Commande Publique Et Ententes Directes En Question

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Commande Publique Et Ententes Directes En Question
Commande Publique Et Ententes Directes En Question

Africa-Press – Gabon. 93,25 % des marchés publics ont été attribués par entente directe dans le cadre de l’exercice budgétaire 2025. Ce constat suscite doutes et interrogations quant à l’attachement des dirigeants actuels aux normes de bonne gouvernance.

Aveu, lapsus ou coup de Jarnac? On ne tranchera pas. En sa session du 30 mai 2025, le Conseil des ministres «a exprimé sa vive préoccupation face au constat selon lequel 93,25 % des marchés publics, en valeur, ont été attribués par entente directe dans le cadre de l’exercice budgétaire 2025». Au-delà de l’aspect financier, ce constat suscite doutes et interrogations quant à l’attachement des dirigeants actuels aux normes de bonne gouvernance. Implicitement, il pointe des manquements à certains principes élémentaires, notamment l’égalité devant la règle de droit, la responsabilité des gouvernants et la transparence dans la conduite des affaires publiques. A l’orée d’un mandat présidentiel, c’est une piqûre de rappel pour Brice Clotaire Oligui Nguéma. C’est aussi une pierre dans le jardin du défunt Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).

Opacité

Sans jeter de l’huile sur le feu, il convient de redire un certaines vérités. Notre pays n’a jamais été réputé pour la qualité de sa gouvernance. Année après année, évaluation après évaluation, ses résultats sont allés decrescendo. Si des solutions ont été préconisées, rien n’y a fait, les vieilles habitudes ayant la peau dure. Ainsi, en 2024, il se situait au 32ème rang continental sur 54 pays évalués, selon l’indice Mo Ibrahim. La même année, Transparency international le classait en 135ème position sur 180, le rangeant dans la catégorie des pays «fortement corrompus». C’est dire si l’avènement du CTRI n’a pas changé la donne. C’est aussi dire si de nombreuses promesses sont demeurées incantatoires, notamment celles relatives à l’Etat de droit, à l’indépendance de la justice et la lutte contre l’impunité et, à l’«instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable».

Durant la Transition, de nombreux chantiers ont été lancés, notamment dans le bâtiment et les travaux publics. On a vu certaines entreprises passer de l’ombre à la lumière. D’autres, jadis inconnues ou marginales, se parer des atours de majors. Si on a aussi vu des entités de renommée internationale faire leur apparition, tous ces marchés ont été passés dans des conditions confinant à l’opacité. Systématiquement, il a été fait mention de négociations secrètes ou de gré à gré. Jamais, on n’a eu droit à des appels d’offres ouverts. Ancien président de la Fédération des entreprises du Gabon (FEG), Henri-Claude Oyima a vécu ces moments sinon de l’intérieur, du moins de très près. Pourquoi n’a-t-il jamais invité les membres de la FEG à un comportement plus vertueux? Devenu membre du gouvernement, il s’en offusque. Peut-on l’entendre sans le renvoyer à un passé récent ou sans chercher à cerner les ressorts de sa prise de position?

Néo-patrimonialisme

Sauf crédulité extrême, on ne peut se contenter de prendre acte de la foucade du Conseil des ministres. On ne peut se satisfaire de son appel à un «sursaut immédiat». Encore moins de sa tirade sur «la nécessité de renforcer la discipline administrative et d’appliquer rigoureusement les règles relatives à la commande publique, dans un esprit de transparence, de concurrence équitable et de bonne gouvernance». Et pour cause: ni l’équité de la compétition ni les prix ni la qualité des services ni la rationalisation des procédures ne se décrètent. Idem pour la publicité des appels, la réception et l’évaluation des offres ou l’attribution des marchés. Dans ces domaines-là, tout se construit. D’abord en se conformant aux bonnes pratiques en matière de législation. Ensuite, en engageant une lutte sans merci contre la corruption et l’impunité. Comme l’intégrité de l’administration publique, le contrôle externe et la sanction doivent devenir des réalités de tous les jours.

Au Gabon, la gestion de la commande publique et, plus largement de l’économie ou des finances, n’a jamais été placée sous le sceau de l’éthique et de la vertu publique. Il y a quelques semaines, Henri-Claude Oyima lui-même refusait d’admettre être en situation de conflit d’intérêt potentiel, affirmant devoir quitter la Banque gabonaise française et internationale (BGFI) «en douceur pour garantir les intérêts de (ses) actionnaires, des clients et des fournisseurs». Comment ne pas y voir l’expression de ce néo-patrimonialisme aux effets néfastes bien connus? Sauf à œuvrer à la perpétuation des mauvaises pratiques, le gouvernement doit prendre le taureau par les cornes: non seulement il doit en finir avec les relations clientélistes, mais il doit aussi mettre fin au mélange des genres tout en engageant une lutte sans merci contre la corruption. Jouissant encore d’une légitimité certaine, sa crédibilité est à ce prix.

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