Africa-Press – Gabon. Depuis le 4 septembre 2023, Brice Clotaire Oligui-Nguéma s’est attelé à nouer des liens avec la société. Ces élections le placent dans l’obligation sinon de tout recommencer, du moins de les restaurer.
Durant les cinq années à venir, Brice Clotaire Oligui-Nguéma aura la liberté de mettre en œuvre son programme, l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) ayant d’ores et déjà obtenu la majorité au Parlement. Mais, lors de la présidentielle, l’UDB n’existait pas. Candidat du consensus, il était alors soutenu par une coalition allant du Parti démocratique gabonais (PDG) à la société civile en passant par le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), l’Union Nationale (UN) ou l’Alliance patriotique (AP). Si les dés semblent jetés, le climat politique aux antipodes de celui ayant prévalu jusque-là. Chef du gouvernement et, par ailleurs, président-fondateur de l’UDB, le président de la République ne peut ne pas méditer sur les évolutions éventuelles. Surtout, au regard du déroulement des derniers scrutins, marqués par des révélations de fraude et irrégularités en tout genre.
Parlement monochrome, atone et corvéable à merci
Loin de toute naïveté, le triomphe de l’UDB n’est pas de bon augure. Au regard de la Constitution et eu égard au contexte, sa majorité monolithique et pléthorique apparaît comme une anomalie. Pour justifier leur boulimie, certains ont tôt fait de raisonner comme si le régime semi-présidentiel est toujours en vigueur. D’autres font comme si l’initiative législative est une compétence exclusive du Parlement ou comme si la promulgation des lois ne relève pas de la responsabilité du seul président de la République. Ne leur en déplaise, depuis le 19 décembre 2024, il en va autrement. Et même si tel n’était pas le cas, un Parlement représentatif de toutes les sensibilités, issu du libre choix des populations, aurait toujours été une option plus porteuse. Volens nolens, l’«inclusivité» chère au président de la République a vécu. Et les élections «démocratiques et transparentes» promises n’ont pas eu lieu.
Le prochain Parlement s’annonce monochrome, atone et corvéable à merci. Y siégeront, des professionnels de la transhumance politique, en sus de novices ou de personnalités aux faits d’armes inconnus. Ni engageant ni rassurant pour le président de la République: désormais privé de bouclier, il sera en première ligne dans les joutes politiciennes. Or, quand les débats n’ont pas lieu dans les hémicycles, ils se déportent dans la société. Quand les populations ne se sentent pas représentées, elles cultivent la défiance. Quand elles ont la conviction de n’être ni entendues ni relayées, elles prennent leurs responsabilités, quitte à choisir des voies peu recommandées. Comment rassurer le peuple quand la logique partisane l’a emporté sur la promesse républicaine? Comment s’assurer de son adhésion quand des accusations de fraude ont fusé de partout, y compris des rangs du parti victorieux?
Deux chantiers
Aucun Etat ne fonctionne correctement quand les institutions servent des intérêts particuliers. Aucune nation ne peut se construire quand les élections apparaissent non pas comme un moment de rassemblement, mais comme une source de division. Entre langue de bois et volonté de ne pas mettre le feu aux poudres, les déclarations de la Mission d’observation électorale des organisations de la société civile du Gabon (MOE-OSC), de la Mission d’observation citoyenne pour des élections transparentes (Mocet) et du Réseau des observateurs citoyens (Roc) ne doivent pas faire illusion. La même remarque vaut pour le mutisme des forces sociales, singulièrement le RPM et l’UN. Sans doute du fait des trop fortes attentes, ces élections ont érodé les liens sociaux. Comme rarement auparavant, elles ont sapé le vivre ensemble. Entre bunkérisation de la province du Woleu-Ntem, usurpation de pouvoir, négations des règles communes et corruption, tout s’est passé comme si certains ont définitivement renoncé à tout dessein collectif. Comme si la confiance mutuelle leur importe désormais peu.
Depuis le 4 septembre 2023, Brice Clotaire Oligui-Nguéma s’est attelé à nouer des liens de confiance avec la société. Ces élections le placent dans l’obligation sinon de tout recommencer, du moins de les restaurer. Pour y parvenir, il doit s’attaquer, sans délais, à deux chantiers. Le premier est politico-institutionnel: face à une majorité parlementaire monolithique, il doit rétablir certains équilibres au sein des organes de gouvernance des deux chambres, mais aussi au gouvernement, à son cabinet et dans l’appareil judiciaire, singulièrement à la Cour constitutionnelle. Conformément à la Constitution, il doit aussi donner du contenu à la démocratie participative, quitte à revoir la procédure législative ou reprofiler le Conseil économique, social et environnemental (CESE). De même, il doit élargir l’espace civique. Le second est éthique et moral: avec vigueur, il doit s’élever contre les pratiques et propos à connotation ethnique ou provinciale. Il est encore temps de rectifier le tir. La réussite du septennat passe aussi par là.
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