Africa-Press – Gabon. Au croisement de la tradition et de la modernité, le Gabon célèbre une œuvre pionnière: le premier dictionnaire bilingue Français-Gisir / Gisir-Français. Fruit de trente années de recherche, ce trésor linguistique entend raviver une langue menacée d’oubli et redonner à tout un peuple le goût de parler sa mémoire.
La culture gabonaise vient de franchir une étape historique: la parution du tout premier dictionnaire bilingue Français-Gisir / Gisir-Français. Présenté le 31 octobre au Musée national de Libreville, cet ouvrage monumental, fruit de trente années de recherche, marque un tournant décisif dans la sauvegarde et la modernisation d’une langue menacée d’effacement.
Un trésor linguistique pour l’avenir
Porté par le linguiste et chercheur Théodore Kwayi-Mesanongi, ce dictionnaire n’est pas une simple compilation lexicale. C’est une entreprise de mémoire et de transmission, un acte de résistance culturelle face à la disparition progressive du Gisir. «Ce travail insiste énormément sur la didactique, il va nous apprendre à prononcer le Gisir, à écrire le Gisir, et ce travail a été mis en avant par sept personnes issues de l’ONG Dibundu Di Mutsonzigu, qui vise à promouvoir et valoriser le Gisir», a souligné l’auteur, ému, en évoquant trois décennies de patient labeur au sein de l’ONG Dibundu Di Mutsonzigu, dédiée à la valorisation du patrimoine linguistique gabonais.
Selon Antony Franck Evouna, directeur général adjoint des Éditions Ntsame, éditer un tel ouvrage relève à la fois de la fierté et du devoir. «Ce dictionnaire donne une place à la langue Gisir dans la modernité tout en offrant aux enseignants, chercheurs un outil de référence fiable et structuré», a-t-il déclaré, avant d’ajouter que «croit fermement que le développement d’un pays passe par la reconnaissance et la valorisation de ses langues».
Une œuvre à la fois savante et pédagogique
Le Dr Pissama Mamboundou, anthropologue et présentateur de l’ouvrage, a rappelé que la bataille du Gisir est aussi celle de la diversité culturelle. «Pour parler correctement le Gisir qui est en concurrence avec toutes les langues du monde et pour qu’elle ne disparaisse pas, il faut des outils en grammaire, en orthographe, en phonétique… et ce dictionnaire est déjà une référence pour ce combat», a-t-il martelé.
L’œuvre recense près de 18 000 mots, accompagnés des règles de grammaire et d’usage qui permettront à chaque locuteur de devenir un bilinguiste intégral. Un soin particulier a été porté à la transcription et à l’élaboration d’un alphabet normé, indispensable à l’enseignement de la langue. La phonétique y occupe une place essentielle, notamment pour expliquer les sons et symboles absents des claviers numériques.
Mais l’innovation ne s’arrête pas au papier. Une application mobile est en cours de développement: elle offrira des supports audio, des proverbes et des textes en Gisir, afin de favoriser un apprentissage interactif et vivant. L’objectif est clair: apprendre à parler le Gisir, certes, mais aussi à l’écrire correctement, pour le faire entrer pleinement dans l’ère numérique.
Une victoire culturelle et citoyenne
Vendu à 25 000 F CFA aux Éditions Ntsame, ce dictionnaire est présenté comme un bien commun: un ouvrage destiné autant aux chercheurs qu’aux familles, aux écoles et aux communautés locales. L’événement de lancement s’est tenu en présence de la Direction générale du Musée national et de celle des Éditions Ntsame, témoignant d’un engagement institutionnel fort pour la sauvegarde du patrimoine immatériel gabonais.
Pour la suite, l’ONG Dibundu Di Mutsonzigu prévoit d’organiser des conférences et de créer des programmes communautaires favorisant la transmission intergénérationnelle des langues. D’autres dictionnaires sont déjà en projet, notamment pour le Fang, l’Omiene et le Nzebi.
Plus qu’un simple outil linguistique, le dictionnaire Français-Gisir / Gisir-Français s’impose comme un symbole: celui d’un Gabon qui choisit de parler toutes ses voix pour mieux affirmer son identité.
Thécia Nyomba (Stagiaire)
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Gabon, suivez Africa-Press





