Bgfibank: Entrée en Bourse entre Justice et Héritages

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Bgfibank: Entrée en Bourse entre Justice et Héritages
Bgfibank: Entrée en Bourse entre Justice et Héritages

Africa-Press – Gabon. Annoncée comme l’opération financière la plus audacieuse de la décennie au Gabon, l’introduction en bourse de BGFIBank s’est transformée en un feuilleton judiciaire haletant. Derrière la bataille d’actionnaires menée notamment par Christian Kerangall, une surprise: l’ombre insistante du clan Bongo, revenu brouiller les cartes d’un projet censé marquer l’entrée de la banque dans la modernité. Entre héritages empoisonnés, rivalités d’influence et justice saisie, l’IPO* historique vire au révélateur d’un capitalisme gabonais encore captif de ses fantômes.

L’introduction en bourse de BGFIBank, censée incarner l’acte de maturité du premier groupe bancaire d’Afrique centrale, s’est muée en un psychodrame où se croisent justice, héritages et rivalités de pouvoir. Derrière le conflit juridique, c’est une lutte à plusieurs dimensions: un duel entre Christian Kerangall et Henri-Claude Oyima, mais aussi le retour inattendu du clan Bongo dans l’arène économique, brouillant toutes les lignes de lecture.

La contestation Kerangall et l’ombre persistante des Bongo

Prévue pour lever 125,8 milliards de FCFA, l’IPO a été stoppée net par un recours de Kerangall et de ses alliés. Mais une analyse d’Africa Intelligence, publiée ce 1er septembre, fait apparaître une donnée plus préoccupante: «le délibéré […] éclaire la composition de ce groupe de frondeurs: un attelage entre la galaxie Sogafric et des proches de l’ex-président Ali Bongo». On y retrouve Jalil Bongo, fils d’Ali, à la tête de Capella (5 %), Christophe Valentin, frère de l’ex-première dame Sylvia Bongo, via Selco (0,71 %), ou encore Abdoul Oceni Ossa, ex-conseiller de Noureddin, administrateur d’Equarius (5 %).

En d’autres termes, ceux qui hier tenaient BGFIBank comme le coffre-fort des élites gabonaises, se retrouvent aujourd’hui dans le camp des contestataires, unis au milliardaire Kerangall. L’ombre du clan Bongo plane sur l’assemblée générale du 25 juin, où leurs votes, selon les requérants, auraient été purement ignorés. Le récit d’Africa Intelligence note que leur représentante, Gisèle Eyue Bekale, fut installée «au fond de la salle», avant que le dépouillement expédié en «trois secondes» ne laisse entendre que «la messe était dite».

Oyima entre tradition, héritages et modernisation contrariée

Henri-Claude Oyima réplique en invoquant «le strict respect de l’Acte uniforme OHADA», en appelant à «la responsabilité et à l’élégance d’accepter le fait majoritaire». Mais ses mots révèlent un paradoxe: celui qui a bâti BGFIBank en quarante ans se trouve aujourd’hui cerné. Contesté par Kerangall, fragilisé par la résurgence du clan Bongo, et surveillé par le pouvoir d’Oligui Nguema, Oyima est pris dans une tenaille où chaque camp teste ses faiblesses.

Le blocage de l’IPO empêche en outre la réforme de gouvernance censée séparer présidence et direction générale. Autrement dit, au moment précis où BGFIBank devait tourner la page d’un modèle personnalisé, les querelles d’héritage replongent l’institution dans les arcanes du passé.

Une bataille qui transcende la Bourse

Au-delà des chiffres et des pourcentages de capital, ce conflit débouche sur une vérité crue: la modernisation financière du Gabon reste prisonnière des fantômes de l’histoire. Kerangall défend une vision patrimoniale, les Bongo luttent pour préserver ce qui reste de leur empire, et Oyima tente de sauver l’image d’un projet qu’il présentait comme un «acte de souveraineté». Mais la souveraineté se dérobe, happée par les héritiers d’un système qu’Oligui Nguema prétend démanteler.

Ainsi, l’ombre du clan Bongo n’est pas seulement un titre accrocheur: elle incarne la persistance d’une dynastie qui, même déchue, continue de peser sur l’avenir des grandes institutions. L’IPO de BGFIBank devait ouvrir une ère nouvelle ; elle révèle, au contraire, combien le capitalisme gabonais peine à se libérer des héritages empoisonnés.

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*IPO: abréviation de l’anglais Initial Public Offering, désigne tout simplemnt une introduction en bours

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