Vincent de Paul Massassa Face à l’Ingratitude Gabonaise

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Vincent de Paul Massassa Face à l'Ingratitude Gabonaise
Vincent de Paul Massassa Face à l'Ingratitude Gabonaise

Africa-Press – Gabon. Inculpé, entre autres, pour des faits présumés de corruption active, Vincent de Paul Massassa est incarcéré depuis plus de deux ans à la prison centrale de Libreville. Louis Gaston Aubame, juriste pétrolier, dénonce dans cette tribune l’ingratitude et l’hypocrisie de la société gabonaise face à la situation de l’ancien ministre du Pétrole. Il souligne que l’isolement de Massassa n’est pas fortuit, mais le résultat d’une culture nationale où les courtisans disparaissent dès que le pouvoir s’effrite ou que le soupçon apparaît. Pour l’ancien administrateur-directeur général de Gab’Oil, cette attitude révèle moins la situation de l’ancien membre du gouvernement que la faillite morale collective: le véritable procès est celui de la société gabonaise elle-même.

En lisant “Les Mémoires” d’Abdou Diouf, publié aux Éditions du Seuil en octobre 2014, je me suis surpris à hocher la tête.

Pas par admiration littéraire.

Par reconnaissance.

Par familiarité.

Par ce sentiment désagréable de déjà-vu qui vous traverse lorsque quelqu’un décrit avec une précision chirurgicale une scène que vous avez, vous-même, observée mille fois sur notre sol gabonais.

Quand Abdou Diouf raconte comment, à peine relevé de ses fonctions de gouvernance,

les griots les plus bruyants se sont soudain tus,

les marabouts les plus empressés sont devenus injoignables,

les « grands fidèles » se sont volatilisés…

on croirait lire une chronique de chez nous. Une chronique de notre société.

Une chronique du pouvoir et de la lâcheté.

Aujourd’hui, ce sont ces mêmes pages qui éclairent avec force ce qui se passe autour de Vincent de Paul Massassa, ancien Ministre du Pétrole et du Gaz, incarcéré à la Prison centrale de Libreville depuis vingt-six (26) mois.

Une solitude qui n’est pas naturelle: elle est organisée.

L’isolement de Vincent de Paul Massassa n’a rien de spontané.

Il n’est pas le fruit du hasard, mais celui de cette mécanique sociale sans pitié qui traverse le Gabon depuis des décennies: la désertion dès que la lumière faiblit.

Hier encore, tout le monde voulait « Vincent de Paul Massassa ».

Il suffisait qu’il entre dans une salle pour que les sourires se déclenchent, les courbettes se multiplient, les téléphones s’illuminent.

Les mêmes qui, aujourd’hui, ne décrochent plus.

Les mêmes qui changent de trottoir quand il est cité.

Les mêmes qui ne veulent même plus prononcer son nom de peur d’être «associés».

Il y a un mot pour cela: l’ingratitude.

Et un autre mot pour son perfectionnement: l’hypocrisie.

Abdou Diouf parle de cette race d’hommes qui vous applaudissent tant que vous êtes debout, mais disparaissent à la seconde où vous trébuchez. Ici, ce n’est même plus une catégorie. C’est une culture. Une culture nationale. Une culture politique. Une culture sociale.

Ceux qui l’entouraient hier ne sont pas devenus muets par pudeur, mais par calcul

Il faut dire les choses comme elles sont:

Ce mutisme n’est pas un trou de mémoire.

Ce n’est pas une erreur de communication.

C’est un positionnement. Une stratégie. Une prise de distance étudiée.

Quand l’homme porte le pouvoir, les gens s’agglutinent.

Quand le pouvoir porte le soupçon, les gens se dispersent.

C’est la logique des courtisans. Des accompagnateurs du soleil. Des amis de circonstance.

Ovide l’avait écrit, Diouf l’a répété, et l’histoire gabonaise en apporte la preuve quotidienne:

« Tant que la fortune te sourit, tu auras beaucoup d’amis ; si les nuages se montrent, tu te retrouveras seul. »

Aujourd’hui, la pluie tombe.

Et autour de Vincent de Paul Massassa, c’est la débandade générale.

La Justice suit son cours, mais la société, elle, se dévoile

Il n’est pas question ici de blanchir qui que ce soit.

La Justice doit faire son travail. Sans bruit. Sans émotion. Sans favoritisme.

Mais la manière dont un pays traite ceux qui traversent la tempête dit beaucoup de ce que ce pays vaut moralement.

Et que voyons-nous?

Des proches qui ne parlent plus.

Des amis qui reculent.

Des collaborateurs qui se renient.

Des « compagnons » qui neutralisent leurs comptes WhatsApp, suppriment leurs photos, prennent des airs de « je n’ai jamais été là ».

C’est cette attitude – et pas la procédure – qui devrait nous scandaliser.

Parce qu’on peut débattre des actes d’un homme.

Mais on ne débat pas de l’humanité.

Elle se donne ou se retire.

Elle s’affirme ou s’éteint.

Et dans ce cas précis, elle s’est éteinte avec une vitesse qui fait froid dans le dos.

Le cas de Vincent de Paul Massassa n’est pas qu’une histoire personnelle.

C’est un test national.

Ce qui arrive à Vincent de Paul Massassa est un révélateur:

révélateur de nos fragilités sociales,

révélateur de notre hypocrisie collective,

révélateur de notre incapacité à soutenir sans calcul,

révélateur de notre facilité à abandonner un homme dès que le vent tourne.

Ceux qui l’applaudissaient hier n’étaient donc pas là pour lui.

Ils étaient là pour ce qu’il représentait.

Et dès que la fonction s’est effritée, les hommes ont disparu avec la même célérité que les « amis » d’Abdou Diouf devant la pharmacie du Rond-Point.

En conclusion, le silence n’innocente pas – il révèle.

Le silence autour de Vincent de Paul Massassa n’est pas un signe de prudence.

C’est un aveu.

Le signe que les fidélités qu’il pensait acquises n’étaient que des décorations saisonnières.

Et ce silence-là révèle bien plus la nature des hommes que la situation du ministre.

Ainsi, avant de juger Vincent de Paul Massassa, jugeons-nous nous-mêmes:

Sommes-nous devenus une société où l’on ne soutient un homme que lorsqu’il est utile?

Si oui, alors ce n’est pas lui qui est en disgrâce.

C’est nous.

*Louis Gaston Aubame, Juriste pétrolier

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