Africa-Press – Gabon. Le retrait de certaines candidatures s’explique et se comprend. Encore fallait-il le faire sur des fondements clairs, compris par tous, et d’abord par la base. Encore fallait-il bien identifier les sièges et personnalités à protéger.
L’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) n’a pas deux mois d’existence. S’il est en passe de s’engager dans sa première joute électorale, le parti présidentiel n’a toujours pas apporté la preuve de sa capacité à impulser le renouveau. Pis, il est déjà soupçonné de se livrer à des marchandages et autres combinaisons d’arrière-cour. Au-delà, il est accusé de faire cause commune avec le Parti démocratique gabonais (PDG) voire de lui dérouler le tapis rouge. Dans la perspective des législatives à venir, il s’est manifestement gardé de présenter des candidats face à certains barons du régime déchu. À Koulamoutou, Blaise Louembé, ancien ministre et actuel président du PDG, pourra compter sinon sur son soutien, du moins sur sa bienveillante neutralité. Il en ira de même à Ntoum pour Camelia Ntoutoume Leclercq, à Ngouoni pour Jeannot Kalima, vice-présidents du PDG, ou à Mandji pour Jean-François Ndongou, président de l’Assemblée nationale de Transition.
Calcul politicien
Certes, dès après le 30 août 2023, ces personnalités se sont posées en fervents soutiens du président de la République. Certes, durant la campagne référendaire comme lors de la présidentielle du 12 avril dernier, elles se sont illustrées sur le terrain. Mais, elles n’en demeurent pas moins des figures essentielles de l’ère Ali Bongo. Pour le commun des Gabonais, Blaise Louembé symbolisera à jamais les quatre années durant lesquelles le ministère de l’Habitat fut dissout. Camelia Ntoutoume Leclercq incarnera toujours la dévotion à Sylvia Bongo et surtout à Noureddin Bongo Valentin, jadis présenté par elle-même comme «le petit frère que Dieu (lui) a donné». Jeannot Kalima sera assimilé aux passe-droits. Quant à Jean-François Ndongou, il sera, pour longtemps encore, considéré comme le principal artisan du hold-up électoral de septembre 2009. Dans l’inconscient collectif, son nom restera lié aux émeutes de Port-Gentil et à la dissolution de l’Union nationale (UN). C’est dire si des souvenirs peu glorieux défilent à la seule évocation de certains noms.
Sans tenir compte de ce passif, l’UDB a pris une option stratégique. Sans doute par calcul politicien ou pour consolider l’alliance constituée autour de son président-fondateur, elle a retiré certains de ses candidats. Même si elle est de nature à entacher son image, cette décision s’explique. Quand bien même elle peut brouiller son message, elle se comprend. Après tout, lors de l’Assemblée générale constitutive de son parti, Brice-Clotaire Oligui Nguéma s’était voulu clair: «Nous saurons définir ensemble des alliances ou des coalitions conformément à ma politique d’inclusivité», avait-il lancé à l’adresse de «ceux qui partagent (ses) idées tout en gardant leur identité». De ce point de vue, l’UDB peut se targuer d’être resté fidèle à la ligne définie par son fondateur. Au-delà, ce parti peut prétendre être le «point de ralliement de toutes celles et tous ceux qui croient en (…) un Gabon (…) tourné vers l’avenir».
Intention louable
Reste cependant une question – et non des moindres: cette stratégie a-t-elle été imposée ou résulte-t-elle d’une réflexion de groupe? A-t-elle donné lieu à des négociations avec les différents alliés? Y a-t-il eu échange de bons procédés ou des compensations? Si oui, lesquelles et où? Pourquoi le PDG est-il alors présent sur tous les sièges? Pourquoi l’UDB n’a pas songé à protéger son secrétaire général, Mays Mouissi, en obtenant le retrait de la candidature du vice-président du PDG, Yves-Fernand Mamfoumbi? Cette interrogation vaut pour d’autres cadres, souvent engagés dans des duels contre des militants PDG. Il y a là quelque chose de pas très nette et de pas très compréhensible. L’UDB s’est-elle engagée dans un marché de dupes ou a-t-elle unilatéralement décidé de faire la courte échelle à certaines personnalités? Sur quels critères ou fondements? Mystère et boule de gomme…
De toute évidence, l’UDB a voulu ménager certains de ses alliés. Louable, l’intention ne manque ni de classe ni de panache. Encore fallait-il le faire sur des fondements clairs, compris par tous, et d’abord par la base. Encore fallait-il bien identifier les sièges et personnalités à protéger. À en juger par les commentaires lus ou entendus çà et là, la manœuvre a laissé des traces, généré bien des frustrations. Au final, le parti présidentiel pourrait en faire les frais. L’aspiration au renouveau ne saurait être un vœu pieux. Comme le dit Michel Ongoundou Loundah, sénateur de la Transition, elle appelle «une véritable rupture, au-delà des visages et des discours».
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