Africa-Press – Gabon. Jour après jour, la confiance s’étiole. Semaine après semaine, le doute s’installe. Sauf à œuvrer pour de solutions importées, il faut établir la cohérence entre engagements politiques et planification budgétaire.
Jour après jour, la confiance s’étiole. Semaine après semaine, le doute s’installe. De façon récurrente, les agences de notation pointent un risque d’insolvabilité. Autrement dit, elles ne croient plus en la capacité de notre pays à faire face à ses engagements. Le 19 du mois en cours, «Fitch Ratings a abaissé (sa) note de défaut émetteur (..) en devises étrangère de CCC à CCC-». Quant à celle en monnaie locale, elle est passée de «CCC» à «CC». Autrement dit, la situation économique ne rassure plus les marchés financiers. Bien au contraire. Elle va se dégradant, en raison notamment d’une politique fiscale plus expansive, d’une accumulation des arriérés de paiement et d’une forte pression sur les finances domestiques. À court terme, cela peut se traduire par une hausse des taux d’intérêt et, partant, des difficultés pour lever des fonds.
Critères de convergence
S’ils sont les premiers à être interpellés, la direction générale de la Dette et, plus largement, le ministère de l’Economie et des Finances ne sont pas les seuls. Au sein de l’appareil d’Etat, chacun doit se sentir concerné. Comme le sommet extraordinaire de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac) du 16 décembre 2024, comme les alertes du Fonds monétaire international (FMI), ce coup de semonce remet en cause certaines options, pointant des errements dans la gouvernance. Entre des grands travaux engagés sans se soucier des règles de passation des marchés, des remboursements anticipés décidés en dehors de toute stratégie sous-régionale, d’étranges porosités entre la principale banque privée et le Trésor public et des scandales financiers à répétition, le pays laisse le sentiment d’évoluer en marge de toute orthodoxie. Quant à ses élites, elles donnent l’impression de n’avoir cure des considérations éthiques et morales.
Certes, le Gabon est fondé à décider de ses politiques publiques, y compris en matière d’investissements ou du désendettement. Certes, ses élites exécutives sont uniquement responsables devant le président de la République. Et devant personne d’autre. Certes, sa justice a le droit de demander des comptes aux dépositaires de l’autorité publique. Mais, tout ceci ne doit pas faire oublier la réalité: notre pays est membre d’une zone monétaire et d’une zone financière en phase de consolidation. Tout cela le contraint au respect des critères de convergence, notamment s’agissant des déficits publics, de la dette ou du recours à des financements bancaires. Cela l’oblige aussi à toujours avoir un œil sur les réserves de change, notamment à travers la maîtrise des importations, l’encadrement des paiements et l’accès aux financements concessionnels. Avant d’engager des dépenses, l’exécutif aurait dû songer à garantir la cohérence entre variables économiques et flux financiers. Or, il n’en a rien été.
Politique budgétaire expansionniste
Dès après le 30-août 2023, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) avait fait le choix d’une politique budgétaire expansionniste, multipliant chantiers et annonces coûteuses sans avoir sécurisé les financements. D’ailleurs, dans son rapport 2024, la Cour des comptes dénonce «d’importantes irrégularités» dans l’exécution budgétaire. Pêle-mêle, elle parle de crédits supplémentaires ouverts, mais non déclarés ; de dépassements, notamment pour les bâtiments administratifs et les institutions ; de virements et transferts non-conformes, effectués en violation des procédures ; d’une différence de 691 milliards entre le montant réel de la dette et celui affiché… Autant de dérives révélatrices d’un déficit de contrôle, notamment de la part du Parlement de la Transition. À ces dérives s’est ajoutée une confusion des rôles, née de la nomination d’Henri-Claude Oyima comme ministre de l’Economie et des finances. Du fait d’un inédit cumul, le toujours patron de BGFIBank suscite étonnement et inquiétudes auprès des organes de régulation et potentiels investisseurs.
Comment sortir de cette situation? Même si leurs champs d’action sont limités, tous les acteurs disposent de leviers. L’exécutif doit établir la cohérence entre engagements politiques et planification budgétaire. Il doit aussi inviter le ministre de l’Econome à clarifier sa situation, tout en mettant l’administration en demeure de produire des résultats et rendre des comptes. Le Parlement doit se montrer plus exigeant et plus incisif dans son rôle de contrôle. Idem pour la Cour des comptes. Quant à la société civile, elle doit exercer son droit au contrôle citoyen de l’action publique. Après tout, la dégradation de la note souveraine du pays résulte d’abord des failles dans la gouvernance. Sauf à œuvrer pour de solutions importées, imposées par le FMI, il convient de procéder à un alignement politique sur les contraintes de la Cemac. Et cela commence par une mobilisation de tous les acteurs.





