Le casse du siècle : la Douane, l’inspecteur des finances et les 8,3 milliards de fraude

23
Le casse du siècle : la Douane, l’inspecteur des finances et les 8,3 milliards de fraude
Le casse du siècle : la Douane, l’inspecteur des finances et les 8,3 milliards de fraude

Africa-Press – Gabon. Une enquête et ses révélations renvoyées aux calendes grecques. Pas moins de 8,3 milliards de francs CFA subtilisés des poches de l’Etat. Mettant à nu les mécanismes, auteurs et bénéficiaires de droits de douanes détournés, un dossier dont Gabonreview a reçu copie, dévoile l’amplitude de la corruption au sein de l’administration des douanes gabonaises. Du fait de certaines connivences, la répression été empêchée.

On savait que la douane gabonaise était une administration minée par la corruption. Mais on avait aucune idée de l’ampleur de celle-ci. On la croyait circonscrite aux petits agents de constatation, elle a pourtant gagné toutes les strates de cette régie financière. Si, comme les moutons, les petits douaniers broutent là où ils sont attachés, les chefs, inspecteurs de tous grades, sont les principaux concepteurs et bénéficiaires de cette mafia à grande échelle, soutenue et alimentée par les opérateurs économiques, pour dépouiller l’Etat d’une part importante des recettes douanières au profit de quelques individus. Les graves révélations d’un dossier dont Gabonreview a reçu copie devraient faire tomber les grosses têtes impliquées dans ce scandale. Que nenni !

L’enquête

Tout commence en 2017 lorsque l’ancien DG des douanes, Lewamou Obissa, confie à un inspecteur général des finances, initiales AMC, la mission de procéder à un contrôle après dédouanement des importations entre 2017 et 2020. L’homme, qui capitalise près de 33 ans de service, est entouré d’une équipe de cinq personnes, composée d’inspecteurs et contrôleurs des douanes.

Dès son entame, la mission constate de nombreuses irrégularités dans les dossiers de certains importateurs. Alors que la mission se poursuit, en octobre 2020 un changement intervient à la tête de la douane : Boris Admina Atchoughou est nommé Directeur général de la Douane gabonaise et des droits indirects. Le nouveau DG réaffirme à AMC sa volonté de voir cette mission se poursuivre et la renforce par un complément d’effectifs et une mise à disposition d’un budget de fonctionnement.

La mission ainsi légitimée, AMC met les bouchées doubles pour débusquer les importateurs véreux. Sur la base de fausses factures mises à jour au terme des auditions des transitaires sur procès-verbal, il dresse une première liste de 20 structures fautives de fraudes douanières. Les infractions sont d’une ampleur insoupçonnée. En effet, le montant des déclarations frauduleuses mis à jour au terme des investigations dépasse l’entendement du vieux douanier, tant le procédé bien huilé établit, sans équivoque, la complicité de l’administration douanière. Fort de ce que l’enquête révèle, AMC décide de rendre compte au DG pour suite à donner.

Atermoiement

Contre toute attente, en dépit de plusieurs relances et demandes d’audience, Admina Atchoughou, pourtant signataire de l’ordre de mission, lui oppose une fin de non-recevoir. L’inspecteur général des finances n’aura plus jamais accès à son DG pour lui rendre compte du dossier explosif. Il y a que certains opérateurs économiques épinglés l’avaient prévenu de leur proximité avec le DG. L’inspecteur avait négligé ces intimidations qu’il prenait alors pour des subterfuges de contrevenants pour échapper au redressement. Le DG serait-il en connexion ou de connivence avec les opérateurs économiques épinglés ? Son attitude viserait-elle à protéger ses amis ?

Il y a que la liste des opérateurs épinglés compte des entreprises influentes disposant de puissants soutiens dans les hautes sphères. Ousoto s/c de Madia Lengoubouanet Germain, société écran de Luxury Car appartenant à un sujet libanais, importateur et fournisseur de voitures de luxe, a ainsi fait de fausses déclarations à hauteur de 3,5 milliards de francs CFA ; Gesparc en a pour 1,2 milliards ; Hérault Macono pour 660 millions ; Prix Import pour 375 millions ou encore Codalec pour 225 millions. Les vingt (20) entreprises épinglées et leurs complices de l’administration douanière ont ainsi distrait du budget de l’Etat pas moins de 8,3 milliards de francs CFA.

Gangrène et omerta

À combien donc s’élèveraient les déclarations frauduleuses si la mission de AMC s’était effectuée sur l’ensemble du portefeuille clients de la douane ? C’est résolument le casse du siècle. Ce dossier qui démontre les collusions et les compromissions du DG des douanes, et son parapluie haut perché, avec les importateurs, reflète la grande corruption qui gangrène l’administration gabonaise.

L’affaire a été portée à la connaissance des services spéciaux qui ont ouvert une enquête. Celle-ci n’a débouché que sur l’omerta et l’impunité. Un membre éminent du giron de l’ex-Coordonnateur général des affaires présidentielles, alimentant régulièrement la chronique et dont les réseaux sociaux font souvent leurs choux gras, est subitement intervenu pour instruire les enquêteurs de surseoir à l’enquête. En procédant ainsi, qu’est-ce qui empêche le DG et son sauveur inattendu de faire chanter, en catimini, les opérateurs indélicats et leur faire cracher, pour leur bénéfice personnel, une part de la manne querellée ? Pendant ce temps, AMC qui a fait le travail et qui, conformément à la loi, mérite de toucher sa part du contentieux continue d’espérer. Il en va ainsi du Gabon sous le management d’une jeune garde qu’on croyait porteuse de changement dans la gestion du pays.

Les plus hautes autorités de la république dont le ministre de l’Economie, le Premier ministre et le président de la République, devraient se saisir de ce dossier constituant un scandale financier inacceptable. Les auteurs, leurs complices et leur protecteur étant clairement identifiés. Au moment où le Gabon est sous la supervision rapprochée du FMI, de tels agissements sont de très mauvais signaux envoyés aux partenaires financiers du pays.

À moins de vouloir confirmer le sentiment largement partagé au Gabon selon lequel certains peuvent tout se permettre. Parallélisme des formes oblige, il est à rappeler que de nombreux compatriotes ayant récemment cru avoir le droit de jouer avec les deniers publics, ont été mis en prison et y sont encore. Ali Bongo ne cesse de déclarer que la main de la justice ne tremblera plus devant les prédateurs et les fossoyeurs de l’Etat. Pour que ce ne soit pas une vaine parole, il a là une belle occasion de le démontrer.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Gabon, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here