Traverser la rue dans le corps d’une personne âgée

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Traverser la rue dans le corps d’une personne âgée
Traverser la rue dans le corps d’une personne âgée

Africa-Press – Djibouti. Il y a du bruit, des lumières, des instructions à suivre, des gens à éviter, des voitures arrivant dans un sens et dans l’autre. La rue est un environnement complexe à gérer. D’autant plus quand l’âge vient ralentir les mouvements. C’est pour comprendre ce qui se passe pour une personne âgée dans ce genre de situation que la doctorante Marie Trouvé, du Laboratoire de psychologie et d’ergonomie appliquées, unité mixte de recherche des universités Paris Cité et Gustave-Eiffel, mène actuellement une thèse en se basant sur une simulation du vieillissement du corps d’une personne.

Ce travail était présenté fin mars 2023 au salon de l’Institut Carnot Cognition à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris. “Nous nous intéressons au rôle du corps dans le processus cognitif, notamment en traversée de rue, explique Marie Trouvé. La prise de décision nécessite une analyse du trafic constante, qui mobilise tout ce qui est moteur, visuel et auditif. Or, avec l’âge, les personnes ont du mal à bien analyser les situations.”

Diminuer physiquement une personne

Le projet utilise un équipement dédié à l’origine au personnel spécialisé en gériatrie, la combinaison GERT (pour GERonTologique), conçu en 2009 par un entrepreneur allemand spécialiste d’ergonomie. Elle se compose de plusieurs éléments dont l’objectif est de diminuer physiquement la personne pour que cette dernière comprenne ce que vit une personne âgée. Des genouillères, des coudières et une minerve limitent les mouvements, des sur-chaussures perturbant l’équilibre, des bouchons d’oreille nuisent à l’audition, des lunettes gênent la vision, un gilet de 10 kg ralentit la marche et il y a même des gants pour limiter les sensations tactiles des mains.

La chercheuse a immergé des participants dans un CAVE (Cave Automatic Virtual Environment) de l’université Gustave-Eiffel à Versailles, c’est-à-dire un espace de réalité virtuelle en 3D où l’environnement simulé est projeté sur les murs et calculé en temps réel en fonction de la position et de l’angle de vue de la personne. En l’occurrence, l’environnement consistait en une scène de rue.

Une trentaine de participants, âgés de 19 à 37 ans, doivent s’y déplacer en portant la combinaison GERT. Une trentaine d’autres, du même âge, se mouvoir normalement et un dernier groupe composé de 26 personnes de 65 à 83 ans est immergé à son tour dans la pièce. L’idée étant de comparer les comportements d’un groupe à l’autre et déterminer ce qui a le plus d’influence dans les difficultés éprouvées. “Les comportements et décisions ont été analysés, ajoute Aurélie Dommes, codirectrice de cette thèse, à savoir la qualité des décisions, le temps de traversée, le nombre de collisions avec les véhicules, etc., ainsi que diverses capacités fonctionnelles, comme l’acuité visuelle, l’audition, la vitesse de marche, les capacités cognitives attentionnelles et mnésiques.”

Lier cognition, incarnation et motricité

Le projets étant en cours, les résultats ne sont pas complètement disponibles. Mais en l’état actuel, “ils suggèrent que la combinaison simule un vieillissement moteur moins marqué que celui observé dans le groupe des âgés, mais un déclin des fonctions visuelles et auditives plus important, continue Aurélie Dommes. Les participants âgés et les jeunes portant la combinaison ont eu plus de collisions que les jeunes sans combinaison”. Moins intuitif, en revanche : les jeunes traversent la rue moins vite qu’ils ne marchent le reste du temps, tandis que ceux portant la combinaison traversent à la même vitesse.

La combinaison a, en tout cas, nourri un autre projet, mené par la même doctorante, où il est question de lier cognition,incarnation et motricité. L’équipe fait la porter à deux groupes distincts de 31 participants et leur demande de marcher sur 25 mètres. Avec ce distinguo : “À un groupe, un étudiant dit que la combinaison est conçue pour les sportifs, afin d’améliorer leurs performances, et à l’autre qu’elle sert bel et bien à simuler le vieillissement, explique Marie Trouvé. Et on observe les différences de comportement.”

Là encore, les résultats sont en cours de dépouillement mais une tendance se dessine. Selon l’information qu’ils ont reçue sur la combinaison, les participants se conforment sans s’en rendre compte aux stéréotypes associés soit à la condition sportive, soit à la vieillesse. Ce qui affecte, en bien ou en mal, leur performance. En gros, ils se coulent dans un rôle, allant d’une certaine manière dans le sens de ce poncif selon lequel “la vieillesse, c’est dans la tête”.

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