Dérives des cinq dernières années : Entre circonspection et colère

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Dérives des cinq dernières années : Entre circonspection et colère
Dérives des cinq dernières années : Entre circonspection et colère

Africa-Press – Gabon. De nombreux citoyens se demandent si le Gabon peut entretenir l’impunité à propos des bidouillages constitutionnels, réformes juridiques loufoques et de l’usurpation de pouvoir.

Passée l’euphorie, le débat sur le droit à la justice n’en finit plus. Partout et sur tous les tons, de nombreux citoyens se demandent si le Gabon peut entretenir l’impunité à propos des dérives constatées depuis la survenue de l’accident vasculaire cérébral d’Ali Bongo. En 2016, suite à l’assaut contre le quartier général de Jean Ping, nombre d’observateurs avaient fondé leurs espoirs sur la justice internationale, s’en remettant à la Cour pénale internationale (CPI). Cette fois-ci, l’opinion est demandeuse d’une justice transitionnelle, respectueuse des quatre étapes classiques : établissement et reconnaissance des abus ; identification des auteurs et poursuites judiciaires ; réparation à la hauteur des préjudices causés et ; renforcement de la responsabilité individuelle, de la transparence et de la participation à la vie publique.

Prévenir de nouveaux abus

Cette demande ne procède ni d’un désir de vengeance ni de considérations politiciennes. Bien au contraire. Elle exprime l’ambition de parvenir à la réconciliation nationale. Elle vise à poser les fondements d’une société plus juste, plus humaine, et d’un État au service de tous et non de quelques-uns. Pour prévenir de nouveaux abus, il faut en finir avec la culture de l’impunité. Pour soigner les blessures et encourager le dialogue, il faut regarder le passé en face, quitte à rechercher les causes des manquements constatés. Pour établir un État de droit, il faut admettre l’égalité devant la loi, respecter la séparation des pouvoirs et la hiérarchie des normes juridiques. En prend-on le chemin quand les auteurs des bidouillages constitutionnels et initiateurs de réformes juridiques loufoques s’autorisent à faire la leçon ? Ou quand les bénéficiaires de l’usurpation de pouvoir ne se montrent nullement gênés ?

Certes, il faut éviter de tomber dans la justice des vainqueurs, au risque de céder à l’arbitraire. Certes, il faut se garder de faire dans la justice-spectacle, sous peine de porter atteinte à la dignité humaine. Certes, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) continue de prendre ses marques. Mais, plus le temps passe, plus certains faits se couvrent d’une apparente normalité. Or, il faut bien comprendre pourquoi a-t-on fait de la Covid-19 une question sécuritaire, comment ont été gérés les fonds destinés à la lutte contre cette pandémie et, pourquoi le rapport d’enquête parlementaire a-t-il été mis sous le boisseau. Il faut faire la lumière sur la paternité de la Concertation politique de février dernier et des ajustements apportés au système électoral, notamment l’infamant «bulletin unique». Au-delà, il faut dire comment et pourquoi l’épouse et le fils aîné d’Ali Bongo ont-ils pu prendre le contrôle de l’appareil d’État, au vu et au su des institutions, notamment la Cour constitutionnelle, le gouvernement et les deux chambres du Parlement.

Clarifier la situation du PDG

Aucune société ne s’est construite sur l’absolution unilatérale des fautes ou la culture de l’oubli. Jamais et nulle part, une mémoire sélective n’a favorisé la réconciliation et le progrès social. Partout, il a fallu recourir à un éventail d’outils, judiciaires ou non, pour construire une paix durable, porteuse de mieux-être pour tous. Il en été ainsi en Argentine, au Chili, en Tchécoslovaquie, en Afrique du sud et dans de nombreux pays. Quand des amnisties individuelles ont été accordées, il a préalablement fallu faire éclore la vérité. Or, ces derniers jours, on a assisté à de surréalistes passations des charges, les anciens titulaires des fonctions se donnant même le droit de fanfaronner. Comme s’ils n’étaient pas les ténors d’un régime déchu. Comme si les événements du 30 août dernier ne disaient rien de leurs agissements passés. Comme s’ils avaient tourné la page sans avoir pris le temps de la lire ou de se livrer à un examen de conscience.

Certains plaideront la nécessité d’envoyer des signaux de continuité de l’Etat. Mais ces cérémonies n’en sèment pas moins circonspection et colère. Pour ne pas nourrir d’inutiles frustrations, il faut clarifier la situation du Parti démocratique gabonais (PDG) : si le clivage majorité/opposition n’est plus aussi net, on ne doit pour autant pas assimiler les chantres du «bulletin unique» à ses victimes, tous ces candidats ou citoyens injustement privés de leur droit de vote à la dernière présidentielle ou aux dernières législatives. On ne peut non plus faire comme si certains ne se posaient pas en relais institutionnels de personnalités inconnues de la Constitution. De même, on ne peut banaliser les détournements et atteintes aux libertés publiques opérés sous prétexte de lutte contre la pandémie à coronavirus. Si l’on veut se donner des garanties de non-répétition, il faut commencer par faire la part des choses et les nommer.

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