Marine Marchande: Administration Redécouvre L’Ordre

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Marine Marchande: Administration Redécouvre L'Ordre
Marine Marchande: Administration Redécouvre L'Ordre

Africa-Press – Gabon. Jean-Cruz Lessagui, Directeur général de la Marine Marchande, dresse un constat implacable: une administration ravagée par 40 ans d’abandon et de corruption systémique. Depuis septembre 2024, les recettes ont bondi de 1,7 à 3 milliards FCFA. Un redressement spectaculaire engageant une bataille contre le désordre institutionnel.

Le 17 octobre 2025, Jean-Cruz Lessagui s’est présenté devant ses agents pour dresser un bilan sans fard de la situation héritée. Son message était clair: l’administration trouvée était en ruines, rongée par des décennies de négligence et de malversations. En septembre 2024, un unique compte représentait les actifs: 680 millions FCFA. Le patrimoine avait largement disparu. Des embarcations fantômes, des bus vendus illégalement, des climatiseurs démontés, des conventions volontairement sous-évaluées. Sans système comptable ni traçabilité des recettes, l’anarchie administrative était généralisée. Lessagui compare cette situation à celle du Gabon avant août 2023, qualifiant l’institution d’état en «délabrement total».

En un peu plus d’une année, les réformes ont produit des résultats tangibles. Les recettes ont progressé remarquablement: 1,7 milliard FCFA en 2023, 2,2 milliards en 2024, et 3 milliards fin octobre 2025. L’institution a remboursé 371 millions FCFA de dettes antérieures et accumule 1,4 milliard FCFA de recettes en attente de reversement. Ces chiffres incarnent le retour de l’ordre et de la traçabilité financière dans une administration qu’on croyait perdue.

Des réformes structurantes pour briser le cycle de la corruption?

Le Directeur général a engagé des réformes qu’il qualifie de «non négociables». La plus spectaculaire concerne l’acquisition du premier siège social de la Marine Marchande pour 1,6 milliard FCFA sur fonds propres, une première historique. Parallèlement, un manuel de procédures a été élaboré, inexistant depuis 1985. La facturation, autrefois centralisée nulle part, l’est désormais. Un logiciel comptable est en cours de déploiement. Des sous-directions pour la facturation, le recouvrement et l’audit sont en création. Ces mesures visent à rendre impossible les détournements qui s’opéraient autrefois en cash, sans enregistrement, sans trace.

S’exprimant devant la presse à l’issue de la réunion avec ses agents, le Directeur général a abordé frontalement les rumeurs de mal gouvernance: «Aujourd’hui, indépendamment des médias, comme vous l’avez déjà entendu, il se raconte qu’il y aurait une grève illimitée à la Marine Marchande, des allégations, des détournements, de mal gouvernance. Le but de cette réunion était de clarifier les choses, de montrer clairement qu’il n’en est rien». Et d’énumérer les transformations opérées: «L’acquisition en fonds propres de notre bâtiment, la dotation des véhicules, la démonstration des rotations de nos agents à mission. Autant d’éléments avant notre arrivée le 19 septembre 2024 ne se faisaient pas.»

L’assainissement passe par la légalité: le bras de fer avec le syndicalisme

Le redressement de la Marine Marchande bute toutefois sur des obstacles institutionnels. La question des primes de rendement, restée en suspens depuis 2020, demeure délicate. Le Directeur général reconnaît le problème mais souligne le flou juridique: «Nous comprenons très bien le problème des primes de rendement, mais à cela, il y a un flou juridique que, aujourd’hui, nous ne pouvons pas prendre en compte.» Il précise que le ministre d’État, ministre des Transports, de la Marine Marchande et de la Logistique travaille à résoudre cette question et que les instructions seront données en temps opportun. Une avancée récente: depuis fin 2024, les arriérés relatifs aux frais de visite ont commencé à être remboursés.

Sur la question syndicale, le Directeur général adopte une ligne intransigeante. Il refuse catégoriquement les pratiques héritées du passé où syndicats et hiérarchie se confondaient dans des arrangements opaques. «Depuis notre arrivée, nous avons invité le syndicat à travailler avec nous à la condition de faire les choses dans la légalité. Le syndicat la viole lui-même», déclare-t-il, relevant l’incompatibilité des fonctions au sein du bureau syndical. Le président du syndicat cumule le poste de chef de station, ce qui viole le propre règlement de l’organisation. «Ces sont des choses que nous ne voulons plus voir dans notre cinquième République, nous voulons changer les choses, la légalité doit prévaloir.»

Néanmoins, le Directeur général ne fermerait pas la porte au dialogue. Ancien syndicaliste, lui-même, ayant exercé comme secrétaire général en Amérique du Nord, il prône la réforme, non la répression: «Je ne refuse nullement de discuter avec le syndicat, je veux simplement que le syndicat réorganise les choses de façon simple: une élection, un bureau dans lequel il n’y a pas de cumul ou d’incompatibilité de fonction. Et à partir de là, moi-même je suis prêt à discuter.» Il appelle les agents à réclamer des élections légitimes et place ses espoirs dans une régénération institutionnelle qui respecterait les règles démocratiques.

Cette bataille menée à la Marine Marchande revêt une signification qui dépasse les murs de l’institution. Elle illustre le grand travail de nettoyage engagé au sein de l’administration gabonaise depuis le changement politique de 2023.

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