Ukraine-Russie : l’UA dénonce le racisme anti-africain dans les opérations de rapatriement de ses ressortissants

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Ukraine-Russie : l’UA dénonce le racisme anti-africain dans les opérations de rapatriement de ses ressortissants
Ukraine-Russie : l’UA dénonce le racisme anti-africain dans les opérations de rapatriement de ses ressortissants

Africa-Press – Gabon. Alors que la guerre fait rage entre Moscou et Kiev, les États africains se mobilisent pour assurer la sécurité de leurs concitoyens. L’Union africaine s’est inquiétée du traitement raciste auquel font face les Africains qui tentent de passer les frontières.

Parmi les difficultés logistiques inhérentes aux procédures de rapatriement suite à l’invasion russe sur le territoire ukrainien débutée le 24 février, les États africains doivent en affronter une supplémentaire. Seuls une dizaine de pays africains disposent d’une ambassade en Ukraine (l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Égypte, la Libye, le Maroc, le Nigeria et le Soudan) et/ou d’un consulat (l’Afrique du Sud, le Bénin, le Kenya, les Seychelles, la Sierra Leone, la Tunisie), et la prise en charge des ressortissants du continent restés en Ukraine s’avère particulièrement complexe.

Alors que, selon l’ONU, 500 000 réfugiés en provenance d’Ukraine ont déjà trouvé refuge dans les pays limitrophes, les Africains résidant en Ukraine cherchent, eux aussi, à fuir la guerre en rejoignant les États voisins, avant d’être rapatriés.

Les communiqués se multiplient depuis que la Russie a fait franchir à ses troupes les frontières ukrainiennes. Ce 28 février, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a publié un communiqué faisant état de sa « grande préoccupation » de la situation en Ukraine, et a fermement condamné l’invasion russe, en appelant toutes les parties à « assurer la sécurité des ressortissants de l’ensemble de ses États membres vivant en Ukraine ».

Coordination des rapatriements

De nombreuses ambassades accréditées en Ukraine étant basées dans les pays voisins, et notamment en Pologne, un groupe de discussions entre ambassadeurs africains aurait, selon nos informations, vu le jour pour coordonner les opérations de rapatriement. L’ambassade de Côte d’Ivoire en Allemagne a annoncé le lancement d’une mission d’évacuation à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine de ses ressortissants, dont le nombre est estimé à 500. « Ceux qui souhaitent bénéficier de cette opération d’évacuation qui se fera à partir de la frontière entre la Pologne et l’Ukraine, sont invités à contacter la cellule de crise de l’ambassade », précisent les autorités ivoiriennes.

Dans beaucoup de pays subsahariens, la diaspora représente des échantillons très sporadiques, voire infimes. Pour le Bénin, ils sont moins d’une dizaine à être recensés et suivis, et disposent d’un numéro à appeler en cas de problème. À ce jour, aucun d’entre eux n’a formulé la demande de partir. De son côté, le Sénégal compte officiellement 67 ressortissants installés en Ukraine, parmi lesquels, selon nos informations, une trentaine aurait tenté de franchir la frontière polonaise, et une quinzaine y serait parvenue. Le profil de ces expatriés varie : des étudiants et d’anciens étudiants qui ont choisi de rester travailler sur place, quelques sportifs professionnels, dont des footballeurs sénégalais qui évoluent dans des clubs ukrainiens.

Sur les 56 citoyens comoriens présents en Ukraine, 12 ont réussi à passer la frontière cette nuit pour rejoindre la Roumanie. Les Comores ne disposant pas d’une antenne diplomatique sur place, c’est l’ambassade des Comores à Paris qui a suivi l’opération. L’ambassade d’Allemagne à Bucarest a ensuite pris le relais, en assurant leur prise en charge, toujours selon nos sources.

De fortes communautés maghrébines

La situation est sensiblement différente pour les pays du Maghreb, dont le nombre de ressortissants présents en Ukraine est bien plus élevé. Avec ses 12 000 ressortissants, le Maroc représente la deuxième communauté étudiante étrangère du pays. Quelque 3 000 d’entre eux ont anticipé la situation et sont rentrés au royaume avant le déclenchement des hostilités.

Après avoir mis en place plusieurs vols au départ de Bucarest et de Varsovie au tarif fixe de 750 dirhams (environ 70 euros), les autorités marocaines et mauritaniennes ont annoncé que les citoyens mauritaniens pourront également prendre place dans les avions de Royal Air Maroc à destination de Casablanca. Le gouvernement marocain a d’ailleurs appelé tous ses concitoyens à quitter le pays.

En Algérie, les choses pourraient évoluer rapidement suite au décès tragique, le 27 février, d’un jeune Algérien de 24 ans touché par une balle perdue à la tête alors qu’il tentait de fuir une zone de combat. Jusqu’ici, Alger n’avait pas appelé ses ressortissants, estimés à 10 000, à quitter le pays, et s’était contenté de leur demander de ne « sortir de chez eux qu’en cas d’urgence », tout en affirmant suivre « de façon continue » la situation de ses ressortissants en Ukraine.

Côté tunisien, environ 300 citoyens sur les 1700 présents ont quitté le territoire ukrainien. Un premier convoi de cinq bus et huit voitures a quitté le pays. Enfin, la Libye a choisi de s’appuyer sur la Slovaquie pour l’évacuation de sa diaspora, qui compte 3000 individus d’après son ambassade à Kiev.

Mais même lorsqu’ils parviennent à traverser l’Ukraine en proie aux tirs de part et d’autre et sous les bombes russes, les ressortissants africains se heurtent, pour nombre d’entre eux, à des actes de discrimination lors du passage de frontière. « J’ai quitté Kharkov pour Lviv (la ville frontière avec la Pologne) par bus, témoigne un étudiant guinéen. Nous avons fini par arriver le 27 février à 6 heures à la frontière. Nous avons attendu impatiemment notre bus dans la neige et le froid. Mais la priorité est donnée aux Ukrainiens pour traverser, nous n’avions que 1 % de chance d’emprunter un de ces bus. Nous sommes retournés à Lviv et avons négocié un trajet en taxi à 500 euros pour rejoindre la première ville de Pologne, à Przemysl. »

Face aux vidéos exposant la discrimination manifeste que subissent les ressortissants africains, dont certains sont vus refoulés des trains ukrainiens, plusieurs pays ont réagi officiellement et interpellé le gouvernement ukrainien. Dans un communiqué, le président de l’Union africaine (UA) et chef d’État sénégalais Macky Sall et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki, ont « exhort[é] tous les pays à respecter le droit international et à faire preuve de la même empathie et du même soutien envers toutes les personnes qui fuient la guerre, nonobstant leur identité raciale ».

Une approche partagée par le Nigeria, qui a demandé aux autorités locales et frontalières de « traiter avec dignité » ses 4 000 ressortissants, après avoir constaté des cas de refoulement à la frontière polonaise. Si l’ambassadrice de Pologne au Nigeria a affirmé que « tout le monde reçoit un traitement égal », le ministre des Affaires étrangères nigérian a d’ores et déjà appelé ses concitoyens à se diriger vers la Hongrie ou la Roumanie plutôt que vers la Pologne.

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