Africa-Press – Gabon. Un rapport publié la semaine dernière par l’Africa-Europe Foundation, à la veille du Sommet UA-UE de Luanda, annonce un changement profond dans les relations entre l’Afrique et l’Europe. Le texte explique que les deux continents doivent désormais travailler autrement: non plus avec des aides et des promesses, mais avec de vrais investissements partagés et de la valeur créée sur place. Le Gabon y apparaît comme un pays clé. Reste à savoir si ce sera une chance historique… ou un piège poli.
Intitulé «The State of Africa-Europe 2025», le rapport de l’Africa-Europe Foundation (AEF) affirme que le modèle ancien – où l’Europe donne et l’Afrique reçoit – est terminé. Désormais, il s’agit de construire ensemble et de décider ensemble.
Mais pour que ce changement soit réel, encore faut-il que les pays africains ne se laissent pas guider. Ils doivent prendre la parole et défendre leurs intérêts. C’est tout l’enjeu du rendez-vous de Luanda, où se déroule, depuis hier, le 7e Sommet Union africaine-Union européenne, accompagné d’un forum d’affaires UE–Afrique et de rencontres bilatérales de haut niveau.
Il y a, en effet, que pendant des décennies, le modèle dominant reposait sur des aides européennes supposées soutenir le développement africain. Or, ce système est à bout de souffle: crise économique mondiale, dettes étouffantes, concurrence géopolitique entre grandes puissances et recul des financements internationaux. Le rapport The State of Africa-Europe 2025 affirme que la seule voie possible est celle d’un partenariat d’égal à égal, mais cela n’adviendra que si l’Afrique, et le Gabon en particulier, savent défendre fermement leurs intérêts.
Minéraux stratégiques et transformation locale: la vraie bataille du développement
Le rapport montre que les minéraux indispensables à l’industrie verte mondiale (manganèse, fer, cobalt, cuivre, nickel) sont au cœur des ambitions européennes pour la transition énergétique, notamment pour les batteries et les véhicules électriques. L’Europe cherche à sécuriser ces ressources pour réduire sa dépendance à la Chine et aux autres puissances.
Dans ce cadre, le Gabon est identifié comme l’un des dix pays stratégiques du programme AfricaMaVal. Financé par l’Union européenne, ce programme vise à créer des partenariats solides avec plusieurs pays africains autour des minerais essentiels comme le cobalt, le lithium ou le graphite. Son objectif est d’assurer l’approvisionnement de l’industrie européenne tout en développant, en Afrique, des activités locales durables qui créent de la valeur et des emplois.
Ce programme est une chance, mais uniquement si le Gabon exige que la transformation se fasse au Gabon, dans des usines locales, avec des ingénieurs et des ouvriers gabonais et des infrastructures financées en co-investissement. Sinon, rien ne changera: le pays continuera d’exporter du minerai brut pendant que d’autres fabriqueront les produits finis qui concentrent la vraie richesse et l’emploi.
65 milliards de dollars disparus et économie bleue: risque immense et espoir réel
Le rapport révèle également une information spectaculaire: le Gabon fait partie des rares pays africains ayant mesuré précisément ses pertes liées aux flux financiers illicites: environ 65 milliards de dollars (36 725 milliards de francs CFA) évaporés entre 2010 et 2021. Une somme colossale qui pourrait financer plusieurs budgets nationaux.
Pour certains, c’est un choc. Mais c’est aussi un levier politique puissant: compter permet de réclamer des outils de transparence, des capacités d’enquête modernes, de meilleures règles de contrôle des contrats extractifs et des partenaires véritablement responsables. Refuser la transparence coûterait encore plus cher.
Autre enjeu majeur: la mer. Le rapport présente l’économie bleue comme une priorité stratégique pour la coopération Afrique-Europe. Avec sa façade atlantique, son réseau portuaire certes modeste et ses aires marines protégées, le Gabon peut devenir leader régional de la pêche durable, de la surveillance maritime, de la lutte contre la piraterie et des financements innovants comme les Blue bonds. C’est un domaine où le pays peut réellement prendre la tête et non suivre.
Le Sommet de Luanda peut donc marquer un tournant décisif. Le Gabon a désormais l’occasion de choisir la valeur ajoutée locale plutôt que l’exportation brute, la transparence plutôt que l’opacité, l’industrie plutôt que la rente, et l’océan comme moteur d’avenir plutôt qu’une simple vitrine écologique.
Mais rien ne se gagnera sans courage politique: soit le pays décide pour lui-même, soit d’autres décideront à sa place, avec des discours flatteurs et les mêmes résultats qu’hier. Avis aux décideurs et à la délégation gabonaise à Luanda.





