Face à la Chine, les États-Unis lancent la contre-offensive sur les minerais critiques africains

10
Face à la Chine, les États-Unis lancent la contre-offensive sur les minerais critiques africains
Face à la Chine, les États-Unis lancent la contre-offensive sur les minerais critiques africains

Africa-Press – Gabon. Le département d’État américain veut un partenariat public-privé pour contrer la domination de Pékin dans ce secteur stratégique. Et tenter de garder la main sur la révolution de l’énergie verte en cours.

L’enjeu est de taille : il s’agit ni plus ni moins de prendre le contrôle de la production de minéraux stratégiques en Afrique, lesquels sont les éléments centraux de la révolution énergétique en cours. Dans cette course existentielle, le gouvernement américain n’a qu’un concurrent : la Chine. Face à cet acteur, Washington a lancé le 1er novembre un nouveau partenariat public-privé pour tenter d’enrôler le secteur des entreprises dans sa compétition avec Pékin.

Associé à l’organisation à but non lucratif SAFE, le département d’État a décidé de créer le Minerals Investment Network for Vital Energy Security and Transition (Réseau d’investissement dans les minéraux pour la sécurité énergétique et la transition vitale), ou MINVEST.

L’objectif est de faire participer les entreprises américaines aux efforts du gouvernement pour obtenir les ressources nécessaires à la révolution de l’énergie verte auprès de pays amis, explique le sous-secrétaire d’État à la croissance économique, à l’énergie et à l’environnement, Jose Fernandez.

Galvaniser le secteur privé

« Pourquoi une telle démarche ? a-t-il lancé lors de la cérémonie de signature, aux côtés du fondateur et président de SAFE, Robbie Diamond. « Nous avons un besoin. Et ce besoin est très clair : pour atteindre nos objectifs en matière d’énergie propre d’ici 2050, nous aurons besoin d’un nombre exponentiel de minéraux essentiels par rapport à ceux dont nous disposons actuellement. »

« L’obstacle actuel », a-t-il poursuivi, est qu’il y a « relativement peu d’investissements dans ce domaine. Les chaînes d’approvisionnement sont dominées par un ou deux pays. Nous ne recevons pas suffisamment d’informations. Nous devons donc être en mesure de galvaniser le secteur privé pour qu’il participe à nos efforts. »

Contrôler son destin

Robbie Diamond a indiqué que SAFE avait lancé son Centre pour la stratégie des minéraux critiques en 2021 dans le but de remédier à la « vulnérabilité stratégique » des États-Unis face à la mainmise de la Chine sur de nombreux minéraux nécessaires pour alimenter les voitures électriques et les réseaux d’énergie verte. Le nouveau partenariat avec le département d’État doit faire avancer cette mission.

« Les États-Unis, leurs partenaires commerciaux et leurs alliés doivent travailler avec le secteur privé pour investir dans l’extraction, le raffinage et le recyclage de ces minerais essentiels, ainsi que dans la fabrication des produits qu’ils alimenteront afin de conserver un avantage concurrentiel au niveau mondial et surtout, de garder le contrôle de leur destin économique ou géopolitique », selon Robbie Diamond.

« La crainte est que nous passions du “Nous ne vous vendrons pas ce minerai à moins que vous n’achetiez toute la batterie” au “Nous ne vous vendrons pas la batterie à moins que vous n’achetiez toute la voiture.” Et la partie serait terminée. Au lieu de ça, nous devons être compétitifs avec ce que nous savons faire. Et ce que nous savons faire, c’est la transparence, les marchés libres, la promotion de valeurs élevées », explique Diamond.

Impératif stratégique

Ce réseau d’investissement est un « partenariat dans sa forme la plus authentique », a déclaré la représentante spéciale pour les partenariats mondiaux, Dorothy McAuliffe, « un partenariat qui a émergé organiquement à partir de buts et d’objectifs communs ». Il est le résultat du travail d’un panel présidé par Fernandez, qui a identifié la nécessité « d’intégrer davantage de perspectives du secteur privé dans nos stratégies et activités relatives aux minéraux critiques », selon McAuliffe.

