Africa-Press – Gabon. Dans un contexte marqué par la quête de nouvelles compétences et l’ouverture internationale, de plus en plus de jeunes Gabonais choisissent de se former à l’étranger afin de s’outiller face aux exigences d’un monde en mutation. Installé en Chine depuis 2016, Bivigou Essone Randy Clyde fait partie de cette génération qui ose sortir des sentiers battus. Arrivé presque par circonstance, resté par conviction, il s’est forgé un parcours singulier fait de résilience, de discipline, d’apprentissage autodidacte et d’ambitions tournées autant vers son intégration professionnelle en Chine que vers la transformation industrielle du Gabon. Entrepreneur, diplômé en ingénierie industrielle et fondateur de la structure Neromidas, il revient dans cet entretien sur son histoire, ses combats, ses réussites et sa vision pour l’avenir.
Gabonreview: Pour commencer, qui est Bivigou Essone Randy Clyde?
Bivigou Essone Randy Clyde: Je suis un jeune Gabonais originaire de Libreville, entrepreneur et diplômé d’un master en ingénierie industrielle. Depuis plusieurs années, je vis en Chine, dans la ville de You, où je me suis formé, construit et lancé professionnellement.
Qu’est-ce qui vous a amené à choisir la Chine, et comment ce choix a-t-il redéfini votre parcours?
Mon arrivée en Chine relève presque du hasard: c’était le seul pays où j’avais obtenu une admission à ce moment-là. Le contexte sociopolitique de 2016 au Gabon m’a aussi poussé à saisir l’opportunité. Mais la vraie question, c’est ce qui m’a fait rester.
En découvrant la Chine, j’ai été frappé par l’écart de développement entre nos deux pays, alors que nos potentiels humains ne sont pas si éloignés. J’ai voulu comprendre leur manière de faire, leur méthodologie, leur stratégie. Et plus j’avançais, plus je réalisais que le Gabon a toutes les compétences nécessaires pour atteindre, voire dépasser certains niveaux s’il parvient à structurer ses efforts. C’est cette conviction qui m’a motivé à persévérer. En un mot: « La Chine s’est imposée à moi… mais c’est l’écart de développement qui m’a convaincu d’y rester».
Quelles ont été les premières difficultés et comment avez-vous développé votre résilience?
La barrière linguistique a été un choc. À mon arrivée, je ne parlais que français. Il a donc fallu apprendre le chinois et l’anglais simultanément, car ici, la langue chinoise est enseignée… en anglais. Il a fallu apprendre deux langues en même temps.
Une fois ce premier mur franchi, j’ai compris que la suite dépendrait moins de ma motivation que de mes habitudes. On n’a pas envie d’étudier tous les jours, mais lorsqu’on construit une discipline, elle nous porte même dans les moments difficiles. Cette force, je la dois à mon éducation familiale: la constance avant tout.
Quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier?
Paradoxalement, l’un de mes plus grands accomplissements est né d’une période difficile: le confinement de 2020. Le Covid a été une pause forcée… mais aussi une fenêtre d’apprentissage décisive. Avec l’arrêt brutal de nos activités, j’ai décidé d’exploiter ce temps pour développer mes compétences en informatique, un domaine que je voulais maîtriser pour réduire les coûts dans mes projets personnels. L’infographie, je l’avais déjà ; j’y ai ajouté un bon niveau en informatique.
Ces compétences m’ont permis de lancer ma première entreprise au Gabon avec un ami. Ce n’est pas une success-story flamboyante: l’activité a fonctionné deux ans avant de s’arrêter pour raisons logistiques et académiques. Mais cet échec a été formateur. Je suis sorti plus mature, plus structuré, avec une vision claire de l’entrepreneuriat.
En quoi l’immersion culturelle en Chine a-t-elle transformé votre vision du monde et votre conception du travail?
Je ne me suis pas « fondu » dans la culture chinoise, mais la manière dont les Chinois valorisent leur héritage m’a permis de redécouvrir la richesse de ma propre culture gabonaise. Ce que nous apprenons au pays, dans nos familles, parfois même dans nos villages, a une valeur immense à l’étranger: discipline, respect, résilience, sens de la communauté.
Sur le plan académique, mes études en ingénierie mécanique puis en ingénierie industrielle sont motivées par une ambition précise: comprendre la transformation industrielle pour que nous puissions, un jour, produire et transformer nos matières premières au Gabon. Les Chinois ne disposent pas de grandes ressources naturelles, mais ils les transforment. Nous, nous en avons, il nous manque uniquement la structuration.
Comment définiriez-vous votre entreprise et votre rôle en tant qu’entrepreneur gabonais en Chine?
Neromidas est avant tout un système d’accompagnement. Notre objectif est d’assurer transparence et contrôle pour les entrepreneurs africains particulièrement gabonais qui souhaitent commander en Chine.
Trois axes structurent notre activité: La transparence et la vérification, pour éviter les mauvaises surprises entre la commande et la livraison ; L’infographie et la visualisation, à coût réduit, pour aider ceux qui ont une idée à lui donner forme sans exploser leur budget ; L’événementiel commercial, un secteur très dynamique en Chine et encore sous-exploité en Afrique francophone.
Nous avons également mis en place une newsletter éducative, entièrement gratuite, pour aider les entrepreneurs à comprendre l’écosystème chinois: comment éviter les arnaques, sécuriser ses comptes, utiliser un VPN, choisir les fournisseurs, etc. Mon objectif est simple: démocratiser l’accès à la Chine.
Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes Gabonais qui rêvent d’étudier ou de créer à l’étranger?
Je leur dirais: ne vous précipitez pas. Le monde va vite, et la comparaison permanente crée beaucoup de frustration et de découragement. Chacun avance à son rythme. La clé, c’est la stratégie. Ceux qui brûlent les étapes s’effondrent souvent aussi vite. Ceux qui prennent le temps de construire avancent plus solidement. La jeunesse gabonaise est intelligente et capable. À Shanghai, j’ai accueilli beaucoup de nouveaux étudiants: tous ont du potentiel. Il suffit de l’orienter, pas de se précipiter.





