Africa-Press – Gabon. Que faire entre satisfaire les attentes légitimes des Gabonais à qui elles ont promis la félicité et répondre aux exigences d’une communauté internationale de plus en plus menaçante ? Prises entre deux feux, les nouvelles autorités du Gabon doivent faire le bon choix, en évitant toute précipitation qui pourrait retourner l’opinion nationale contre elles. Rendu public lundi, le chronogramme de la Transition semble peu réaliste.
Présenté et adopté lors du dernier Conseil des ministres, le chronogramme de la Transition a été rendu public lundi 13 novembre. Si le ton habituellement ferme du lieutenant-colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi était au rendez-vous, beaucoup ont pourtant accueilli ce communiqué n°26 comme un premier aveu d’échec de la junte au pouvoir depuis le renversement salué du régime Bongo. Sinon, comment comprendre qu’en moins de trois mois le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) ait aussi vite consenti à répondre favorablement aux exigences de la communauté internationale qui lui demandait un calendrier censé fixer la fin de Transition pour un retour «rapide», voire précipité à l’ordre constitutionnel ? Comment comprendre cet empressement à fixer la date des prochaines élections politiques dans un pays où presque tout est à refaire, en commençant par un véritable nettoyage du fichier électoral, tout en travaillant à la réconciliation entre les Gabonais et la notion même du vote en laquelle des milliers ont perdu confiance ?
Il n’échappe en effet à personne que la publication de ce chronogramme, aussi «indicatif» soit-il, n’a pas été faite de gaieté de cœur par le général Brice Clotaire Oligui Nguema et ses conseillers issus des différents corps des Forces de défense et de sécurité nationale. Il s’agit d’une réponse à la pression exercée depuis leur arrivée à la tête du pays par une communauté internationale de plus en plus menaçante à l’égard des Gabonais dont elle prétend pourtant défendre les aspirations. Et c’est peu dire que l’attitude des putschistes n’est guère rassurante pour la suite. Le palais Rénovation semble de moins en moins sûr de tenir ses promesses faites aux Gabonais dès le 30 août dernier. Il paraît désormais hésiter, pris en tenailles entre la crainte des sanctions financières qui pourraient bien fausser certains calculs et les attentes légitimes des populations. Il faudra pourtant choisir…et faire le bon choix. Ce qui n’est pas sans risque.
Une question de priorités
En décrétant que l’heure est enfin à la marche vers «la félicité», le CTRI a laissé entendre qu’il en ferait sa priorité à laquelle se rattache la restauration de l’ensemble des institutions gangrenées par le régime Bongo-PDG, quitte à en subir les conséquences au niveau international. Est-il seulement capable de tenir cette position aujourd’hui ? Ses bases sont-elles aussi solides que certains le croyaient ? On est en droit d’en douter au regard du chronogramme proposé.
Parmi les priorités des militaires figuraient la restauration de la stabilité et de la confiance des Gabonais vis-à-vis des institutions, en luttant notamment contre la corruption qui s’est solidement ancrée dans tous secteurs. Est-il possible de mener un chantier aussi vaste en deux ans ? Comment les tombeurs d’Ali Bongo parviendront-ils à réformer en 24 mois ce que le président de la République déchu a perverti et détruit en 168 mois de règne ? Combien de temps durerait la période de sensibilisation axée sur la nouvelle Constitution dont l’adoption par le Parlement et la promulgation par le président de la Transition sont prévues mi-mars 2025 ? Parti comme ça l’est, on craint que les différentes consultations annoncées se fassent dans la précipitation, au risque de survoler , voire d’éluder certains sujets jugés prioritaires pour le bien-être des Gabonais.
Un CTRI aux ordres ?
En publiant lundi son chronogramme de la Transition, le CTRI montre clairement qu’il n’hésitera pas à danser sur le rythme imposé par la communauté internationale, au risque de retourner l’opinion nationale contre lui, alors qu’il bénéficie jusqu’ici d’un certain capital sympathie. Les militaires qui ne sont décidément pas à leur place, dévoilent ainsi leur faiblesse et leur manque de détermination à mener jusqu’au bout les différentes missions qu’ils se sont eux-mêmes fixées, sans pression extérieure. Une attitude bien curieuse pour des hommes d’armes.
S’achemine-t-on vers un retour à un Gabon, Nation aux ordres de toutes les puissances étrangères parmi lesquelles la France et les États-Unis ? Doit-on encore croire que seules les aspirations des Gabonais guident l’action de la junte au pouvoir ? Si des élections sont prévues en août 2025, rappelons que l’un des principaux engagements du CTRI est de «répondre aux principales demandes populaires pour garantir la paix sociale que n’offrirait aucune élection». Il faudra prendre du temps pour y arriver, d’autant plus que beaucoup reste à faire.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Gabon, suivez Africa-Press