L’année dernière, le bureau du sous-secrétaire d’État à la croissance économique, à l’énergie et à l’environnement a lancé un partenariat pour la sécurité des minéraux, qui regroupe actuellement 13 pays – aucun pays d’Afrique – et l’Union européenne, afin de « catalyser les investissements publics et privés dans des chaînes d’approvisionnement responsables en minéraux critiques à l’échelle mondiale ».

Ce partenariat a quatre objectifs principaux : partager des informations sur les projets dans le monde entier ; investir et financer des projets ensemble ; promouvoir le recyclage dans le domaine des minéraux critiques ; et faire tout cela de manière durable.

« C’est à la fois une opportunité commerciale pour notre secteur privé et pour nos travailleurs [et] un impératif stratégique pour les États-Unis d’être en mesure d’obtenir les types de minerais qui alimenteront notre avenir énergétique propre », a-t-il déclaré.

Le partenariat a envisagé quelque 200 projets, mais ne travaille actuellement que sur 15 d’entre eux, a indiqué Jose Fernandez. « Si nous avons réduit le nombre de projets, c’est en grande partie parce que nous pensons qu’il s’agit de projets pour lesquels nous ne pouvons pas garantir en toute bonne foi que nous suivrons les normes ESG [environnementales, sociales et de gouvernance] les plus strictes », a-t-il expliqué.

D’une dépendance à l’autre

L’attrait des États-Unis pour l’Afrique réside en partie dans leur « esprit de partenariat », a déclaré le secrétaire adjoint aux ressources énergétiques, Geoffrey Pyatt. Les pays riches en ressources « s’attendent à bénéficier de certains des avantages de ces ressources en termes de développement local, de renforcement du capital humain, de progression de leur propre transition énergétique. En effet, si les États-Unis et l’Europe continuent à tout électrifier, alors que le Sud construit de plus en plus de centrales à charbon, nous n’atteindrons pas nos objectifs climatiques mondiaux ni notre objectif de zéro émission d’ici 2050. »

Geoffrey Pyatt estime que les États-Unis ont un « impératif stratégique de s’assurer de ne pas échanger une ère de dépendance de l’Europe vis-à-vis du pétrole et du gaz russes contre une ère de dépendance vis-à-vis de la Chine pour les minerais essentiels ».

Pour y parvenir, il faut rassurer les entreprises américaines sur la possibilité de faire des affaires dans des régions comme l’Afrique, selon Robbie Diamond. « Lorsque les entreprises cherchent à s’implanter dans ces pays où l’environnement est plus difficile, le fait que le gouvernement américain les soutienne est vraiment très important pour elles », estime-t-il. « Et si les choses ne sont pas parfaites, nous sommes prêts à les soutenir. »

Manque d’urgence

Les pays africains ont également un rôle à jouer : lors du sommet sur le commerce entre les États-Unis et l’Afrique qui s’est tenu cet été au Botswana, Cynthia Griffin, responsable commerciale régionale du département américain du Commerce pour l’Afrique subsaharienne, basée à Johannesburg, a constaté un « manque d’urgence » dans certains pays africains en ce qui concerne l’adaptation de leurs cadres juridiques aux normes requises pour attirer les investissements étrangers.

« J’ai participé il y a peu à la Semaine minière en RDC », raconte Cynthia Griffin. « Je n’ai pas senti de sentiment d’urgence de la part de certains gouvernements […] en ce qui concerne les questions de gouvernance, de règlementation, ces choses que les entreprises doivent constater pour pénétrer certains de ces marchés. »

Jose Fernandez a toutefois déclaré que les pays africains étaient disposés à saisir l’occasion. « Je pense qu’ils ressentent l’urgence, mais qu’ils restent prudents. Ils n’ont pas tous eu des expériences positives… et je pense qu’ils avancent à une vitesse délibérément choisie. »

Dans l’ensemble, l’appétit pour un partenariat avec les États-Unis est là : « Ce ne sera pas un problème », ajoute Fernandez. « Nous ne faisons qu’enfoncer une porte ouverte. »

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Gabon, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here