Africa-Press – Gabon. Dans un texte d’une rigueur implacable, publié ce 23 décembre 2025, Alain-Claude Bilie-By-Nze démonte, chiffres à l’appui, ce qu’il considère comme les ressorts d’une gouvernance erratique au sommet de l’État. Budget raboté sans explication, dette en accélération, projets structurants aux contours mouvants, institutions brouillées: l’ancien Premier ministre dresse un réquisitoire méthodique contre un pouvoir qu’il accuse de piloter le pays à vue. Un texte dense, dérangeant et politiquement explosif, qui interpelle autant les citoyens que les investisseurs sur la crédibilité réelle de la trajectoire gabonaise.
Dans un texte dense et structuré publié ce 23 décembre 2025 sur Facebook, Alain-Claude Bilie-By-Nze signe bien plus qu’un simple coup de gueule politique. Il livre une mise en accusation presque doctrinale, d’un mode de gouvernance qu’il juge erratique, incohérent et dangereux pour l’avenir du Gabon. Loin de l’invective gratuite, son propos s’appuie sur une architecture rigoureuse: une succession de «dissonances» qui, mises bout à bout, dessinent le portrait d’un État gouverné à vue.
Le vertige des chiffres: quand le budget et la dette deviennent illisibles
Le cœur de la charge vise d’abord la crédibilité budgétaire. Bilie-By-Nze relève un fait d’apparence technique mais politiquement explosif: un budget 2026 adopté à 7 233,3 milliards FCFA, puis ramené à 6 358,2 milliards FCFA «quelques jours seulement après», soit près de 875 milliards FCFA retranchés sans explication publique. Gouvernement ou Parlement? Amendement ou correctif interne? Le silence, selon lui, vaut aveu de désordre.
La Taxe Forfaitaire d’Habitation devient, dans son texte, le symbole parfait de cette dérive: «tantôt 2,8 milliards de FCFA, tantôt 22,6 milliards», parfois mensuels, parfois annuels, sans méthodologie publiée. «Ici, l’imprévisibilité tient lieu de tableau de bord», écrit-il, cinglant.
Plus grave encore, la dette. Alors que l’exécutif se prévaut d’avoir remboursé 3 142 milliards FCFA, l’encours atteindrait près de 8 600 milliards FCFA à fin octobre 2025, traduisant un réendettement accéléré: 147 milliards FCFA empruntés par mois. La dette oscille ainsi entre 73 % et 80 % du PIB, selon que l’on inclut ou non arriérés et engagements. Une plasticité des chiffres qui, selon Bilie-By-Nze, alimente un double discours: rassurant pour l’opinion locale, plus prudent face aux partenaires et aux agences comme Fitch Ratings ou Moody’s.
Projets structurants, institutions et pouvoir: la dissonance généralisée
Le réquisitoire s’étend ensuite aux grands projets, à commencer par Bélinga. Tracé ferroviaire incertain, port minéralier annoncé sur plusieurs zones, phasage mine–rail–port jamais exposé de façon cohérente: «un projet intégré ne peut se construire sur des annonces successives et contradictoires», tranche l’ancien Premier ministre. Même flottement sur l’emploi: 63 000 emplois hier, 60 000 aujourd’hui pour un seul port, quand certaines sources évoquent 20 000 emplois pour l’ensemble du projet. Sans études publiques, ces chiffres «décrédibilisent totalement la parole de l’État».
À cela s’ajoutent les routes – 1 950 km annoncés en moins de deux ans, sans audits accessibles – et une vie institutionnelle brouillée: chambres nommées et élues se chevauchant, séances parlementaires à huis clos, ministres sommés de démissionner mais conservant moyens et cabinets, intérims gouvernementaux sans base constitutionnelle explicite, cumuls de fonctions tolérés en contradiction avec les règles communautaires.
La conclusion est sans appel et dépasse la polémique partisane. Pour Bilie-By-Nze, ces dissonances ne relèvent pas du simple désordre administratif: elles signalent «une absence de vision et de stratégie», un risque juridique accru et un affaiblissement de la crédibilité du Gabon. La formule claque comme un avertissement: «Un État ne se gouverne pas par contournements. Un pays ne se pilote pas par arrangements.»





