Africa-Press – Gabon. Union monétaire en Afrique de l’Est, franc CFA, remise en question du dollar par les Brics… La monnaie et son importance dans la perspective du développement de la Zone de libre-échange continentale (Zlecaf) a été au cœur des débats lors du panel de clôture de l’AFIS 2023. Extraits.
« La dédollarisation de l’économie mondiale », serpent de mer s’il en est, s’est offert une nouvelle jeunesse lors de la 15e assemblée des Brics qui s’est déroulée en Afrique du Sud du 22 au 24 août. Poussées notamment par la Chine et la Russie, les discussions sur la dédollarisation et la possible création d’une nouvelle monnaie ont occupé les débats. À l’heure où la majorité du commerce intrarégional de l’Afrique se fait par le biais de conversions en dollars, le sujet a également trouvé un écho particulier lors du panel de clôture de l’Africa Financial Industry Summit (AFIS)*, qui s’est déroulé les 15 et 16 novembre à Lomé.
Convergence des monnaies
Alors que la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) prend forme, les pays qui la composent sont encouragés à renforcer la convergence de leurs monnaies respectives. Jusqu’à créer une monnaie commune au 54 pays que compte le continent comme l’a suggéré le président kényan William Ruto en juin ? Certains, et pas des moindres, y croient. « Nous sommes dans cette dynamique, ce sera l’aboutissement : une monnaie unique avec une banque centrale unique », a martelé Jean-Claude Kassi Brou.
Le gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) estime qu’une monnaie commune permet de mieux mobiliser l’épargne, de maîtriser l’inflation ou encore de faciliter le commerce. Conscient que la route sera longue, Jean-Claude Kassi Brou assure que plusieurs banques centrales du continent travaillent dans ce sens. Mais son optimisme est loin d’être partagé par ses pairs.
« Il faut faire les choses dans l’ordre », a répondu Aivo Andrianarivelo, le gouverneur de la Banque centrale de Madagascar. « La priorité, c’est d’abolir les freins aux échanges entre nos pays. Nous sommes encore très loin d’un Schengen africain. Il faut plus d’une heure pour traverser la frontière entre le Togo et le Ghana. Où est la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ? », a-t-il constaté, faisant référence à l’espace de libre circulation au sein de l’Europe.
Briser les barrières
Le Malgache doute également qu’une monnaie unique soit suffisante pour accélérer le commerce intra-africain, pointant que même à l’intérieur de la zone CFA, les échanges commerciaux restent limités. « Le problème est que nos populations ne se font pas confiance. Avant de penser à une monnaie unique, il faut travailler à un marché unique de l’énergie et à faciliter le commerce, car aujourd’hui, il est plus facile de commercer avec la Chine qu’avec nos voisins », a regretté Aivo Andrianarivelo.
Son homologue angolais ne croit pas non plus la fin du règne du billet vert au profit de l’émergence d’une monnaie unique continentale. « Tant que les échanges entre les pays d’Afrique seront aussi faibles, nous resterons dépendants du dollar. Du moins à moyen terme, car nous aurons toujours besoin de commercer avec le reste du monde », a expliqué Manuel António Tiago Dias.
Malgré ces divergences, les trois gouverneurs de banques centrales soutiennent de tout leur poids le développement du Système panafricain de paiement et de règlement (Papss). Pour eux, cette plateforme portée par Afreximbank facilitera les paiements transfrontaliers instantanés en monnaie locale entre les pays. La première pierre d’un édifice bien plus ambitieux : l’union monétaire africaine.
* L’Africa Financial Industry Summit – AFIS a été lancé en 2021 par Jeune Afrique Media Group en partenariat avec la Société financière internationale (IFC).
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