Tournée républicaine : Dans les abysses de la politicaillerie

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Tournée républicaine : Dans les abysses de la politicaillerie
Tournée républicaine : Dans les abysses de la politicaillerie

Africa-Press – Gabon. Le PDG ne veut pas décliner son bilan. Se satisfaisant d’une mobilisation en trompe-l’œil, il entraîne le pays là où les intérêts personnels priment sur l’intérêt général, là où tous les coups sont permis.

En cours, la «Tournée républicaine» d’Ali Bongo alimente la chronique. Et pour cause : partout où il passe, l’homme est accueilli avec ferveur, comme on l’a vu dimanche dernier à Oyem. Pourtant, le président de la République est loin d’avoir un bilan élogieux, à même d’encourager les masses à repartir pour un nouveau bail. Interrogé sur cette question il y a quelques mois de cela, son Premier ministre avait lancé : «On vote pour une espérance», suscitant étonnement et hilarité. Régulièrement questionnés sur ce sujet, ses soutiens n’en finissent plus de chercher des prétextes, se réfugiant tantôt derrière son accident vasculaire et cérébral, tantôt derrière la pandémie de Covid-19 et tantôt derrière la guerre Ukraine. Il s’en trouve même pour évoquer le Dialogue national d’Angondjè comme une des causes du non-aboutissement de nombreux projets.

Un effort de réminiscence

À l’orée de la campagne présidentielle, les cadres du Parti démocratique gabonais (PDG) tentent d’éluder le débat sur le bilan de leur champion. Leur rappelle-t-on leurs certitudes d’antan à propos du fonctionnement régulier des institutions ? Ils rejettent aussitôt la responsabilité sur la Cour constitutionnelle, désormais coupable d’avoir introduit la notion d’«indisponibilité temporaire» au plus fort de la polémique sur l’état de santé d’Ali Bongo. Les renvoie-t-on au zèle du gouvernement dans la mise en œuvre des mesures de lutte contre la pandémie à coronavirus ? Leur évoque-t-on les doutes alors émis par une partie de l’opinion, notamment l’Église catholique ? Avec promptitude, ils convoquent les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), s’en prenant ensuite au Copil citoyen, accusé de tous les maux. Les invite-t-on à jeter un œil sur les statistiques du commerce extérieur pour avoir la liste des principaux partenaires du Gabon ? Immédiatement, ils déversent le catéchisme à la mode sur l’Ukraine et sa production de céréales.

Pour rien au monde, le PDG ne veut décliner son bilan. Il ne veut pas non plus parler de l’état du pays. Assurés du soutien des institutions et de la dévotion de l’administration, ses cadres étalent leurs certitudes, annonçant une «victoire cash». Se félicitant des modifications apportées au corpus juridique, ils jugent l’opposition en difficulté, la disant condamnée à revoir sa stratégie et à recourir à une «candidature unique». Se gargarisant de la mobilisation observée durant cette «Tournée républicaine», ils feignent d’y voir le signe d’une adhésion populaire. Pourtant, l’expérience du passé devrait les inviter à moins d’exubérance et d’assurance. Un effort de réminiscence leur aurait épargné cette fatuité empreinte de naïveté feinte. Comme le rappellent certains observateurs, en 2016, le Woleu-Ntem accueillit Ali Bongo dans l’effervescence. Au final, il y fit à peine 24% contre 73% pour Jean Ping, selon les chiffres officiels.

Le spectre du pire

Au lieu de se complaire dans une mobilisation en trompe-l’œil, obtenue à grand renfort de moyens publics, le PDG ferait mieux de regarder la réalité en face. Au lieu de tout miser sur les collusions institutionnelles, il gagnerait à déployer ses équipes sur le terrain. Au lieu de tracer des plans sur la comète ou de disserter sur la stratégie de l’opposition, il ferait œuvre utile en s’appesantissant sur la sienne. S’il aurait intérêt à se mettre au clair sur l’état de santé de son champion, il devrait tout autant défendre son bilan. Sur le fonctionnement des institutions, le vivre-ensemble, la formation ou les infrastructures, il doit décliner ses réalisations. À trop vouloir s’épargner cet exercice, il ne parvient pas à établir de liant entre le passé et le présent, le présent et le futur. À trop chercher à détourner l’attention, il accentue le découplage entre son discours et les préoccupations des populations. À multiplier des promesses sans procéder à un état des lieux, il en devient inaudible.

En se fermant à tout débat de fond, le PDG vide la politique de tout sens. Dans le même temps, il entraîne le pays dans les abysses de la politicaillerie, là où les intérêts personnels priment sur l’intérêt général, là où tous les coups sont permis. À cet égard, la Concertation politique de mars dernier restera un chef-d’œuvre. Censée jeter les bases d’élections «aux lendemains apaisés», cette rencontre a débouché sur des bidouillages juridiques et institutionnels, faisant planer le spectre du pire. N’en déplaise aux bonnes âmes, les élections générales d’août prochain sont porteuses d’incertitudes, y compris pour la cohésion sociale. En s’entêtant dans la voie actuelle, en rusant avec tous les principes, le PDG engage sa responsabilité devant le peuple et l’Histoire.

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