 27 pays. Les résultats viennent d’être publiés dans Nature.

Campagne d’herborisation internationale

Comment fonctionnent les plantes ? Comment poussent-elles ? Comment absorbent-elles les oligo-éléments et les nutriments dont elles ont besoin ? Ces questions font l’objet de travaux très poussés pour les quelques dizaines de végétaux qui nourrissent l’humanité. Mais, on ne s’était jamais vraiment penché sur le fonctionnement intime de ces graminées et autres yuccas, agaves, succulentes qui réussissent à survivre à des conditions climatiques et pédologiques extrêmes. Pour mieux comprendre les mécanismes de leur survie, trois chercheurs, Nicolas Gross de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Yoann Pinguet du CNRS et Fernando Maestre de l’Université Roi-Abdallah (Arabie saoudite) ont décidé de solliciter leurs collègues du monde entier pour une campagne d’herborisation internationale.

“Nous avons demandé à 60 équipes de chercheurs travaillant sur les milieux arides de 27 pays de collecter des échantillons de plantes des zones désertiques proches de chez eux selon le même protocole scientifique, ce qui nous a permis de récolter 1347 spécimens de 301 espèces provenant de 326 placettes”, détaille Nicolas Gross. Aucune de ces plantes ne se retrouve dans l’ensemble des zones désertiques de la planète. Au contraire, elles se ressemblent très peu et présentent donc un fort taux d’endémisme. Le “couvert” végétal du Sahel n’a rien à voir avec celui du désert d’Atacama (Chili) ou de celui de Mongolie qui ont par ailleurs des climats très différents.

Les plantes du désert ont une “boîte à outils” bien plus fournie que celles des zones tropicales ou tempérées

Ces végétaux ont été envoyés après assèchement sous étuve, comme pour un herbier, à Madrid (Espagne), où les chercheurs ont commencé par s’intéresser à la forme de leurs feuilles, tiges et fleurs avant de procéder à une analyse poussée de la composition chimique de leurs cellules. 14 éléments et oligoéléments constituant ce que les chercheurs appellent “l’élémentome des plantes” ont été recherchés comme le calcium, le magnésium, le phosphore, l’azote, le zinc, etc.

“Et là, nous avons eu la surprise de constater que ces ‘traits fonctionnels’ développés par ces plantes étaient deux fois plus nombreux que dans des écosystèmes plus tempérés, s’étonne Nicolas Gross. Nous pensions auparavant que dans ces milieux extrêmes, les plantes se recroquevillaient sur quelques fonctions. Au contraire, elles en inventent de nouvelles.”

Deux autres découvertes interrogent. La première, c’est que quelle que soit la latitude de la zone désertique et ses caractéristiques géographiques et pédologiques, ce sont les mêmes solutions qui sont développées par les plantes et elles sont originales: 57% de ces traits fonctionnels sont absents des plantes de milieux moins hostiles. Ensuite, il existe un seuil.

En dessous de 400 millimètres de pluie par an, (qui représente la transition entre le climat semi-aride et aride) la diversité de la “boîte à outils” fonctionnelle des végétaux augmente de 88%. Les quelques plantes qui arrivent à s’adapter à ce milieu se développent par tâches au sein d’espaces vides du fait de l’affleurement des roches ou de la pauvreté du sol.

“Nous émettons l’hypothèse que c’est cet isolement qui permet aux plantes de rechercher des solutions nouvelles d’adaptation, expose Nicolas Gross. Dans un couvert végétal dense, les plantes sont contraintes d’utiliser les mêmes outils fonctionnels pour gagner la compétition pour la lumière, les nutriments et l’espace. Sans cette contrainte, les plantes des zones arides peuvent au contraire innover.”

Des témoins des premières plantes terrestres il y a 500 millions d’années ?

Parmi la vingtaine de caractéristiques chimiques détectées, certaines montrent une utilisation habile des éléments à disposition. Ainsi, des espèces saturent leurs feuilles de calcium pour les rendre plus épaisses et empêcher ainsi toute perte d’eau par transpiration. D’autres utilisent des sels de zinc et de sodium pour retenir l’eau. “Dans l’ensemble, le calcium et le magnésium sont deux éléments très importants pour ces plantes”, assure Nicolas Gross. Les chercheurs ont par ailleurs étoffé leur analyse en comparant les plantes situées dans des pâturages de leurs homologues en zones naturelles. Comme pour le seuil des pluies, on constate une augmentation des traits fonctionnels dans les parcours utilisés par les éleveurs.

Ce travail bat donc en brèche de très nombreuses idées reçues. Les plantes des déserts ont bien plus de richesses physiologique et biochimique que celles des zones plus tempérées. “Cela devrait nous inciter à mieux les protéger tandis qu’une meilleure connaissance de leur fonctionnement pourrait aider à lutter contre le surpâturage qui est la raison principale de l’avancée des déserts que l’on constate partout dans le monde”, estime Nicolas Gross.

Les paléontologues qui s’intéressent aux mécanismes qui ont permis aux plantes aquatiques de s’adapter aux conditions des terres émergées il y a 500 millions d’années auront aussi matière à réflexion. Ces plantes actuelles rencontrent en effet des conditions de sécheresse et de sols à nu qui devaient être celles des premiers végétaux.

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